Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Stratégies, conseils, études (SCE) a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre de recettes n° 9221 d'un montant de 13 833 euros émis à son encontre par l'agence de l'eau Adour-Garonne le 6 août 2015 ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1505722 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mai 2018 et 30 octobre 2019, l'agence de l'eau Adour-Garonne, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande portée devant les premiers juges par la société SCE ;
3°) de mettre à la charge de la société SCE la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, en raison de ce qu'il est entaché d'erreur de fait, dès lors que le titre de recettes et son courrier de notification précisent les bases de liquidation ;
- le titre exécutoire n'avait pas à être précédé d'une procédure contradictoire, dès lors qu'il ne relève pas des décisions qui entrent dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et les administrations ; en tout état de cause la société SCE a été mise en mesure de présenter ses observations ;
- les moyens critiquant le bien-fondé de la créance sont inopérants, dès lors que le titre porte sur le recouvrement du solde du marché dont le décompte est devenu définitif et présente dès lors un caractère intangible ;
- la société n'est pas fondée à soutenir que le titre ne devrait pas intégrer la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par l'agence au motif que celle-ci pourrait récupérer la taxe sur la valeur ajoutée, alors qu'elle n'est pas assujettie à cette taxe en application de l'article 256 B du code général des impôts ;
- elle n'avait aucune obligation de faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée dans le titre ;
- la société n'est pas fondée à se prévaloir des articles 25 du cahier des clauses administratives générales FCS, dès lors qu'elle n'explique pas en quoi ce texte aurait été méconnu, et 12 du cahier des clauses administratives particulières en se prévalant de ce que cet article prévoirait des pénalités forfaitaires, dès lors qu'aucune pénalité pour mauvaise exécution n'est prévue par cet article ;
- l'agence n'a pas procédé à l'admission des prestations ;
- le rejet des prestations est parfaitement fondé, dès lors que la société SCE a commis de nombreux manquements et qu'elle est par suite en droit de lui réclamer le reversement de sommes correspondant à des prestations inexploitables.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 octobre et 19 novembre 2019, la société SCE, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'agence de l'eau Adour-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 31 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 novembre 2019 à 12 heures.
L'Agence de l'eau Adour-Garonne a produit une note en délibéré, enregistrée le 22 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., rapporteure,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant l'agence de l'eau Adour-Garonne, et de Me A..., représentant la société SCE.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de ses missions de surveillance des milieux aquatiques, l'agence de l'eau Adour-Garonne a lancé une consultation n° 2010-263 portant sur la " réalisation de relevés biologiques sur des cours d'eau du bassin Adour-Garonne ", découpée en 31 lots en fonction de secteurs géographiques. L'exécution des lots n° 5, n° 7, n° 8, n° 10, n° 11, n° 12, n° 14, n° 25, n° 26 et n° 27 couvrant les campagnes 2011 et 2012, a été confiée à la société Stratégies, conseils, études (SCE) dans le cadre d'un marché à bons de commande portant sur la réalisation d'indices biologiques globaux (IBG) et d'indices biologiques diatomiques (IBD). Toutefois, par courrier du 29 avril 2015, l'agence de l'eau a informé la société SCE du rejet, s'agissant de la campagne 2012, de 99 déterminations d'IBG, soit 59 % de ces prestations, et de 251 déterminations d'IBD, soit 100 % de ces prestations, au motif que les résultats n'étaient pas fiables et ne pouvaient dès lors être exploités. En conséquence, afin de récupérer les sommes versées à titre d'acompte à la société SCE, l'agence de l'eau Adour-Garonne, par titre de recette émis le 6 août 2015, a mis à sa charge la somme de 13 833 euros au titre du lot n° 12 du marché en cause. L'agence de l'eau relève appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, à la demande de la société SCE, a prononcé l'annulation de ce titre de recette.
Sur la régularité du jugement :
2. La circonstance, à la supposer établie, que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une une erreur de fait est sans influence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu du principe selon lequel un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette, l'agence de l'eau Adour-Garonne ne pouvait mettre en recouvrement les sommes en cause sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge la société SCE.
