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18/06/2020 | FRANCE | N°18BX01713

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 18 juin 2020, 18BX01713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) LDL a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1604252 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, la SARL LDL, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 mars 2018 ;

2°) de prononcer la réduct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) LDL a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1604252 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, la SARL LDL, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 mars 2018 ;

2°) de prononcer la réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, à concurrence de 87 211 euros, et la décharge de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application du 3ème alinéa de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, la compensation pluriannuelle doit s'appliquer et, compte tenu des régularisations spontanées effectuées au cours des années 2012 et 2013, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée doit être limité à 45 380 euros ;

- en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible sur factures prétendument fictives, les prestations en cause ont été effectivement réalisées et, dès lors qu'elle était de bonne foi et que la taxe sur la valeur ajoutée a été mentionnée sur les factures, elle est en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les intérêts de retard sur les droits non dus doivent également être déchargés ;

- en l'absence de preuve du manquement délibéré, la majoration de 40 % n'est pas fondée ;

- en l'absence de manoeuvre frauduleuse, la majoration de 80 % n'est pas justifiée ;

- s'agissant de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts, dès lors qu'elle n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés, elle ne saurait se la voir infliger ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que l'administration lui a demandé, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, de lui communiquer l'identité des bénéficiaires de la somme de 60 324 euros en 2012, dès lors qu'elle connaissait ces bénéficiaires et que ces dispositions ne peuvent être utilisées lorsque la seule question qui se pose est celle de savoir dans quelle catégorie de revenus la somme doit être imposée ;

- l'administration ne saurait considérer que le c de l'article 111 du code général des impôts se trouve applicable, alors que, les sommes étant inscrites en comptabilité en tant que telles, il n'y a pas d'avantage occulte ;

- en tout état de cause, la société a désigné les bénéficiaires des sommes en cause dans sa réponse aux redressements du 5 mars 2013 et il incombait au service, si cette réponse ne lui semblait pas suffisamment précise, de lui demander des renseignements complémentaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête, et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., rapporteure,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) LDL, qui réalise des travaux de peinture et de vitrerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service l'a informée, par proposition de rectification du 22 décembre 2014, de son intention de procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et de lui infliger l'amende de 100 % prévue par l'article 1759 du code général des impôts. Elle relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ce complément de taxe sur la valeur ajoutée et de cette amende.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL LDL a fait l'objet, le service a effectué, au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 77 763 euros. Toutefois, s'agissant de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, le vérificateur a constaté un trop versé à concurrence de la somme de 32 833 euros, qui a fait l'objet d'un avis de dégrèvement du 2 décembre 2015, antérieur à la mise en recouvrement des rappels. Ainsi, la SARL LDL n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait lieu d'opérer, en application de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, une compensation entre la taxe rappelée et le trop versé.

3. En second lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du 2 de l'article 272 de ce même code : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Enfin, aux termes du 4 de l'article 283 du même code : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis.

5. Il résulte de l'instruction, et en particulier de la proposition de rectification du 22 décembre 2014, que lors de la vérification de comptabilité dont la SARL LDL a fait l'objet, le service a constaté que l'entreprise avait déduit la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures de sous-traitance établies au nom des sociétés Batiservices, El Ghali, Dalaa Z et Estruc " HM Peinture ". Or, ces quatre sociétés, qui n'étaient plus en activité à la date du contrôle, n'avaient déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée pour la période en cause. Le vérificateur a alors demandé à la société de présenter les contrats de sous-traitance et les pièces afférentes, telles que attestations URSSAF, d'assurance décennale et dossiers de chantiers. Alors que, pour ses autres sous-traitants, la SARL LDL a pu présenter des déclarations de sous-traitance, s'agissant de ces quatre sociétés, elle n'a pu produire qu'une attestation d'assurances s'agissant de la société Estruc " HM Peinture ". Dans le cadre de son droit de communication, le service a demandé aux banques de la SARL LDL de lui communiquer la copie des chèques qui, selon sa comptabilité, avaient servi à régler les prestations des quatre sociétés. Il en est résulté que les chèques avaient été émis, non pas à l'ordre des sociétés en cause, mais à celui de divers particuliers, sans lien connu avec ces sociétés, de M. B... A..., associé de la SARL LDL, ou de sociétés dont les associés sont les mêmes que ceux de la SARL LDL ou des membres de la famille de ces derniers. Par suite, la société appelante n'apportant, devant le tribunal administratif comme devant la cour, aucun élément de nature à établir la réalité des prestations ainsi facturées, c'est à bon droit que l'administration a regardé les factures en cause comme des factures fictives et refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente.

