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30/06/2020 | FRANCE | N°18BX02272

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juin 2020, 18BX02272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Foix de Candalle à lui verser une indemnité de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation de son entier préjudice résultant des fautes commises par cet établissement dans le déroulement de sa carrière.

Par un jugement n° 1601914 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme D..

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Foix de Candalle à lui verser une indemnité de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation de son entier préjudice résultant des fautes commises par cet établissement dans le déroulement de sa carrière.

Par un jugement n° 1601914 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme D....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 6 juin 2018 et 27 mai 2020, Mme D..., puis M. G... D..., M. F... B... et M. H... D..., qui ont déclaré le 19 février 2019 reprendre l'instance en qualité d'héritiers de Mme D..., représentés par Me I..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2018 ;

2°) de condamner l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Foix de Candalle à leur verser une indemnité de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2016 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice financier et moral de Mme E... D... ;

3°) de mettre à la charge de l'EHPAD Foix de Candalle le paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- Mme E... D... étant décédée le 14 septembre 2018, ils entendent reprendre l'instance en cours, en leur qualité d'héritiers de la défunte, conformément aux dispositions de l'article R. 634-1 du code de justice administrative ;

- l'EHPAD l'a, en réalité, recrutée sur un poste permanent et non pour pourvoir au remplacement d'un agent momentanément absent ; l'établissement n'a jamais justifié l'existence de cette absence ;

- la durée ininterrompue de ses contrats de travail pendant trois ans atteste de ce caractère permanent du poste occupé ;

- le motif de son recrutement, figurant dans ses contrats successifs, est donc erroné et rend ces contrats illégaux dès lors qu'elle a été recrutée sur le fondement de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986 et non de l'article 9 de cette même loi ;

- les dates de prise d'effet de ses contrats ne correspondent pas avec les absences des agents remplacés ; elle n'a jamais été informée de l'objet de ses remplacements ni du caractère temporaire de son emploi ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas reconnu qu'elle était recrutée sur un emploi permanent et que la durée ininterrompue de ce recrutement était illégale au regard de l'article 9-1 de la loi ; ce recrutement n'aurait, en effet, pas dû dépasser la durée maximale d'un an ;

- l'EHPAD a également commis une faute en refusant de renouveler son contrat de travail, ce refus n'étant pas motivé par l'intérêt du service mais constituant une sanction déguisée et un détournement de procédure ; il est également entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que son comportement justifiait le non-renouvellement de son contrat ;

- compte tenu de cet ensemble d'illégalités fautives, elle est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice financier et moral à hauteur de la somme de 30 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2018, l'EHPAD Foix de Candalle, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête de Mme D... et à ce que soit mis à la charge de la requérante le paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête de Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a été employée, du 4 janvier 2010 au 31 décembre 2012, par l'EHPAD Foix de Candalle à Montpon-Ménestérol (Dordogne), pour y exercer les fonctions d'agent des services hospitaliers qualifié contractuel, d'abord dans le cadre de contrats uniques d'insertion, contrats de droit privé, d'une durée totale de seize mois, puis de contrats à durée déterminée successifs à compter du 4 mai 2011. Par une lettre du 12 décembre 2012, le directeur de 1'établissement 1'a informée de ce que son dernier contrat, dont le terme était fixé au 31 décembre 2012, ne serait pas renouvelé. Mme D... a sollicité la condamnation de l'EHPAD Foix de Candalle à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant selon elle des fautes commises par cet établissement lors de son recrutement puis dans la gestion de ses contrats et le non-renouvellement de son dernier contrat. Elle a relevé appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes indemnitaires. Ses ayants droit légaux ont déclaré reprendre l'instance après le décès de Mme D..., survenu le 14 septembre 2018.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article 4 du décret du 6 février 1991 susvisé : " Les agents sont recrutés par contrat écrit. Celui-ci doit préciser l'article de la loi du 9 janvier 1986 et, le cas échéant, l'alinéa en vertu duquel il est établi. Outre sa date d'effet et la définition des fonctions occupées, le contrat détermine les conditions d'emploi de l'agent et notamment les modalités de sa rémunération. Il indique les droits et obligations de l'agent, lorsque ceux-ci ne relèvent pas d'un texte de portée générale (...) ". Aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée dans sa rédaction applicable : " (...) les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées (...) Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Les contrats à durée déterminée mentionnés ci-dessus sont d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par décision expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 9-1 de cette même loi, dans sa rédaction applicable jusqu'au 14 mars 2012 : " Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires hospitaliers indisponibles ou autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel. Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée déterminée ", et aux termes du premier alinéa de l'article 9-1 de cette loi, dans sa rédaction applicable à compter du 14 mars 2012 : " I - Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires ou d'agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé annuel, d'un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d'un congé de longue durée, d'un congé pour maternité ou pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, d'un congé de solidarité familiale, de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ou de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière. Le contrat est conclu pour une durée déterminée. Il est renouvelable, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence de l'agent à remplacer ".

