Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.
Par un jugement n° 1904234 du 4 décembre 2019 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2020, M. D... F..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 4 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 25 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'intervention de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été rendu par la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux alors qu'aux termes de l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 21 janvier 2019, ce tribunal ne comporte que cinq chambres ;
- le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant comme manifestement infondé les moyens tirés de défaut de motivation de l'arrêté du 4 décembre 2019 et de l'absence d'examen approfondi de sa situation, ainsi qu'en estimant qu'il représentait une menace à l'ordre public et que l'arrêté contesté ne portait pas une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ;
- il ne constitue pas une menace actuelle à l'ordre public ;
- le centre des ses intérêts personnels et familiaux est situé en France ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 et du 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- cette décision est dépourvue de base en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il réitère ses observations présentées en première instance et fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... F..., ressortissant tunisien, né le 11 décembre 1986 à Tunis (Tunisie), entré en France, selon ses déclarations, le 20 septembre 2011, relève appel du jugement en date du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-8 du code de justice administrative : " L'affectation des membres dans les chambres et la composition de chacune d'elles ainsi que la répartition des affaires entre ces chambres sont décidées par le président de la juridiction ". L'article R. 221-4 du même code prévoit que : " Le nombre de chambres de chaque tribunal administratif est fixé par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat ".
3. Le jugement attaqué a été rendu par une formation collégiale, dont la composition a été déterminée par le président du tribunal administratif de Bordeaux dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service conféré par les dispositions précitées de l'article R. 222-8 du code de justice administrative. Dans ces conditions, et dès lors qu'il est constant que les magistrats composant cette formation de jugement ont été régulièrement nommés et affectés au tribunal administratif de Bordeaux, la circonstance que le président de cette juridiction les ait affectés à une " sixième " chambre, sans que l'existence de celle-ci ne soit mentionnée dans le code de justice administrative, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
4. En second lieu, si M. F... estime que les premiers juges auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant comme manifestement infondé les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté du 4 décembre 2019 et de l'absence d'examen approfondi de sa situation, ainsi qu'en estimant qu'il représentait une menace à l'ordre public et que l'arrêté contesté ne portait pas une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale, cette circonstance, à la supposer établie, et dès lors que le requérant n'invoque ni une omission à statuer sur des conclusions ni un défaut de réponse à un moyen relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, l'arrêté du 25 juillet 2019 en litige vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'entrée en France de M. F..., ainsi que ceux concernant les faits pour lesquels il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales et a été incarcéré. L'arrêté précise également que l'intéressé ne démontre pas son intégration, ni non plus sa participation à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, et enfin que la circonstance qu'il vive en concubinage avec une ressortissante de nationalité française ne lui ouvre aucun droit au séjour. Il indique également qu'eu égard à la nature des faits commis par l'intéressé, et de leur répétition, qu'il peut faire l'objet d'une interdiction de retour le territoire français. Enfin, il précise qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées ou qu'il soit exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, les décisions contenues dans l'arrêté en litige sont suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté contesté que, contrairement à ce que soutient M. F..., le préfet de la Gironde a procédé à un examen particulier de sa situation.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du bulletin n°2 du casier judiciaire de M. F..., qu'il a fait l'objet de très nombreuses condamnations pénales, notamment deux mois d'emprisonnement avec sursis le 19 mai 2015 pour vol, 200 euros d'amende le 29 mai 2015 pour usage illicite de stupéfiants, 150 euros d'amende le 10 mars 2017 pour usage illicite de stupéfiants, cinq mois d'emprisonnement le 11 août 2017 pour menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un chargé de mission de service public, d'un an d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans le 17 novembre 2017 pour outrage à une personne chargée d'une mission de service public, menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un chargé de mission de service public, menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet, un an d'emprisonnement le 9 février 2018 pour détention et acquisition non autorisées de stupéfiants, maintien irrégulier sur le territoire français, après placement en rétention ou assignation à résidence d'un étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et, enfin, une obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants le 6 avril 2018 pour usage illicite de stupéfiants. Dans ces conditions, eu égard au grand nombre de condamnations pénales dont M. F... a fait l'objet et à la nature des faits qui lui ont été reprochés, le préfet de la Gironde a pu légalement et sans commettre d'erreur d'appréciation considérer que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave et actuelle pour l'ordre public.
9. D'autre part, M. F..., pour établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, se prévaut d'un courrier en date du 30 juillet 2019 de l'adjoint Enfance Famille et de l'assistante sociale de la MDS Belle de Mai chargé notamment de son suivi, selon lequel il s'est toujours présenté aux visites médiatisées avec ses enfants et qu'il a su se montrer volontaire, régulier et investi. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 17 juillet 2018, que les deux filles de M. F..., nées respectivement les 1er mai 2014 et 7 novembre 2015, et qui ont fait l'objet d'une mesure de placement en 2017, renouvelée pour une période d'une année le 17 juillet 2018, ont refusé dans un premier temps de voir leur père et que son droit de visite à l'égard de l'une de ses filles a été suspendu en raison des angoisses manifestée par celle-ci. Dans ces conditions, les éléments produits par M. F..., consistant en des témoignages peu circonstanciés de ses proches, quelques factures et une dizaine de récépissés de transferts d'argent Western Union à la mère de ses enfants pour des montants variant entre 50 et 200 euros entre l'année 2014 et l'année 2018, ne permettent pas d'établir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses filles depuis au moins deux ans au 25 juillet 2019, date de l'arrêté en litige.
10. Par suite, M. F..., qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent dès lors être écartés.
11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les motifs énoncés au point 9.
13. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
14. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, M. F... constitue une menace pour l'ordre public et n'est donc pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcé par le préfet de la Gironde à son encontre serait disproportionnée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre G..., président,
Mme C... B..., présidente assesseure
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 juin 2020.
Le président,
Pierre G...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00011