Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à l'indemniser à hauteur de 15 000 euros des préjudices qu'il a subis en raison de l'erreur de diagnostic commise lors de sa prise en charge aux urgences de cet établissement le 22 janvier 2013.
Par un jugement n° 1600267 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. B... une indemnité de 2 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 mars 2018 en tant qu'il a limité le montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de condamner l'établissement à lui verser une indemnité globale de 9 981,26 euros, au titre de ses différents préjudices ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse les entiers dépens ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été victime d'une erreur de diagnostic, le CHU n'ayant pas relevé l'existence d'une fracture et d'un tassement des corps vertébraux en T7 et T8 à la suite de son accident ;
- cette erreur est à l'origine de divers préjudices ; il est ainsi en droit de solliciter le versement de sommes de 456,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1 du 22 janvier 2013 au 22 janvier 2014 , de 1 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 3 500 euros s'agissant des souffrances endurées, évaluées par l'expert à 2,5 sur 7, de 3 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, dans la mesure où il ne peut plus pratiquer de sport, notamment de compétitions de fléchettes, et de 1 225 euros au titre des frais liés aux séances de kinésithérapie dont il a dû bénéficier.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2018, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête de M. B....
Il fait valoir que :
- la demande au titre du déficit fonctionnel permanent est une demande nouvelle en appel et donc irrecevable ; en toute hypothèse, l'indemnisation de ce chef de préjudice, imputable à 50 %, ne saurait excéder la somme de 1 800 euros ;
- la demande au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel n'a pas davantage été effectuée en première instance et s'avère donc irrecevable ; en toute hypothèse, le montant alloué au titre de ce chef de préjudice, imputable à 50 %, ne saurait dépasser la somme de 365 euros ;
- les souffrances endurées seront justement réparées à hauteur de la somme de 1 800 euros ;
- la demande au titre du préjudice d'agrément, qui n'est pas établi, devra être rejetée ;
- le préjudice lié aux séances de kinésithérapie n'est pas justifié dès lors que M. B... n'établit pas que des sommes seraient restées à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM), représenté par Me B..., conclut à sa mise hors de cause.
Il fait valoir que :
- la responsabilité de l'Office n'est pas engagée dès lors que le centre hospitalier a commis une faute médicale qui lui est exclusivement imputable ;
- les conditions d'engagement de la solidarité nationale ne sont, de toute façon, pas réunies.
Vu l'ordonnance du 16 septembre 2019 fixant la clôture de l'instruction au 31 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public ;
- et les observations de Me Mireté, avocat, représentant le CHU de Toulouse et de Me Ravaut, avocat, représentant l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été victime d'un accident du travail le 22 janvier 2013 lors duquel une charge de près de 200 kilogrammes est tombée sur son dos au niveau du rachis thoracique. Il a été admis le jour même au service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse. A la suite des examens pratiqués, notamment une radiographie du rachis thoraco-lombaire et un scanner thoraco-abdomino-pelvien, les praticiens de l'établissement hospitalier n'ont diagnostiqué aucune fracture ni tassement et ont renvoyé le patient à son domicile avec un traitement médicamenteux. Les souffrances de M. B... persistant, son médecin généraliste a prescrit des examens complémentaires qui ont permis de constater, près de quinze mois après son admission au service des urgences du CHU, une fracture ancienne avec un tassement des vertèbres non déplacées en T7 et T8 notamment. M. B... a sollicité la condamnation du CHU de Toulouse à l'indemniser des préjudices résultant pour lui des conséquences de cette erreur de diagnostic. Par un jugement du 22 mars 2018 le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'établissement à lui verser une somme de 2 000 euros, a mis à la charge du CHU les frais de l'expertise et une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la CPAM de la Haute-Garonne. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnité allouée.
Sur la responsabilité :
2. Il n'est pas contesté en appel qu'une erreur de diagnostic des fractures et d'un tassement des vertèbres T7 et T8 a été commise par le CHU de Toulouse lors de la prise en charge de M. B... par le service des urgences, le 22 janvier 2013, et que cette faute engage la responsabilité de l'établissement à raison des dommages en résultant de manière directe et certaine pour la victime. L'ONIAM est donc fondé à demander sa mise hors de cause.
Sur les préjudices indemnisables :
3. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de M. B...:
4. M. B... ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance que des dépenses liées aux séances de kinésithérapie qu'il a dû suivre seraient restées à sa charge.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal, que M. B... a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1 (10%) du 22 janvier 2013 au 22 janvier 2014, date de consolidation de son état, dont il convient de déduire la période correspondant aux trois mois d'arrêt de travail qui auraient été nécessaires au regard de la fracture intervenue sur son lieu de travail, indépendamment de la faute commise. L'expert indique par ailleurs sans être contredit que 50 % du dommage est imputable à l'erreur de diagnostic, qui n'a pas permis de prendre correctement en charge la blessure, le reste étant imputable à un état antérieur. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, sur la base d'un montant de 400 euros par mois pour un déficit temporaire total, en le fixant à la somme de 180 euros.
6. En deuxième lieu, l'expert souligne que si le diagnostic de fracture et de tassement vertébral avait été correctement posé aux urgences, la douleur aurait été mieux prise en charge puisque dans ce type de fracture l'arrêt de travail est en général de trois mois, et que le corps médical aurait pu proposer à M. B... soit le port d'un corset durant 45 jours, soit un traitement fonctionnel. L'intéressé a ainsi subi, avant la consolidation de son état de santé fixée au 22 janvier 2014, des souffrances évaluées par l'expert à 2,5 sur une échelle allant de 1 à 7, alors qu'un arrêt de travail de trois mois au lieu de 18 jours ainsi que le port d'un corset et/ou des consignes posturales auraient limité les douleurs à 0,5 sur 7. Comme l'ont relevé les premiers juges, ces souffrances sont dues pour moitié à l'erreur de diagnostic et pour moitié à la maladie de Scheuermann dont le requérant souffre par ailleurs. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation des souffrances temporaires endurées par M. B... en lui allouant une somme de 2 000 euros.
7. En troisième lieu, il résulte également du rapport d'expertise que M. B..., âgé de 31 ans à la date de consolidation, subit un déficit fonctionnel permanent de 3 % à la suite de l'accident, dont la moitié est imputable à l'erreur de diagnostic commise, l'autre moitié résultant de la maladie de Scheuermann dont il est atteint. Ce chef de préjudice sera justement réparé par la somme de 2 000 euros.
8. En dernier lieu, si le requérant persiste à faire valoir qu'il a subi un préjudice d'agrément résultant de la nécessité d'interrompre ses activités sportives, il ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance de la réalité d'un tel préjudice, laquelle ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du rapport d'expertise.
9. Il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices indemnisables de M. B... s'établit à la somme de 4 180 euros, soit un montant inférieur à celui qu'il avait sollicité en première instance, de sorte que les demandes qu'il a présentées en appel au titre de nouveaux chefs de préjudice ne sont pas irrecevables. Il suit de là que l'intéressé est fondé à demander que l'indemnité que le CHU de Toulouse a été condamné à lui verser soit portée à la somme de 4 180 euros.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Toulouse le paiement à M. B... d'une somme de 1 500 euros sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.
Article 2 : L'indemnité que le CHU de Toulouse a été condamné à verser à M. B... en réparation des préjudices subis est portée à la somme de 4 180 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le CHU de Toulouse versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. Thierry C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX02087