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30/06/2020 | FRANCE | N°19BX04762

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juin 2020, 19BX04762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901153 du 1er août 2019, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 11 décembre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1901153 du 1er août 2019, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 1er août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la mesure portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- l'arrêté dans son ensemble a été signé par une autorité incompétente, la délégation accordée étant trop imprécise.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée, la menace à l'ordre public n'étant pas caractérisée par les suites données aux affaires de vol et recel sur lesquelles il a été entendu, et le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ; il n'explique pas pourquoi il a également visé le e) du 3° du II de l'article L511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il n'est pas reproché l'usage de faux documents d'identité ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations écrites préalablement à l'édiction de la mesure ;

- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, une simple interpellation pour vol étant insuffisante pour la caractériser ; le préfet de la Haute-Vienne a commis une erreur d'appréciation en retenant un tel comportement à son encontre.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, notamment, qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il est entré régulièrement sur le territoire français.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de M. D... ne sont pas fondés.

Par une décision n° 2019/020017 du 5 décembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. E... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien né le 5 mars 1978, est entré régulièrement en France le 1er juin 2019, selon ses déclarations, muni d'un passeport géorgien en cours de validité. Le 24 juin 2019, il a été interpellé à Limoges par des fonctionnaires de police pour un vol d'argent dans la caisse d'un commerçant. Par un arrêté du 25 juin 2019, le préfet de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 1er août 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 25 juin 2019.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce qu'allègue le requérant, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué et en particulier de son point 13 que le premier juge a répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 juin 2019 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

3. Ainsi que l'a relevé le premier juge, M. Jérôme Decours, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Vienne, signataire de l'arrêté en litige, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Haute-Vienne en date du 10 novembre 2018, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs n°87-2018-101 de la préfecture, à l'effet de signer les décisions en litige. Contrairement à ce qu'allègue le requérant en appel, cette délégation est suffisamment précise.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

4. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs non utilement critiqués et pertinemment retenus par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée, qui ne se confond pas avec le bien-fondé des motifs, et du défaut d'examen individuel et circonstancié de sa situation personnelle.

5. En deuxième lieu, si M. D... persiste à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire telle que prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur a entendu déterminer à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Il suit de là qu'il ne peut utilement invoquer les dispositions susvisées du code des relations entre le public et l'administration à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes du II des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...)1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document (...) ".

7. Si M. D... continue de soutenir que le préfet de la Haute-Vienne ne pouvait fonder sa décision sur les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il n'est pas fait état du fait qu'il se serait trouvé en possession d'un titre de séjour ou d'un document frauduleux et où il ne constitue pas une menace réelle et actuelle pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de la Vienne du 14 septembre 2011, que la consultation de divers fichiers, dont le fichier automatisé des empreintes digitales, a révélé que l'intéressé était connu sous diverses identités dans lesquelles il était impliqué pour des faits de vol et des faits de fausse déclaration en vue d'obtenir des droits. En outre, il a été impliqué dans des affaires de vols et de recels de biens provenant de vols entre 2002 et 2007 dans le département du Calvados, a été interpellé le 13 septembre 2011 dans le cadre d'une procédure pour défaut de permis de conduire, usurpation d'identité, faux et usage de faux, et il avait fait l'objet d'une interdiction de séjour sur le territoire Schengen émise par les autorités polonaises, valide jusqu'au 7 mars 2013. Enfin et comme il a été dit plus haut, il a été interpellé en flagrant délit de vol d'argent le 24 juin 2019. Dans ces conditions, en l'absence de toute considération humanitaire, eu égard à la gravité et au caractère répété des agissements de M. D... jusqu'à une période très récente et qui ne sont pas contestés, quand bien même l'intéressé relève qu'ils n'avaient pas donné lieu à des condamnations à la date de la décision en litige, le préfet de la Haute-Vienne, qui n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave et actuelle pour l'ordre public, n'a pas davantage fait une inexacte application des dispositions du 1° et du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant également qu'il pouvait se soustraire à cette obligation, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... a utilisé, à plusieurs reprises, une seconde identité falsifiée sous le nom de G... H....

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

8. En premier lieu, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'était pas illégale, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré du défaut de base légale de la décision contestée.

9. En second lieu, aux termes du premier et du deuxième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...). Aux termes du huitième alinéa du même article : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.".

10. En l'absence de tout élément nouveau en appel, il y a lieu, par adoption des motifs pertinemment développés par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans serait insuffisamment motivée en droit et en fait et de ce qu'elle aurait méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi :

11. En premier lieu, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'était pas illégale, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré du défaut de base légale de la décision contestée.

12. En second lieu, et en l'absence de critique pertinente du jugement en appel sur ce point, il y a lieu d'adopter le motif développé à bon droit par le premier juge aux fins d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 25 juin 2019. Il suit de là que les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... C..., présidente,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

M. E... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04762
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-30;19bx04762 ?
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