Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, par deux requêtes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2015 par lequel le maire de La Rochelle a mis fin, le 30 septembre 2015, à la concession du logement sis rue Blaise Pascal à Périgny accordée à M. B... par nécessité absolue de service et, d'autre part, de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice causé par cet arrêté, la somme de 202 052,25 euros en règlement des heures supplémentaires non payées au cours des années 2011 à 2015 et à lui rembourser les redevances acquittées pour l'occupation de ce logement au cours de l'année 2015.
Par un jugement commun n° 1502962 et 1601315 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018 sous le numéro 18BX01918, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 mars 2018 ;
2°) de condamner la commune de La Rochelle à lui verser la somme de 202 052,25 euros en règlement des heures supplémentaires effectuées au cours des années 2011 à 2015 ;
3°) de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices causés par l'arrêté du 18 septembre 2015 ;
4°) de condamner la commune de La Rochelle à lui rembourser les redevances acquittées pour l'occupation de ce logement au cours de l'année 2015 ;
5°) de mettre à la charge de la commune de La Rochelle la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en plus de ses obligations " du contrat de travail ", une mission de gardiennage lui a été confiée, laquelle prenait effet après les heures de travail. Cette mission, qui consiste notamment à assurer le cas échéant la coordination entre les équipes d'intervention, à répondre au téléphone et à la radio, à assurer une tournée nocturne de contrôle, ne saurait être regardée comme une simple astreinte mais comme une permanence qui constitue une activité à part entière. Cette mission a donc été réalisée sur des heures supplémentaires.
- il ressort de la note de service du 18 septembre 1998 que la contrepartie à l'exercice de cette mission était l'attribution d'un logement de fonction. Or la commune de La Rochelle évalue le temps consacré à cette mission à 620 heures par an. Or, il ressort des plannings que le temps consacré a très nettement excédé les 620 heures. Si l'article 3 du décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 prévoit que ces permanences n'ont pas à être rémunérées lorsque les agents concernés bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service, il résulte cependant de la jurisprudence que ces dispositions ne font pas obstacle à la rémunération des heures supplémentaires ;
- en outre, il résulte de l'article 2 du décret n° 2005-542 que la permanence ne peut concerner que les samedi, dimanche et jours fériés. Dès lors, les permanences réalisées en semaine ne peuvent relever que des heures supplémentaires ;
- le nombre d'heures supplémentaires dont le règlement est sollicité est calculé à partir des plannings établis par la commune desquels sont déduits pour chaque année 620 heures en raison de l'attribution d'un logement de fonction ;
- le nombre d'heures de travail effectué méconnaît les droits garantis par le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001, lequel renvoie à l'article 3 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 dont les règles ont été méconnues ;
- ce non-respect des règles afférentes au temps de travail lui a causé un trouble dans sa vie familiale qui a été perturbée par les coups de téléphone et les alarmes ;
- la redevance pour l'occupation d'un logement de fonction ne peut lui être réclamée pour l'année 2015 dès lors que les 620 heures devant être effectuées pour bénéficier de cette contrepartie ont été réalisées avant le 30 septembre 2015, terme de la concession du logement. Aucune redevance ne pouvait donc lui être réclamée au titre des mois de septembre à décembre 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2018, la commune de La Rochelle, représentée par Me E..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que l'appel est irrecevable en l'absence de toute contestation du bien-fondé du jugement attaqué.
Par ordonnance du 15 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 janvier 2020 à midi.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2018 et le 14 mars 2019 sous le numéro 18BX01919, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 mars 2018 ;
2°) de condamner la commune de La Rochelle à lui verser la somme de 202 052,25 euros en règlement des heures supplémentaires effectuées au cours des années 2011 à 2015 ;
3°) de condamner la commune de La Rochelle à lui verser la somme de 20 205,22 euros en règlement des congés payés afférents aux heures supplémentaires effectuées au cours des années 2011 à 2015 ;
4°) de condamner la commune de La Rochelle à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices causés par l'arrêté du 18 septembre 2015 ;
5°) de condamner la commune de La Rochelle à lui rembourser les redevances acquittées pour l'occupation de ce logement au cours de l'année 2015 ;
6°) de mettre à la charge de la commune de La Rochelle la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement de la somme de 600 euros versée en exécution du jugement attaqué.
