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22/06/2020 | FRANCE | N°18BX01908

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 juin 2020, 18BX01908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et le préfet de la Gironde ont prononcé à l'encontre de M. H... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours.

Par un jugement n° 1602286 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la c

our :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2018 et le 30 octobre 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et le préfet de la Gironde ont prononcé à l'encontre de M. H... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours.

Par un jugement n° 1602286 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2018 et le 30 octobre 2019, M. G... H..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et du préfet de la Gironde ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article R. 723-38 du code de la sécurité intérieure ;

- il était d'astreinte et non de garde. Etant le plus gradé parmi les pompiers présents a la caserne, il a décidé, conformément aux instructions verbales, de rester stationnaire à la caserne pour parer aux difficultés sur place. Aucun texte ne fait obstacle à ce que le plus gradé reste sur place. Il n'a donc nullement refusé de partir et a organisé le départ des autres pompiers volontaires. En outre, les attestations produites ne répondent pas aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile et sont entachées, pour certaines d'entre elles, d'une erreur sur la date des faits. Eu égard au délai d'intervention prévu en cas d'astreinte, cette organisation de l'intervention n'a occasionné aucun préjudice. Aucune faute n'a été commise, la sanction est donc entachée d'une erreur d'interprétation ;

- cette sanction a été en réalité prononcée parce qu'il a dénoncé des faits de malversations et un comportement inadapté à l'égard du personnel féminin, méconnaissant ainsi l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 et l'article 31 du règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours ;

- pour ce même motif, la sanction est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 septembre 2019 et le 21 novembre 2019 à 10h24, le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde, représenté par Me F..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de M. H... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. H... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 novembre 2019 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. I... A...,

- et les observations de Me E..., représentant le SDIS de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., sapeur-pompier volontaire au grade de lieutenant affecté au centre de secours de Saint-André de Cubzac, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour avoir refusé le 23 septembre 2014 de partir en intervention. Au terme de cette procédure, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde a, par un arrêté du 29 juillet 2015, infligé à M. H... la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois jours. Toutefois, en l'absence d'entretien hiérarchique préalable à la sanction, cet arrêté a été retiré par un arrêté du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du 5 novembre 2015. Après avoir régularisé la procédure, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et le préfet de la Gironde ont infligé à M. H... cette sanction par un arrêté du 15 avril 2016. M. H... relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. H... soutient que le tribunal n'a pas répondu " au moyen tiré de ce que les instructions verbales sont que le plus gradé reste sur place ", il s'agit d'un argument invoqué au soutien du moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits reprochés. Or le tribunal, qui a répondu à ce moyen dans le point 4 du jugement, n'est pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués au soutien d'un moyen. Dès lors, cette omission ne saurait entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 avril 2016 :

3. Aux termes de l'article R. 723-38 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut, après un entretien hiérarchique préalable avec l'intéressé et sans avis du conseil de discipline départemental mentionné à l'article R. 723-77, prononcer, par décision motivée, contre tout sapeur-pompier volontaire, l'exclusion temporaire de fonctions pour un mois au maximum. ".