Sur les intérêts de retard et les majorations :

6. En premier lieu, le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ayant été confirmé aux points précédents, la société n'est pas fondée à soutenir que les intérêts de retard dus sur les montants rappelés devraient être déchargés.

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 22 décembre 2014, que lors de la vérification de comptabilité dont la SARL LDL a fait l'objet, le vérificateur a relevé des discordances entre le chiffre d'affaires déclaré sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée mensuelles CA3 et les données comptabilisées. Comme l'ont relevé les premiers juges, l'importance des minorations de base déclarée, à concurrence de 400 966 euros en 2012, et le caractère volontaire de ces minorations, qui n'ont été justifiées au cours du contrôle que par des difficultés de trésorerie, sont de nature à fonder la majoration de 40 % appliquée à ces rappels.

9. En second lieu, l'utilisation de factures de sous-traitance fictives aux fins de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles mentionnent révèle l'existence d'un procédé destiné, d'une part, à éluder l'impôt et, d'autre part, à égarer ou restreindre le pouvoir de vérification de l'administration. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a assujetti la société appelante à une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses à raison des rappels afférents à ces factures.

Sur l'amende de l'article 1759 du code général des impôts :

10. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ". Aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

11. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 22 décembre 2014, le service vérificateur a informé la société de ce que, s'agissant des factures fictives, certains bénéficiaires avaient pu être identifiés par l'obtention des copies de chèques, mais que, pour d'autres factures, d'un montant total de 60 324,19 euros TTC, les bénéficiaires n'avaient pu être précisément identifiés, les indications manuscrites figurant sur les chèques étant illisibles. En application de l'article 117 du code général des impôts, le service a invité la société à faire connaître dans le délai de trente jours l'identité complète et l'adresse exacte des bénéficiaires, sous peine de se voir appliquer l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts. Estimant que la réponse apportée par la société dans son courrier du 5 mars 2015 était insuffisante, l'administration lui a infligé cette amende.

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité, le service vérificateur a remis en cause l'option pour le régime des sociétés de personnes, au motif qu'elle avait été irrégulièrement souscrite. La société, qui ne conteste pas l'irrégularité de la souscription de cette option, n'est pas fondée à soutenir, à l'appui de ses conclusions contre l'amende en cause, qu'elle ne serait pas assujettie à l'impôt sur les sociétés.

13. En deuxième lieu, l'amende litigieuse n'étant pas fondée sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, le moyen tiré de ce que l'administration se serait livrée à une interprétation erronée de ces dispositions doit être écarté.

14. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société appelante, la question qui se posait à l'administration n'était pas celle de savoir quelle était la catégorie à retenir pour l'imposition des revenus distribués, mais bien celle de connaître les bénéficiaires de la somme totale de 60 324,19 euros.

15. Enfin, dans sa lettre du 5 mars 2015, la société s'est bornée à répondre : " nous vous laissons le soin d'imposer les bénéficiaires identifiés et révélés par vos soins dans la proposition de rectification des chèques de règlement émis par la SARL LDL à destination des sous-traitants, étant observé au surplus que selon la doctrine administrative elle-même qui a tiré les conséquences et la jurisprudence susmentionnée l'Administration n'est pas tenue de mettre en oeuvre la procédure ci-dessus si elle estime pouvoir faire la preuve de l'appropriation des sommes en cause par les contribuables qu'elle envisage de taxer (cf. DB 4J-1212 no 69), ce qui est bien le cas en l'espèce puisque les chèques controversés qui étaient barrés ont été encaissés par des personnes dont 1'identité vous a été fournie par les établissements financiers concernés ". Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que cette réponse était suffisante et interdisait à l'administration de lui infliger l'amende prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL LDL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LDL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée LDL et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°18BX01713 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01713
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LACOMBE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-18;18bx01713 ?
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