Il invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance précédente.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2018 et le 6 mai 2019, la commune de La Rochelle, représentée par Me E..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions à fin de remboursement des redevances versées au titre de l'année 2015 sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 janvier 2020 à midi.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;
- le décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... A...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., adjoint technique territorial affecté au centre technique municipal de La Rochelle, exerçait une mission complémentaire de gardiennage et de surveillance du site du centre technique une semaine sur trois en contrepartie de la concession à titre gratuit par nécessité absolue de service d'un logement de fonction. A la suite de la réforme du régime d'attribution des concessions de logement, le conseil municipal de La Rochelle a, par une délibération du 6 juillet 2015, réduit le nombre d'emplois justifiant l'attribution d'un logement par nécessité absolue de service. Dans le cadre de cette réorganisation, la mission de gardiennage et de surveillance confiée à M. B... lui a été retirée à compter du 1er octobre 2015 et il a été affecté à cette même date sur un poste de responsable d'atelier. En conséquence, le maire de La Rochelle a, par un arrêté du 18 septembre 2015, mis fin au 30 septembre 2015 à la concession de logement par nécessité absolue de service dont bénéficiait M. B.... Ce dernier a sollicité devant le tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cet arrêté et a adressé le 29 décembre 2015 au maire de La Rochelle une réclamation préalable tendant au versement de la somme de 208 031, 25 euros en règlement des heures supplémentaires effectués de 2011 à 2015 et d'une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices causés par la méconnaissance du droit du travail dans le cadre de l'exercice de la mission de gardiennage et de surveillance du site. A la suite du rejet de sa réclamation, M. B... a réitéré sa demande devant le tribunal administratif de Poitiers en cantonnant la demande au titre du règlement des heures supplémentaires à la somme de 202 052, 25 euros et en sollicitant également le remboursement des redevances versées de septembre à décembre 2015 en exécution de la convention d'autorisation d'occupation temporaire du logement précédemment concédé par nécessité absolue de service signée le 23 novembre 2015. Par un jugement commun du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté l'ensemble des demandes de M. B.... En l'absence de conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2015 du maire de La Rochelle, M. B... doit être regardé, par les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 18BX01918 et 18BX01919, comme relevant appel du jugement du 14 mars 2018 en tant qu'il rejette sa demande indemnitaire.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 18BX01918 et 18BX01919 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne le règlement d'heures supplémentaires :
3. Aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 susvisé, rendu applicable aux agents de la fonction publique territoriale par l'article 1er du décret n°2001-623 du 12 juillet 2001 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif (...) ". Aux termes de l'article 9 du décret du 14 janvier 2002 susvisé : " (...) Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre. (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " (...) sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 19 mai 2005 susvisé : " (...) La permanence correspond à l'obligation faite à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, un samedi, un dimanche ou lors d'un jour férié ". Enfin, selon l'article 3 de ce décret la rémunération et la compensation des obligations d'astreinte et de permanence " ne peuvent être accordées aux agents qui bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si un agent territorial bénéficiant d'une concession de logement à titre gratuit pour nécessité absolue de service ne peut pas prétendre au paiement ou à la compensation de ses périodes d'astreinte et de permanence, y compris lorsque ces périodes ne lui permettent pas de quitter son logement, il peut toutefois prétendre au paiement ou à la compensation d'heures supplémentaires, à la double condition que ces heures correspondent à des interventions effectives, à la demande de l'autorité hiérarchique, réalisées pendant le temps d'astreinte ou de permanence, et qu'elles aient pour effet de faire dépasser à cet agent les bornes horaires définies par le cycle de travail.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment de la fiche de poste, que la mission de gardiennage et de surveillance du centre technique municipal consiste notamment en la gestion du standard téléphonique, en un contrôle de la fermeture des accès aux ateliers, au magasin, aux bureaux après les heures d'ouverture du site, en des interventions en cas de déclenchement de l'alarme intrusion, en des rondes, en une consultation du poste informatique dédié à l'intrusion-vol, en un contrôle des entrées/sorties les soirs, week-end et jours fériés et la coordination des services d'astreinte durant ces mêmes périodes. Si, comme le soutient le requérant, une telle mission, qui comporte des obligations de service et ne se cantonne donc pas à une simple présence dans le logement attribué dans le cadre de la concession de logement pour nécessité absolue de service, correspond non pas à une astreinte mais à une permanence au sens de l'article 2 du décret du 19 mai 2005, la seule production de plannings indiquant les jours durant lesquels l'intéressé a exercé cette mission de gardiennage ne permet d'identifier ni le nombre ni la durée des interventions effectuées à la demande de l'autorité hiérarchique pouvant être qualifiées d'heures supplémentaires au sens des textes cités au point 3. Dans ces conditions, la demande d'indemnisation d'heures supplémentaires ne peut qu'être rejetée.
En ce qui concerne le trouble dans les conditions d'existence :
6. Le requérant qui recherche la responsabilité de la personne publique doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents. M. B... soutient que durant la période pendant laquelle il a exercé la mission de gardiennage et de surveillance du centre technique municipal, lui et sa famille ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence en raison du téléphone qui sonne à toute heure du jour et de la nuit et du déclenchement de l'alarme et que ces troubles trouvent leur origine dans un exercice illégal de cette mission, l'organisation du travail ne respectant pas les garanties minimales de durée du travail et de repos instituées par les dispositions du I de l'article 3 du décret du 25 août 2000. Toutefois M. B... ne produit aucun élément au soutien des troubles invoqués de sorte que le préjudice n'est justifié ni dans son principe ni dans son étendue. Dès lors, ce chef de préjudice ne peut être indemnisé.
En ce qui concerne le remboursement des redevances :
7. Il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel l'appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le juge de premier ressort, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit.
8. Il résulte de l'instruction que M. B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers la condamnation de la commune de La Rochelle à lui rembourser les redevances versées de septembre à décembre 2015 pour l'occupation du logement précédemment concédé par nécessité absolue de service sans avoir adressé de réclamation préalable. En défense, la commune de La Rochelle a opposé à titre principal le défaut d'une telle demande. En l'absence de lien de connexité suffisant avec ce qui figurait dans la réclamation préalable du 29 décembre 2015, laquelle concernait le règlement d'heures supplémentaires et l'indemnisation du trouble dans les conditions d'existence, et en l'absence de régularisation au cours de l'instance, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces conclusions indemnitaires comme étant irrecevables en l'absence de réclamation préalable. Si en appel, M. B... réitère sa demande indemnitaire, il ne conteste pas l'irrecevabilité qui a été opposée à sa demande. Dès lors, les conclusions à fin de remboursement des redevances ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Rochelle, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune de La Rochelle au même titre.
DECIDE
Article 1er : Les requêtes numéros 18BX01918 et 18BX01919 de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la commune de La Rochelle présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la commune de La Rochelle.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme Karine Butéri, président-assesseur,
M. F... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.
Le président,
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°s 18BX01918, 18BX01919