Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions des 23 juin et 15 octobre 2015 du directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) B. Lesgourgues prononçant sa suspension pour une période de quatre mois et d'annuler la décision du 5 avril 2016 par laquelle la même autorité lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 1601059 du 15 décembre 2017, le tribunal administratif
de Pau a annulé la décision de suspension de fonctions prise à l'encontre de M. C...
le 15 octobre 2015 et la sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de dix-huit mois prise à son encontre le 5 avril 2016, mis à la charge de l'EHPAD B. Lesgourgues une somme
de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 février 2018, 11 mars 2019
et 28 février 2020, l'EHPAD B. Lesgourgues, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2017 du tribunal administratif de Pau
en tant qu'il a annulé les décisions de son directeur des 15 octobre 2015 et 5 avril 2016 portant suspension de M. C... et infliction à ce dernier d'une sanction d'exclusion temporaire
de fonctions pour une durée de dix-huit mois;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif
de Pau ;
3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- des poursuites pénales avaient bien été engagées à l'encontre de M. C... à partir
de juillet 2015, puisqu'une enquête de gendarmerie était en cours ; la deuxième décision
de suspension de M. C..., prise le 15 octobre 2015, était ainsi fondée sur l'existence
de poursuites pénales ;
- M. C... ne conteste pas avoir pris connaissance, avant la réunion du conseil de discipline du 8 mars 2016, d'un document intitulé " rappel des principaux faits " ; ce document correspond au rapport exigé par l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986, dont la présentation n'est pas soumise à un formalisme particulier ; le requérant a ainsi pu valablement prendre connaissance des faits qui lui étaient reprochés et des circonstances dans lesquelles ces faits avaient été commis ;
- la suspension de M. C... était justifiée au regard de la vraisemblance et de la gravité des faits survenus le 5 juin 2015 ;
- une décision de suspension n'est pas soumise à l'obligation de motivation ;
M. C... a eu à accès à son dossier complet avant la séance du conseil de discipline qui s'est tenue le 8 mars 2016 ;
- compte tenu du cumul d'incidents notables, dont la réalité est établie par les pièces produites, et des multiples rappels à l'ordre adressés à M. C..., il est démontré que ce dernier a commis des fautes graves justifiant l'infliction de la sanction en litige
- l'appel incident de M. C... est irrecevable comme portant sur un litige distinct.
Par des mémoires enregistrés les 18 avril 2019 et 5 mars 2020, M. C..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'EHPAD B. Lesgourgues d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il se désiste de son appel incident initialement présenté ;
- si une plainte a été déposée le 19 juin 2015, et si une enquête préliminaire a été confiée à la gendarmerie de Capbreton, la plainte a été classée sans suite par le procureur de la République le 3 juin 2016 ; l'EHPAD ne justifie par ailleurs pas avoir déposé plainte avec constitution de partie civile ; ainsi, à la date du 15 octobre 2015 de prolongation de sa suspension, il ne faisait l'objet d'aucune poursuite pénale, comme l'ont retenu les premiers juges ; il aurait ainsi dû être rétabli dans ses fonctions ; en outre, les faits du 5 juin 2015 s'étant déroulés dans le cadre d'une réunion syndicale et non à l'occasion du service, l'EHPAD ne pouvait pas porter plainte avec constitution de partie civile ;
- le seul document figurant au dossier qu'il a consulté avant la séance du conseil de discipline constitue un bordereau de pièces ; il ne précise ni les faits reprochés, ni les circonstances dans lesquelles ils ont été commis ; son dossier disciplinaire ne comportait ainsi pas de rapport circonstancié, de sorte qu'il n'a pas été informé de la nature exacte des faits
qui lui étaient reprochés ; de plus, les pièces de son dossier disciplinaire n'ont pas fait l'objet d'un enregistrement chronologique et, pour certaines des pièces visées, sont incomplètes et constituent pour l'EHPAD des preuves constituées à lui-même.
Par une ordonnance du 19 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée
au 10 mai 2019 à 12 heures.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que l'appel incident, qui soulevait un litige distinct, était irrecevable.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... B...,
- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C..., aide médico-psychologique titulaire au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Bernard Lesgourgues, a
demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, les décisions des 23 juin
et 15 octobre 2015 du directeur de cet établissement prononçant et renouvelant sa suspension pour des périodes de quatre mois, d'autre part, la décision du 5 avril 2016 par laquelle la même autorité lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois. Par un jugement du 15 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a annulé la deuxième décision de suspension de fonctions, en date du 15 octobre 2015, ainsi que la décision de sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de dix-huit mois du 5 avril 2016, mis
à la charge de l'EHPAD B. Lesgourgues une somme de 800 euros sur le fondement de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions
de M. C.... L'EHPAD B. Lesgourgues relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé
les décisions de son directeur des 15 octobre 2015 et 5 avril 2016. Par la voie de l'appel incident, M. C... a demandé à la cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il a rejeté
sa demande tendant à l'annulation de la première décision de suspension de fonctions, en date
du 23 juin 2015.
