Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de le décharger des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujettis au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1405239, 1502801 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté à ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 6 avril 2018 et 13 décembre 2018, M. G..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 février 2018 ;
2°) de le décharger des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Dans le dernier état de ses écritures, il soutient que :
- le tribunal administratif a omis d'examiner le moyen tiré de ce que les attestations transmises par le directeur commercial et clientèle d'EDF ne lui était pas opposables dès lors qu'elles ont été obtenues dans des conditions irrégulières ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 76 B du livre des procédures fiscales ; elle a également méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe d'égalité des armes en lui opposant des renseignements portant sur la date de réalisation de l'investissement productif obtenus auprès d'EDF par l'usage d'une procédure contraignante alors qu'il ne peut lui-même obtenir les documents que le service lui oppose ;
- l'application rétroactive de la jurisprudence Adam du Conseil d'Etat du 26 avril 2017 méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ; elle est également contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucune disposition ne prévoit l'obligation de restituer une aide d'État versée prématurément.
Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 25 octobre 2018 et 28 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. G... n'est fondé.
Par ordonnance du 28 janvier 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 12 février 2019 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... E...,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... a bénéficié au titre de l'année 2010 d'une réduction d'impôt sur le revenu en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison des investissements réalisés outre-mer par les SEP Sunra Fluide 1091, 1092 et 1093 dont il est associé à hauteur de 2,25 % du capital social. Il a également bénéficié d'une réduction d'impôt au titre de l'année 2011, du fait du report de l'excédent de la réduction d'impôt de l'année 2010. A l'issue d'un contrôle sur pièces, cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif que les investissements ne pouvaient être regardés comme réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts. M. G... relève appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, en conséquence de la reprise de ces réductions d'impôt.
Sur la régularité du jugement :
2. M. G... soutient que le tribunal administratif n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que les attestations transmises par le directeur commercial et clientèle d'Electricité de France (EDF) lui étaient inopposables, dès lors que l'administration ne disposait, dans le cadre de son droit de communication, d'aucune base légale pour exiger de la société EDF la production de ces attestations. Toutefois, il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté ce moyen en relevant que, si les informations avaient été remises à l'administration fiscale sous une forme déterminée par elle, par le renseignement de tableurs joints à sa demande, cette circonstance était sans incidence sur le contenu des informations, puisque relative à leur seule présentation, et n'était pas de nature à permettre d'établir que la fourniture de ces informations, qui n'avaient pas fait l'objet de retraitements ni de comparaisons avec d'autres données, en particulier comptables, avait nécessité de la part d'EDF des investigations particulières. Ils en ont déduit que devait être écarté le moyen tiré de ce que l'administration avait excédé les pouvoirs que lui conférait le droit de communication mentionné à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales. Par suite, M. G... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif n'aurait pas répondu à ce moyen.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux propositions de rectification du 16 avril 2013, que M. G... a bénéficié d'une procédure de rectification contradictoire au cours de laquelle il a été mis en mesure de contester les rectifications proposées par l'administration en apportant tous les éléments justificatifs qui lui paraissaient utiles et n'a ainsi été privé d'aucune garantie. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus.
4. Par ailleurs, dans la mesure où les investisseurs comme M. G... sont des personnes physiques qui n'exercent pas une activité économique, les avantages fiscaux dont ils bénéficient dans le cadre des mesures fiscales pour les investissements productifs outre-mer ne constituent pas, contrairement à ce que soutient l'intéressé, une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne. En conséquence, le litige portant sur un avantage fiscal, le requérant ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoquer, sur ce fondement, l'atteinte au principe d'égalité des armes, pour contester la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu devant le juge de l'impôt, dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.
5. En second lieu, aux termes l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. L'administration n'est en revanche pas tenue, avant d'établir lesdites impositions, de communiquer d'elle-même au contribuable les pièces obtenues auprès de tiers, sur lesquelles elle a entendu se fonder. En l'espèce, alors que M. G... a bien été informé de l'utilisation, par le service vérificateur, de renseignements fournis par EDF et obtenus dans le cadre de son droit de communication, il ne résulte pas de l'instruction qu'il en aurait demandé communication avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la garantie énoncée par les dispositions de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. D'une part, aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) ". Aux termes du dix-neuf alinéa du même article, dans sa rédaction applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 : " Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8, à l'exclusion des sociétés en participation (...) ". Aux termes du vingtième alinéa dudit article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...). ".
7. D'autre part, aux termes de l'article 95 K de l'annexe II à ce code : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ". Aux termes de l'article 95 Q de la même annexe : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) ".
8. En premier lieu, il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. S'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date. Il appartient en outre au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de cet avantage fiscal. Cette interprétation des dispositions de l'article 199 undecies B du CGI telle qu'elle a été formulée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 26 avril 2017 n° 398405 s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'électricité, qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence et ne présente aucun caractère rétroactif, ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique ni, en tout état de cause, le principe de confiance légitime.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment des renseignements obtenus auprès d'Electricité de France, qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre de laquelle a été pratiquée la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet, au 31 décembre 2010, d'une demande de raccordement au réseau électrique, condition pourtant nécessaire à l'exploitation des installations selon l'usage prévu par les investisseurs en vue de bénéficier de l'avantage fiscal correspondant. Aucun certificat de conformité n'avait par ailleurs été délivré à la même date par l'organisme agréé que constitue le Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité. M. G... n'apporte aucun élément de nature à infirmer le constat sur lequel s'est fondée l'administration. Dans ces conditions, les installations photovoltaïques à raison desquelles l'avantage fiscal est demandé ne pouvant ni être effectivement exploitées ni être productives de revenus au 31 décembre de l'année 2010, l'administration fiscale, qui n'a pas ajouté aux conditions fixées par la loi fiscale mais s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles les investissements sont soumis pour pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, a pu à bon droit remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée par M. G.... Par ailleurs, et dès lors que les investissements avaient été réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation, la réduction d'impôt prévue par ces dispositions ne pouvait pas davantage être appliquée au titre de l'année 2011.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etat de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ". Le requérant ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que s'il peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.
11. Ainsi qu'il a été dit aux points 8 et 9, M. G... n'établit pas qu'à la date du 31 décembre 2010 les investissements pour lesquels il a sollicité le bénéfice d'une réduction d'impôt remplissaient les conditions prévues par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Il ne peut, dès lors, se prévaloir d'aucune espérance légitime, devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit par suite être écarté comme inopérant.
12. En troisième et dernier lieu, M. G... ne peut utilement se prévaloir des règles relatives à la récupération des aides d'Etat dans la mesure où, comme il a été dit au point 5, il est une personne physique qui n'agit pas en tant qu'opérateur économique ni n'exerce une activité, consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, qualifiée d'économique. Par suite, le moyen tiré de ce que le droit de l'Union européenne relatif aux aides d'Etat aurait interdit à l'administration de demander la restitution de l'avantage fiscal dont il a bénéficié doit être écarté comme inopérant. Au surplus, et comme il a été dit, il est constant que les centrales photovoltaïques dans lesquelles avaient investi les SEP dont M. G... était associé n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010, de sorte que les investissements en cause ne pouvaient être regardés comme réalisés au titre de l'année 2010. Ainsi, le requérant ne remplissant pas les conditions pour bénéficier de l'avantage fiscal prévu par les dispositions de l'article 199 undecies B du CGI, ces dispositions permettaient à l'administration de remettre en cause, pour ce seul motif, cet avantage et en conséquence de remettre à sa charge l'imposition correspondante ainsi que cela a été indiqué dans les propositions de rectifications.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... F..., président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
Mme B... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
La présidente,
Brigitte F...
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01395