Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 février 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1902045 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler le temps de l'examen de sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'établissait pas l'ancienneté de sa relation avec M. C..., compatriote de nationalité nigériane ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaissait pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'établissait pas ne plus avoir de liens dans son pays d'origine ;
- c'est à tort que le tribunal a pris en considération l'insuffisance présumée de ses ressources propres, qui ne figure pas au nombre des critères de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'incompétence de son auteur ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa relation avec son compagnon date de 2016, qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que son absence de ressources propres ne pouvait être prise en considération ;
- il méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la présence en France de son fils, né le 11 juillet 2017, et de ce qu'elle n'a plus de famille au Nigéria ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête de Mme D... ne sont pas fondés.
Vu la décision n° 2019/018045 du 14 novembre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux accordant à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- et les observations de Me E..., avocat, représentant Mme D..., présente à l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante nigériane née le 14 avril 1992, est entrée en France en août 2013, selon ses déclarations. Par un arrêté du 26 juillet 2016, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile par une décision du 31 juillet 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 mai 2016. Le 16 août 2017, l'intéressée a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 février 2019, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, Mme D... se borne à reprendre en appel, sans critiquer utilement la réponse apportée par le jugement, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif pertinemment développé par le tribunal.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
4. Mme D... persiste à faire valoir qu'elle entretient une relation affective depuis plus de trois ans avec M. C..., compatriote titulaire d'un récépissé de renouvellement de titre de séjour. Toutefois, en admettant même que cette relation aurait débuté en cours d'année 2016, le préfet ne s'est pas mépris en estimant que cette relation était récente à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résideraient ses parents et l'ensemble de sa fratrie. A cet égard, Mme D... n'apporte pas plus en appel un quelconque commencement de preuve de l'allégation selon laquelle tous les membres de sa famille demeurant au Nigéria seraient décédés. En outre, en indiquant que l'intéressée ne dispose pas de ressources propres sur le territoire national à même de lui assurer une autonomie matérielle, le préfet n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur de fait. Si, de sa relation avec M. C..., est né un enfant le 11 juillet 2017, cette naissance ne lui confère, par elle-même, aucun droit au séjour, comme l'a justement relevé le tribunal. La circonstance que postérieurement à l'arrêté, elle était enceinte d'un second enfant, né au mois de février 2020, ne peut être utilement invoquée. Enfin, Mme D..., dont le compagnon a la même nationalité qu'elle et n'était détenteur que d'une autorisation provisoire de séjour à la date de l'acte attaqué, ne fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, ne méconnaissait ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision en litige ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée, dès lors notamment que le préfet n'a pas entendu opposer à Mme D... un motif tiré d'une menace à l'ordre public mais s'est borné à rappeler un certain nombre de faits délictuels, non contestés, dont l'intéressée s'était rendue coupable en 2013 et 2014.
5. En dernier lieu, et eu égard à ce qui vient d'être exposé, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que Mme D... n'était pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 février 2019. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte qu'elle a présentées doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. Thierry B..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX04793