Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel la préfète du Gers a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à se présenter une fois par semaine aux services de police d'Auch.
Par un jugement n° 1901347 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2019, M. G... B..., représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à la préfète du Gers de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait dès lors qu'elle ne fait pas mention du recours contentieux, engagé par M. B..., contre le refus de visa long séjour demandé auprès du consulat français de Tunisie en qualité d'époux de ressortissant français ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dès lors qu'il est marié depuis le 5 décembre 2015 avec une ressortissante française et qu'il n'a jamais souhaiter se séparer de son épouse ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 7° du CESEDA dès lors qu'il est marié depuis de quatre ans avec son épouse de nationalité française et que la communauté de vie n'a pas cessé ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant dès lors que sa belle-fille lui est très attachée.
En ce qui concerne la décision astreignant le requérant à se présenter de manière hebdomadaire au commissariat d'Auch :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est manifestement disproportionnée.
Par ordonnance du 7 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2020 à 12 heures.
Par une décision du 23 janvier 2020 M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. E... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. G... B..., né en 1989, de nationalité tunisienne, est entré pour la première fois sur le territoire français le 15 mars 2011, selon ses déclarations. Il s'est marié le 5 décembre 2015 avec Mme C..., ressortissante française. Le 9 mai 2016, il a fait l'objet d'un refus de séjour, d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle a été exécutée le 15 août 2016, contraignant M. B... à retourner dans son pays d'origine afin de solliciter, auprès du consulat de France, un visa long séjour en qualité d'époux d'une ressortissante française. Par une décision du 8 novembre 2016, le consulat de France lui a refusé la délivrance de ce visa. Le requérant a contesté cette décision devant la commission de recours des décisions de refus de visa, laquelle, le 17 janvier 2019, a confirmé ce refus. M. B... a introduit un recours contre ce refus devant le tribunal administratif de Nantes qui est actuellement pendant. Le requérant est entré de nouveau sur le territoire français le 1er mars 2018, de façon irrégulière. Il a déposé une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". La préfète du Gers lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreint à se présenter une fois par semaine dans les locaux du commissariat de police d'Auch. M. B... relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire :
2. M. B... reprend dans les mêmes termes en appel, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, son moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour serait insuffisamment motivée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En premier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. M. B... soutient être marié depuis le 5 décembre 2015 avec son épouse, Mme C..., ressortissante française, et que depuis cette date la communauté de vie n'a pas cessé. Toutefois les attestations de témoignage qu'il produit à l'appui de son allégation ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées pour établir la réalité de cette communauté de vie alors que le préfet verse au dossier le compte-rendu du 14 janvier 2019 d'une enquête de police selon lequel le requérant n'a pas d'enfant, n'a pas d'activité sportive ou associative et demeure comme son épouse sans ressources et que ses parents vivent en Tunisie. Eu égard à ces éléments, la décision contestée a été prise sans méconnaître les stipulations et dispositions précitées.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du CESEDA : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ".
6. Eu égard aux circonstances exposées au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Toutefois, la circonstance que la belle-fille, âgée de dix-sept ans à la date de la décision attaquée, de M. B... lui serait très attachée ne suffit pas à établir que l'arrêté du 1er avril 2019 a méconnu l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant susvisée doit être écarté.
En ce qui concerne la décision astreignant le requérant à se présenter de manière hebdomadaire au commissariat d'Auch :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...)". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
10. La décision astreignant M. B... à se présenter de manière hebdomadaire au commissariat de police d'Auch vise les articles du CESEDA sur lesquels la préfète du Gers s'est fondée, notamment les articles L. 511-1 et L. 513-4. Elle indique expressément les éléments propres à la situation personnelle de l'appelant, en particulier les conditions irrégulières de son entrée en France et différents éléments de sa situation personnelle et familiale. Ainsi, la décision, qui n'avait pas, au demeurant, à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, la décision est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
11. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ (...) ". Aux termes de l'article R. 513-3 de ce code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine. "
12. M. B... soutient que cette mesure est disproportionnée en l'absence de risque de fuite. Toutefois, d'une part, l'article L. 513-4 du CESEDA ne subordonne pas l'obligation de se présenter à l'autorité administrative à l'existence d'un risque de fuite. D'autre part, n'étant qu'hebdomadaire, cette obligation, en l'absence de circonstances particulières, n'est pas disproportionnée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M.B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles liées aux frais d'instance doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète du Gers.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. E... A..., président,
Mme D... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 juin 2020.
Le président,
Dominique A... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04174