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22/06/2020 | FRANCE | N°18BX01934

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 juin 2020, 18BX01934


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa réclamation préalable du 27 juin 2016 et de condamner le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon à lui verser une indemnité de 21 794,54 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation du préjudice causé par l'absence de versement de la majoration du traitement indiciaire applicable aux age

nts de Saint-Pierre-et-Miquelon et de l'indemnité spéciale compensatrice.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa réclamation préalable du 27 juin 2016 et de condamner le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon à lui verser une indemnité de 21 794,54 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation du préjudice causé par l'absence de versement de la majoration du traitement indiciaire applicable aux agents de Saint-Pierre-et-Miquelon et de l'indemnité spéciale compensatrice.

Par une ordonnance n° 1700002 du 9 mars 2018, le président du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2018, Mme F... G..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 9 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa réclamation préalable du 27 juin 2016 ;

3°) de condamner le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon à lui verser une indemnité de 21 794,54 euros, somme à parfaire assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice causé ;

4°) d'enjoindre au conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon de procéder à la liquidation de cette somme dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 2 000 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête a été rejetée comme irrecevable par l'ordonnance attaquée au motif qu'elle n'était pas signée nonobstant une demande de régularisation. Toutefois, la requête, adressée par courrier électronique du 22 décembre 2016, était signée. La juridiction n'ayant pas reçu ce courriel, un nouveau courriel a été adressé le 9 février 2017. Sa requête était donc recevable ;

- il résulte de l'article 9 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 que le fonctionnaire mis à disposition perçoit la rémunération correspondant à son grade ou à son emploi d'origine. La jurisprudence en a déduit que ce fonctionnaire conserve le droit au versement des primes et indemnités liées à son emploi d'origine. Dès lors, sa mise à disposition ne faisait pas obstacle à ce qu'elle continue de percevoir les primes et indemnités qu'elle percevait avant celle-ci. Ce non-versement méconnaît donc l'article 9 du décret du 18 juin 2008. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le défaut de versement remontant au mois de mars 2013, il s'élève à la somme de 19 813, 22 euros ;

- cette absence de versement a occasionné un trouble dans les conditions d'existence s'élevant à 10 % de cette somme soit 1 981, 32 euros ;

- il résulte de l'article 1231-6 du code civil qu'elle a droit aux intérêts légaux à compter de la date à laquelle le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a été saisi de sa demande indemnitaire, soit le 27 juin 2016 et qu'elle a droit à la capitalisation de ces intérêts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par Me A..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de Mme G... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de Mme G... devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon est entachée de forclusion. En effet, sa demande de versement de ces compléments de rémunération avait déjà été rejetée par une décision du président du conseil territorial du 20 juin 2013. Si cette décision ne faisait pas mention du délai de recours, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qu'aucun recours ne peut être formé à l'issu d'un délai raisonnable estimé à un an. En l'espèce, la requête n'a été enregistrée que plus de trois ans et demi après la décision du 20 juin 2013. Ce délai raisonnable était déjà expiré quand Mme G... a adressé sa réclamation préalable du 27 juin 2016, de sorte que le délai de recours contentieux n'a pas pu être prorogé ;

- les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 janvier 2020 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 78-293 du 10 mars 1978 ;

