Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif
de Limoges de condamner la commune de Marsac à lui verser la somme de 32 821,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2016 en réparation des désordres causés
à son bien immobilier, qu'elle impute à des insuffisances du réseau communal d'évacuation
des eaux usées et pluviales.
Par un jugement n° 1601703 du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2018 et un mémoire enregistré le
25 novembre 2019, Mme E..., représentée par la SELARL Galy et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Marsac à lui verser la somme de 32 821,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2016 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Marsac de réaliser les travaux de reprise des réseaux
et du collecteur des eaux de surface dans un délai de deux mois à compter de la notification
de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marsac une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la maison dont elle est propriétaire 66 avenue du Limousin à Marsac fait l'objet d'infiltrations d'eau en provenance du réseau enterré d'assainissement et du réseau de surface de collecte des eaux pluviales, lesquelles perdurent malgré les travaux de réfection des réseaux réalisés en 2007 et 2008 ; les entreprises refusent de réaliser les travaux internes à sa maison tant que les problèmes récurrents d'infiltration ne seront pas résolus ; elle démontre, par ses observations, que les infiltrations ont pour origine le réseau d'assainissement enfoui et le réseau de collecte des eaux pluviales de la place Montenont dont le point le plus bas se situe à l'angle de son garage ;
- le désordre ne s'est révélé dans son ampleur qu'à compter de 2007 ; la prescription quadriennale a été interrompue par la mesure d'expertise amiable du 3 septembre 2007, les réclamations à l'assureur de la commune les 2 juin et 1er juillet 2009, la lettre adressée au maire le 10 mai 2010 et ses requêtes en référé les 18 février 2012 et 20 juillet 2013 ;
- l'expert a validé la bonne réalisation des travaux par la commune en 2008 sans procéder lui-même à aucune investigation permettant de comparer la situation avant et après ces travaux, notamment au regard du rapport d'inspection SECODES du 12 octobre 2006 ayant révélé des dysfonctionnements importants, et alors que la commune avait fait réaliser
le 25 avril 2012, quelques semaines avant la réunion d'expertise, des travaux au niveau de la paroi du caisson situé à l'angle de la maison ; l'expert n'a pas fait réaliser d'essai d'eau et son rapport ne comporte aucune analyse technique ; il affirme sans en justifier que des phénomènes météorologiques tels que l'orage de juin 2007 auraient eu lieu depuis 2008 sans avoir les mêmes conséquences, et ne tient pas compte du procès-verbal contradictoire établi en juin 2007, confirmant une remontée des eaux usées et pluviales dans la cave en raison de l'insuffisance du réseau communal ; contrairement à ce qu'indique l'expert, le rapport d'expertise AGPEX
du 13 février 2008 met en évidence une infiltration dans la cave après le versement
de 2 000 litres d'eau sur la place Montenont ; ainsi, le lien de causalité entre les défaillances
du réseau d'eaux usées et pluviales de l'avenue du Limousin et les infiltrations qu'elle subit depuis toujours est établi, l'orage du 19 juin 2007 n'en ayant été que la manifestation
extrême ; il n'est pas démontré que la tranchée créée pour les fondations d'un mur de clôture serait à l'origine des entrées d'eau dès lors que le devis de la société Colas du 12 novembre 2009 relatif à son remblaiement précise que cette intervention ne résoudra pas le problème de remontées d'humidité ; les infiltrations ne peuvent qu'être la conséquence des défaillances
du réseau enfoui d'assainissement, voire du réseau de collecte des eaux pluviales ; ainsi,
la commune doit être condamnée à l'indemniser et à procéder à la réalisation des travaux de reprise nécessaires pour mettre un terme aux infiltrations.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2019, la commune de Marsac, représentée par la SELARL Renaudie Lexcure Badefort Coulaud, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour de mettre à la charge de Mme E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les infiltrations imputées à la configuration de la place Montenont ont été dénoncées pour la première fois en 1994 par une lettre de la mère de Mme E... à la commune ; la première demande indemnitaire a été adressée à la commune par lettre du 30 août 2016, alors que la prescription était acquise depuis 1999 ;
A titre subsidiaire :
- le premier rapport d'expertise rendu le 3 octobre 2007 par la société Polyexpert conclut que la saturation du réseau des eaux pluviales le 19 juin 2007 était due à une pluviométrie exceptionnelle ; la simulation d'une pluviométrie d'intensité moyenne par le déversement d'eau sur la place Montenont a corroboré ces conclusions ; l'expert désigné par le juge des référés exclut toute responsabilité de la commune, les travaux réalisés favorisant au contraire l'évacuation des eaux ; Mme E..., qui se borne à critiquer le rapport d'expertise, n'apporte aucun élément nouveau ; c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les dommages invoqués sont sans lien avec les réseaux d'assainissement ou d'évacuation des eaux pluviales de la commune.
Par une ordonnance du 26 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée
en dernier lieu au 17 décembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... est propriétaire, sur la parcelle cadastrée AD n° 17 à Marsac (Creuse), d'un ensemble immobilier constitué de deux maisons anciennes accolées aux 64 et 66 avenue du Limousin et d'un garage désaffecté qui avait été exploité par son père.