3. Comme l'a relevé le tribunal, il résulte de l'instruction que les contrats en litige précisent, conformément aux dispositions précitées de 1'article 4 du décret susvisé du 6 février 1991, le fondement juridique en vertu desquels ils ont été conclus, en énonçant, en leur article 3, que : " Le présent contrat est conclu dans le cadre du 1er alinéa de l'article 9-1 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ".

4. En premier lieu, si Mme D... a d'abord recherché l'engagement de la responsabilité de l'EHPAD Foix de Candalle au motif que celui-ci aurait illégalement eu recours aux contrats à durée déterminée pour pourvoir, en réalité, un poste permanent, il résulte des termes mêmes de l'article 1er de ces contrats successifs, conclus à compter du 4 mai 2011, que Mme D... a été " recrutée, à titre temporaire, afin de pourvoir au remplacement d'agent momentanément absent ". Contrairement à ce que les requérants se bornent à alléguer, l'établissement apporte, de surcroît, la preuve de ce que l'intéressée a successivement remplacé, sur la période allant du 4 mai 2011 au 31 janvier 2012, un agent placé d'abord en congé de maladie ordinaire puis en congé de maternité, puis du 1er février 2012 au 31 décembre 2012, un agent en formation professionnelle. Dans ces conditions, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le nom de l'agent à remplacer figure sur le contrat de travail, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme D..., qui ne pouvait ignorer le caractère temporaire de son emploi au regard des dispositions contenues dans ses contrats, n'était pas fondée à exciper de ce que 1'établissement aurait eu recours à des contrats à durée déterminée dans des conditions irrégulières aux fins de pourvoir un poste permanent. A cet égard, il résulte des données communiquées par l'établissement que la durée des contrats a correspondu à la durée des absences des différents agents titulaires à remplacer par l'intéressée.

5. En deuxième lieu, si Mme D... a recherché la responsabilité de l'EHPAD Foix de Candalle au motif que celui-ci aurait eu recours, de manière illégale, à des contrats à durée déterminée successifs sur une durée totale supérieure à la durée maximale légale, ainsi que l'ont exactement rappelé les premiers juges, les dispositions précitées du premier alinéa de 1'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986 ne fixent aucune durée maximale dans le cas, comme en l'espèce, du remplacement d'un agent momentanément absent. Les requérants ne sauraient, sur ce point, se prévaloir ni des dispositions des deuxième et troisième alinéas de cet article 9-1, ni des dispositions de l'article 9 qui sont relatifs à d'autres motifs de recrutement d'agents contractuels sur des emplois permanents temporairement vacants ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité notamment.

6. En troisième et dernier lieu, Mme D... a également recherché la responsabilité de l'EHPAD Foix de Candalle au motif que celui-ci aurait illégalement refusé de renouveler son dernier contrat à durée déterminée. Mais, comme le tribunal l'a pertinemment rappelé, un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci et ce renouvellement peut être refusé si l'intérêt du service le justifie. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la décision de ne pas renouveler le contrat de la requérante est intervenue au motif, notamment, que 1'intéressée a, au cours de son dernier contrat, adopté un comportement inadapté et moqueur, tant à l'égard de ses collègues que de certains résidents de l'établissement. La réalité de ce comportement est établie tant par le courrier d'excuses que la requérante a elle-même adressé, le 17 septembre 2012, au directeur de l'établissement où elle reconnaît ces manquements, que par le compte-rendu de l'entretien qu'elle a eu avec ses supérieurs hiérarchiques le 12 octobre 2012. Ainsi, comme l'a également à bon droit estimé le tribunal, la décision de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée de Mme D..., bien que prise en considération de la personne, était fondée sur la volonté du directeur de préserver la santé et la sécurité des résidents et des autres agents affectés au sein du même service que 1'intéressée, et donc sur 1'intérêt du service. Elle n'était donc entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation. Par ailleurs, il ne résulte pas de 1'instruction que cette décision aurait présenté le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ou qu'elle caractériserait un détournement de procédure. Dans ces conditions, Mme D..., qui avait été mise en mesure de faire valoir ses observations, en particulier lors de l'entretien du 12 octobre 2012, n'était pas davantage fondée à exciper de ce que 1'établissement aurait illégalement refusé de renouveler son contrat à durée déterminée.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de faute imputable à l'EHPAD Foix de Candalle, les héritiers de Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de l'intéressée tendant à engager la responsabilité de l'EHPAD à son égard.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

10. Les conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens par les héritiers de Mme D... à l'encontre de l'EHPAD Foix de Candalle, qui n'est pas partie perdante, ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants le paiement à l'EHPAD Foix de Candalle de la somme que celui-ci demande sur ce même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'EHPAD Foix de Candalle présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à M. F... B..., à M. H... D... et à l'EHPAD Foix de Candalle.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

M. Thierry C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02272
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Refus de renouvellement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : ALJOUBAHI 1

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-30;18bx02272 ?
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