- le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... B...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., attachée territoriale en charge du pôle tourisme-culture-vie associative-actions territoriales de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, a, par un arrêté du président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon du 5 juillet 2012, été mise à disposition de la chambre de commerce France-Canada Réseau Atlantique, sise à Dieppe dans le Canada, à compter du 1er septembre 2012. Après avoir perçu la majoration de traitement indiciaire applicable aux agents de Saint-Pierre-et-Miquelon et l'indemnité spéciale compensatrice jusqu'en février 2013, le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon, estimant que l'intéressée ne pouvait bénéficier de ces compléments de rémunération, a procédé à des retenues sur salaire à compter du mois de mars 2013. Par un courrier du 22 avril 2013, Mme G... a sollicité le versement de l'intégralité de la rémunération due au titre du mois de mars 2013. Par une décision du 20 juin 2013, le président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande au motif que Mme G... ne peut bénéficier de ces compléments de rémunération dès lors qu'elle est affectée en dehors de Saint-Pierre-et-Miquelon. Par un courrier du 27 juin 2016, Mme G... a sollicité le versement par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une indemnité de 20 508 euros, somme à parfaire, en réparation du préjudice causé par le défaut de versement de la majoration de traitement indiciaire applicable aux agents de Saint-Pierre-et-Miquelon et l'indemnité spéciale compensatrice depuis sa mise à disposition. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, Mme G... a sollicité devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon l'annulation de cette décision implicite et la condamnation de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à lui verser une indemnité de 21 791,54 euros en réparation des préjudices causés par le défaut de versement de ces compléments de rémunération. Mme G... relève appel de l'ordonnance du 9 mars 2018 par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa requête comme étant irrecevable en l'absence de signature de celle-ci.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-3 du code de justice administrative : " Toutefois, les dispositions du premier alinéa de l'article R. 431-2 ne sont pas applicables : (...) 3° Aux litiges d'ordre individuel concernant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques (...) ". Aux termes de l'article R. 431-4 de ce code : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. ". Aux termes de l'article R. 612-1 dudit code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) ". Il résulte de ces dispositions que les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être signés par leur auteur ou son mandataire et que, saisie d'une requête ne respectant pas cette prescription, une juridiction administrative ne peut la rejeter comme irrecevable pour ce motif qu'après avoir invité le requérant à la régulariser, sauf dans le cas où une fin de non recevoir fondée sur le défaut de signature a été soulevée par une partie et communiquée au requérant.

4. Il ressort des pièces du dossier que la requête de Mme G... a été transmise au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon par un courrier électronique du 22 décembre 2016. Toutefois, cet envoi n'ayant pas été réceptionné par le greffe du tribunal, le conseil du tribunal a adressé à nouveau ce courriel le 9 février 2017. Si le tribunal a invité, par un courrier du 16 février 2017, Mme G... à régulariser sa requête, cette invitation ne concernait pas l'absence de signature mais le défaut de production des copies de la requête exigées par l'article R. 411-3 du code de justice administrative. Dès lors, en l'absence d'invitation à régulariser le défaut de signature entachant la requête, et alors qu'aucun mémoire opposant cette fin de non-recevoir n'a été communiqué à Mme G..., l'ordonnance attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

5. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet du président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon :

6. D'une part, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article 9 du décret du 18 juin 2008 : " Le fonctionnaire mis à disposition continue à percevoir la rémunération correspondant à son grade ou à l'emploi qu'il occupe dans son administration ou son établissement d'origine (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire territorial mis à disposition continue à percevoir le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire.

7. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 10 mars 1978 : " Les magistrats et les fonctionnaires civils de l'Etat en service dans la collectivité territoriale de Saint Pierre et Miquelon peuvent prétendre aux mêmes éléments de rémunération que leurs homologues en service dans les collectivités territoriales des Antilles. ". Aux termes de l'article 3 de la loi du 3 avril 1950 applicable aux fonctionnaires en service dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon en vertu des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 10 mars 1978 : " Une majoration de traitement de 25 % est accordée, à partir du 1er avril 1950, à tous les fonctionnaires des départements considérés. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 10 mars 1978 : " En outre, ils perçoivent à titre provisoire une indemnité spéciale compensatrice qui est exprimée en pourcentage du traitement indiciaire après déduction des retenues pour pensions civiles et sécurité sociale (...) ".

8. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le bénéfice de la majoration de traitement et de l'indemnité spéciale compensatrice est réservé aux seuls fonctionnaires en service dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Par conséquent, il résulte de la combinaison des dispositions citées aux deux points précédents qu'un fonctionnaire de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon peut, dans le cadre d'une mise à disposition, prétendre au bénéfice de cette majoration et de cette indemnité spéciale sous réserve qu'il demeure en service dans le ressort géographique de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Or, dans le cadre de sa mise en disposition, Mme G... n'est plus en service dans cette collectivité territoriale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du décret du 18 juin 2008 doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, que Mme G... n'est pas fondée à solliciter l'annulation de la décision implicite par laquelle le président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa réclamation préalable du 27 juin 2016. Mme G... n'invoquant que l'illégalité de cette décision pour engager la responsabilité de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ses conclusions indemnitaires doivent également être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme G... doivent également être rejetées.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... la somme que la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en outre obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme G... demande au même titre.

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance n° 1700002 du 9 mars 2018 du président du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G... et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. H... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX01934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01934
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Outre-mer - Droit applicable - Droit applicable aux fonctionnaires servant outre-mer - Rémunération - Corrections et majorations de rémunérations.

Procédure - Introduction de l'instance - Formes de la requête.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BLAZY SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-22;18bx01934 ?
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