4. En l'espèce, le titre contesté porte la mention " Demande de remboursement des sommes dues sur déterminations des indices IBG/IBD 2012 au titre du marché 201165715200340000, lot 12, établie suivant décompte final des prestations 2012 du 06/08/2015 joint " et fait référence à la " Lettre réf SG/SS-SS/2015-40 RC n° 2C 071 890 461 1 9 en date du 06/0812015 " jointe. Ce courrier comporte un premier tableau en page 3, qui dresse la liste, pour chacun des lots, des stations pour lesquelles les déterminations IBG sont rejetées, et précise que doivent être ajoutées à cette liste les stations déjà identifiées dans le courrier du 29 avril 2015. Il comporte également un second tableau p. 4 qui, pour chacun des lots du marché en cause, mentionne clairement le montant des prestations admises et celui des acomptes perçus, pour parvenir à la somme réclamée dans le titre de recettes. Dès lors, l'agence de l'eau est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler le titre de recettes litigieux, sur un défaut de motivation.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société SCE devant le tribunal administratif de Toulouse.
6. En premier lieu, le marché en cause n'a pas donné lieu à l'établissement d'un décompte. Par suite, l'agence de l'eau Adour-Garonne n'est pas fondée à soutenir que, le décompte étant devenu définitif, la société SCE ne serait pas recevable à contester la créance mise à sa charge par le titre de recette litigieux.
7. En second lieu, aux termes de l'article 25 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services : " 25.1. Admission : / Le pouvoir adjudicateur prononce l'admission des prestations, sous réserve des vices cachés, si elles répondent aux stipulations du marché. L'admission prend effet à la date de notification au titulaire de la décision d'admission ou en l'absence de décision, dans un délai de quinze jours à dater de la livraison. / 25.2. Ajournement :/ 25.2.1. Le pouvoir adjudicateur, lorsqu'il estime que des prestations ne peuvent être admises que moyennant certaines mises au point, peut décider d'ajourner l'admission des prestations par une décision motivée. Cette décision invite le titulaire à présenter à nouveau au pouvoir adjudicateur les prestations mises au point, dans un délai de quinze jours. (...) / 25.3. Réfaction : / Lorsque le pouvoir adjudicateur estime que des prestations, sans être entièrement conformes aux stipulations du marché, peuvent néanmoins être admises en l'état, il peut les admettre avec réfaction de prix proportionnelle à l'importance des imperfections constatées. Cette décision doit être motivée. Elle ne peut être notifiée au titulaire qu'après qu'il a été mis à même de présenter ses observations. / 25.4. Rejet : / 25.4.1. Lorsque le pouvoir adjudicateur estime que les prestations ne peuvent être admises en l'état, il en prononce le rejet partiel ou total. / La décision de rejet doit être motivée. Elle ne peut être prise qu'après que le titulaire a été mis à même de présenter ses observations. (...) ".
8. Il ressort de ces stipulations que, lorsque le pouvoir adjudicateur décide de rejeter totalement ou partiellement les prestations, il doit, préalablement à la décision de rejet, mettre le titulaire du marché en mesure de présenter ses observations.
9. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le 19 avril 2013, l'agence de l'eau Adour-Garonne a adressé à la société SCE un courrier faisant état des manquements dont elle estimait que la société s'était rendue coupable dans l'exécution des prestations du marché pour la campagne 2012, en relevant des erreurs de localisation d'une station de mesure, des problèmes dans la détermination d'espèces et dans le plan d'échantillonnage, le non-respect de l'hydrologie, ainsi qu'un écart de cinq points sur vingt de la note IBG sur une station réalisée en doublon avec la DREAL (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) d'Auvergne. Toutefois, dans la décision du 29 avril 2015, et alors qu'il n'était jusque-là question que d'opérer des réfactions ponctuelles sur les sommes dues à la société SCE, l'agence de l'eau a rejeté la majorité des prestations, et décidé que, non seulement elle n'était plus redevable d'aucune somme, mais qu'au contraire la société SCE devait rembourser un trop perçu au titre des acomptes. Dès lors, la société SCE est fondée à soutenir qu'en rejetant ainsi la majorité des prestations, sans l'avoir mise à même de présenter ses observations, l'agence de l'eau a méconnu les stipulations de l'article 25.4 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services, et l'a privée d'une garantie.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la société SCE, que l'agence de l'eau Adour-Garonne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le titre de recettes litigieux. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'agence de l'eau Adour-Garonne la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeter ses conclusions tendant au bénéfice de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'agence de l'eau Adour-Garonne est rejetée.
Article 2 : L'agence de l'eau Adour-Garonne versera à la société SCE la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'agence de l'eau Adour-Garonne et à la société par actions simplifiée Stratégies, conseils, études.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juin 2020.
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX01993 2