4. M. H... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans contester la réponse apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, selon l'arrêté contesté, M. H..., inscrit sur la feuille d'astreinte et programmé dans le système d'alerte pour tenir la fonction de " chef d'agrès ", a, le 23 septembre 2014 aux environs de 6h40, refusé de partir en intervention et n'a pas donné de consignes claires et précises à ses subordonnés pour la constitution d'une nouvelle équipe en méconnaissance des règles de fonctionnement et d'organisation du centre de secours. Si M. H... ne conteste pas ne pas être parti en intervention, il soutient qu'il était le plus gradé parmi les sapeurs-pompiers de l'équipe d'intervention et que, conformément aux instructions verbales, le pompier le plus gradé reste à la caserne, exerçant ainsi la fonction de " stationnaire ", en organisant le départ des autres pompiers. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment de la feuille d'astreinte, qu'il était prévu que M. H... exerce les fonctions de " chef d'agrès " et non de " stationnaire ". Pour établir l'existence d'instructions verbales contraires, M. H... produit, pour la première fois en appel, trois attestations rédigées en avril 2018, postérieurement au jugement attaqué, de sapeurs-pompiers volontaires indiquant que les grilles de départ n'étaient pas systématiquement respectées sans que cela ne soit sanctionné et, pour deux d'entre elles, que le chef de centre avait donné des consignes selon lesquelles le chef de groupe devait organiser les départs et rester au maximum au centre de secours en prenant la fonction de " stationnaire ". Toutefois, l'une de ces deux attestations provient d'un sapeur-pompier volontaire qui n'a exercé que jusqu'en 2013 et ne permet donc nullement d'établir l'existence d'une telle consigne en 2014. Dès lors, en l'absence de toute autre pièce au dossier permettant d'établir l'existence de cette instruction verbale, notamment une attestation du chef de centre reconnaissant avoir donné une telle consigne, ces deux attestations, élaborées tardivement, ne permettent pas à elles seules d'établir l'existence d'une consigne verbale permettant de ne pas respecter la feuille d'astreinte. En outre, si M. H... soutient que ce refus est également motivé par le besoin impérieux d'aller aux toilettes, ce qui aurait ralenti le départ du groupe, ce motif ne figure dans aucun récit des faits des membres du groupe et n'a été invoqué pour la première fois que dans le recours gracieux formé le 13 mai 2015 de sorte que ce motif ne peut être tenu pour établi. Par ailleurs, M. H... soutient également qu'il a donné des instructions claires et précises. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la feuille d'astreinte, que le groupe d'intervention était composé de quatre sapeurs-pompiers volontaires dont M. H.... Or, selon les pièces versées au dossier, deux sapeurs-pompiers ont estimé qu'il n'y avait pas eu d'instructions claires et précises tandis que le troisième a précisé avoir reçu des ordres clairs et précis. Par conséquent, il n'est pas sérieusement contesté que deux des membres du groupe d'intervention ont estimé ne pas avoir reçu d'ordres clairs et précis. Dans ces conditions, l'exactitude matérielle des faits reprochés doit être regardée comme établie.

6. En troisième lieu, d'une part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 723-35 du code de la sécurité intérieure : " Tout sapeur-pompier volontaire doit obéissance à ses supérieurs. ".

8. M. H... soutient que les faits reprochés ne constituent pas une faute dès lors qu'ils ne contreviennent à aucun texte et qu'ils n'ont emporté aucune conséquence sur l'intervention. Il résulte de ce qui est énoncé au point 5 que M. H... n'a pas déféré à l'ordre, figurant sur la feuille d'astreinte, d'intervenir en exerçant les fonctions de chef d'agrès et n'a ainsi pas respecté les dispositions de l'article R. 723-35 du code de la sécurité. Or ce manquement est caractérisé par le refus d'exercer de telles fonctions et non par le résultat de l'intervention. Dès lors, ce manquement constitue une faute de nature à justifier une sanction quand bien même il n'a pas eu d'incidence sur le déroulement de l'intervention. Or, comme indiqué au point 1, M. H... est un officier au grade de lieutenant. Dès lors, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours et le préfet de la Gironde n'ont pas, eu au égard à la nature des faits reprochés et à la méconnaissance qu'ils traduisent des responsabilités d'encadrement qui incombent à un officier, n'ont pas prononcé une sanction disproportionnée en infligeant une exclusion temporaire de fonctions de trois jours.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment (...) la discipline (...) ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa (...)3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".

10. M. H... soutient qu'il a dénoncé des faits de malversation concernant l'amicale des sapeurs-pompiers et un comportement inadapté à l'égard de personnels féminins et a déposé une plainte en novembre 2013 pour des faits de harcèlement sur sa personne par sa hiérarchie et qu'ainsi la sanction en litige aurait été prononcée non pas à des fins disciplinaires mais à fin de sanctionner les signalements effectués et la plainte déposée. S'agissant des signalements, les allégations du requérant, au demeurant peu précises sur les dates et les circonstances, ne sont étayées par aucune pièce. S'agissant de la plainte pour harcèlement, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été classée sans suite le 22 juillet 2015 au motif que l'infraction n'était pas suffisamment caractérisée. En outre, il résulte de la motivation de l'arrêté que la sanction se fonde exclusivement sur les faits du 23 septembre 2014 dont la matérialité est établie. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction en litige aurait été infligée en réaction aux signalements effectués et à la plainte déposée par M. H.... Par suite, et à supposer même que les dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 soient applicables aux sapeurs-pompiers volontaire, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2016

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H... la somme que le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en outre obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. H... demande au même titre.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H..., au service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. I... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01908
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-22;18bx01908 ?
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