Sur l'étendue du litige :
2. Dans ses dernières écritures, M. C... déclare se désister de ses conclusions d'appel incident relatives à la légalité de la décision du directeur de l'EHPAD B. Lesgourgues
du 23 juin 2015. Rien ne s'oppose à ce qu'il lui soit donné acte de ce désistement.
Sur l'appel principal de l'EHPAD B. Lesgourgues :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 15 octobre 2015 :
3. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations
des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. ". Un fonctionnaire doit être regardé comme faisant l'objet de poursuites pénales au sens de ces dispositions lorsque l'action publique pour l'application des peines
a été mise en mouvement à son encontre.
4. Aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale : " Le procureur
de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1. / Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime
ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République
et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. ". Aux termes de l'article 40-1 de ce code : " Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun : 1° Soit d'engager des poursuites ; 2° Soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1, 41-1-2 ou 41-2 ; 3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient ". Aux termes de l'article 40-2 du même code : " Le procureur de la République avise les plaignants et les victimes si elles sont identifiées, ainsi que les personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement. Lorsqu'il décide de classer sans suite la procédure, il les avise également de sa décision en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la justifient. ". L'article 85 de ce code dispose : " Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction (...). Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites, soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire(...) ". Aux termes de l'article 86 du même code : " Le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions (...) Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée (...) ". Il résulte des dispositions précitées que l'action publique pour l'application des peines doit être regardée comme mise en mouvement dès la décision du procureur de la République d'engager des poursuites ou dès le dépôt, à l'initiative d'une partie lésée, d'une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction.
5. Il ressort des pièces du dossier que, par sa décision du 15 octobre 2015, le directeur de l'EHPAD B. Lesgourgues a renouvelé, à compter du 23 octobre 2015, la mesure de suspension d'une durée de quatre mois prise le 23 juin 2015 à l'encontre de M. C.... L'EHPAD produit un courrier du 21 janvier 2016 adressé par son conseil au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dax aux fins de connaître les suites données aux plaintes déposées contre M. C..., courrier sur lequel figure une mention manuscrite, dont l'auteur n'est pas identifié, indiquant que le dossier est " en cours d'enquête depuis juillet 2015 à la gendarmerie de Capbreton ". Cette seule pièce ne permet toutefois pas d'établir que des poursuites pénales auraient été engagées par le procureur de la République à la date
du 23 octobre 2015 de renouvellement de la mesure de suspension de M. C.... Il n'est par ailleurs ni démontré, ni même allégué qu'une plainte avec constitution de partie civile aurait été, à cette même date, déposée devant un juge d'instruction. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, à défaut de mise en mouvement de l'action publique à l'encontre de M. C... à la date du 23 octobre 2015, la décision en litige portant renouvellement de la suspension de l'intéressé a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 5 avril 2016 :
6. Aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. ". Aux termes de l'article premier du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. ".
7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., convoqué par courrier
du 8 février 2016 devant le conseil de discipline, a consulté le 12 février 2016 son dossier, lequel comportait divers courriers rédigés entre 2013 et 2015 par des agents de l'EHPAD ainsi qu'un document intitulé " A l'attention des membres du conseil de discipline : rappel des principaux faits ". Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, ce document, établi à l'attention du conseil de discipline, qui se borne à recenser les diverses correspondances versées au dossier disciplinaire de M. C... en rappelant leur date, l'identité de leur auteur et leur objet, ne constitue pas le rapport circonstancié prévu par les dispositions précitées. L'intéressé a ainsi été effectivement privé de la garantie, résultant des dispositions citées au point 6, de recevoir communication intégrale de son dossier et, notamment, du rapport justifiant la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire. Par suite, la décision du 5 avril 2016 par laquelle le directeur de l'EHPAD B. Lesgourgues lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée
de dix-huit mois est intervenue, comme l'ont retenu les premiers juges, selon une procédure irrégulière.
9. Il résulte de ce qui précède que l'EHPAD B. Lesgourgues n'est pas fondé
à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé
les décisions de son directeur des 15 octobre 2015 et 5 avril 2016.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité
de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit en application des dispositions
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances
de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... sur le fondement
des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EHPAD B. Lesgourgues est rejetée.
Article 2 :Il est donné acte du désistement des conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'EHPAD B. Lesgourgues du 23 juin 2015.
Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bernard Lesgourgues.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00642