Le 19 juin 2007, un épisode pluvieux exceptionnel a causé des inondations dans une soixantaine de maisons, notamment dans la cave de la maison située au 66 avenue du Limousin, et le 23 septembre suivant, la chaussée s'est effondrée au droit de cette maison. Depuis ces dommages, qui ont donné lieu à une prise en charge par son assureur des frais de nettoyage de la cave et de perte d'objets divers, Mme E... attribue à l'écoulement des eaux pluviales et usées des réseaux publics l'humidité de cette maison, inoccupée depuis 1991 et devenue insalubre. Une première expertise amiable réalisée à la fin de l'année 2007 et au début de l'année 2008 n'ayant pas permis de conclure à l'existence d'infiltrations imputables aux réseaux publics, Mme E... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges d'une demande d'expertise à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 12 avril 2012. Le rapport de l'expert, déposé le 27 juillet 2012, conclut que les désordres proviennent de l'humidité infiltrée dans le sol qui remonte par capillarité dans les murs, dont l'origine réside exclusivement dans la configuration topographique et le mauvais entretien des lieux. Mme E... relève appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Marsac à l'indemniser des préjudices résultant de ces infiltrations, qu'elle évalue aux sommes nécessitées par la remise en état de son bien, et demande à la cour de faire droit à sa demande ainsi que d'enjoindre à la commune de réaliser les travaux de reprise des réseaux et du collecteur des eaux de surface.
2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
3. Si Mme E... persiste à se prévaloir d'un rapport d'inspection SECODES du 12 octobre 2006 faisant apparaître que le réseau d'évacuation des eaux usées aurait alors présenté des fuites, il résulte de l'instruction que des travaux de réfection de l'ensemble des réseaux (réseau unitaire des eaux pluviales et usées, eau potable, enfouissement des lignes électriques et téléphoniques), puis de réfection des trottoirs, bordures et enrobés, ont été réalisés en 2007 et 2008. Les commentaires et interrogations portés par la requérante sur les photographies qu'elle a prises durant ces travaux ne sont pas de nature à mettre en cause l'appréciation de l'expert désigné par le juge des référés, selon laquelle ils ont fait l'objet de tous les contrôles et essais permettant d'en assurer la bonne réalisation. Les photographies de travaux réalisés le 25 avril 2012, quelques semaines avant la réunion d'expertise tenue le 18 juin suivant, sur un regard situé au droit de la maison en cause, ne sont pas davantage de nature à faire présumer d'une défectuosité du réseau public. Contrairement à ce qu'affirme Mme E..., l'essai de déversement de 2 000 litres d'eau sur la place Montenont réalisé le 18 janvier 2008, qui a permis de constater que l'eau perlait à travers le mur de fondation de sa cave après un arrosage de 30 minutes, n'a pas révélé un dysfonctionnement du réseau de collecte des eaux pluviales de surface, au demeurant remplacé en septembre 2008, mais une infiltration au pied d'un poteau électrique, à laquelle il a été mis fin par les travaux alors en cours. Conformément à la mission qui lui a été confiée par le juge des référés, l'expert, auquel la requérante n'est pas fondée à reprocher une absence d'analyse technique, ni l'absence de dépôt d'un pré-rapport qui ne lui était pas demandé par l'ordonnance le désignant, a recherché l'origine des désordres par une analyse de la configuration des lieux, du déversement des eaux pluviales et des caractéristiques du réseau communal. Il a constaté que la cave était restée saine depuis son nettoyage en novembre 2007, que les eaux de surface, dont l'écoulement gravitaire se dirige naturellement de la place Montenont vers l'Ouest de l'avenue du Limousin, sont canalisées par les caniveaux de l'avenue et le caniveau à grilles posé en limite de la propriété de Mme E..., en remplacement d'un ancien caniveau en béton, et que les travaux ainsi réalisés par la commune favorisent l'écoulement des eaux pluviales et limitent la présence d'eau. Selon l'expert, l'humidité, qui remonte par capillarité depuis les murs de la cave et a dégradé progressivement les murs porteurs de la maison, a pour origine la perméabilité du sol de la cour située devant l'ancien garage, sur lequel se trouvait une station-service. Cette humidité, emprisonnée par les matériaux étanches qui parent l'extérieur des murs, ressort à l'intérieur du bâtiment, non chauffé depuis 1991, les travaux permettant d'y mettre fin relevant de la seule responsabilité de la propriétaire. Aucune des pièces produites par Mme E..., et notamment pas les avis de professionnels selon lesquels il est inutile d'envisager des travaux de réfection de la maison avant d'avoir mis fin aux remontées d'humidité, ne sont de nature à mettre en cause l'exclusion par l'expert d'une imputabilité des désordres aux réseaux ou aux travaux effectués par la commune, à laquelle avaient déjà abouti les opérations d'expertise menées en 2007 et 2008.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Marsac, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
5. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les réseaux publics des eaux pluviales et des eaux usées seraient à l'origine des désordres de la maison de Mme E..., les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la commune de Marsac de réaliser des travaux de reprise ne peuvent qu'être rejetées.
6. Mme E..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par la commune de Marsac à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Marsac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... épouse E... et à la commune de Marsac.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme A... C..., présidente-assesseure,
M. Thierry Sorin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne à la préfète de la Creuse en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01878