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09/06/2020 | FRANCE | N°19BX04608

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19BX04608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900797 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2019, M. B..., re

présenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900797 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 26 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire de se prononcer à nouveau sur son droit au séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme

de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- il ressort de l'avis produit par le préfet de la Gironde devant le tribunal que des signatures électroniques y sont apposées, alors que l'OFII n'a pas mis en place de référentiel général de sécurité pour l'utilisation des signatures électroniques comme le prévoit l'article 9

de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ; ainsi, l'avis n'est pas valablement signé ;

- s'il ne poursuit pas son traitement dans les conditions d'hygiène prescrites, il risque de perdre la vue de l'oeil qu'il conserve, ce qui constitue une conséquence d'une exceptionnelle gravité au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- le collège de médecins ne s'est pas prononcé sur la disponibilité de soins dans son pays, et le dossier devrait lui être renvoyé pour appréciation ;

- quand bien même les soins seraient disponibles dans son pays d'origine, ce qui n'est pas le cas, il n'y aurait pas accès dès lors qu'il est sans emploi ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- dès lors qu'il peut prétendre de plein droit à un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français est illégale ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que

- la requête est tardive ;

- pour le surplus, elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

12 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité guinéenne, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 14 avril 2016. Après le rejet par la Cour nationale du droit d'asile, le 15 juin 2017, de son recours à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant

sa demande d'asile, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 26 novembre 2018, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 23 mai 2019

par lequel tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. Il y a lieu, par adoption des motifs non critiqués retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). " Aux termes de l'article

R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...). " L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions prévoit que l'avis précise " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "

4. Contrairement à ce que soutient pour la première fois en appel M. B..., l'avis émis le 21 juin 2018 par le collège de médecins de l'OFII, dont la copie a été produite par le préfet devant le tribunal, ne comporte pas de signatures électroniques au sens de l'article 8

de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Par suite, le moyen tiré

de l'irrégularité des " signatures électroniques " au regard des dispositions de l'article 9 de cette ordonnance est inopérant.

5. Le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a subi une éviscération de l'oeil droit le 28 août 2017 au CHU de Bordeaux en raison d'un traumatisme ancien, compliqué d'une cataracte traumatique et de glaucome, et qu'à cette date, l'oeil gauche était " sans particularité " avec une acuité de 10 sur 10. Le traitement de sortie, d'une durée de trois semaines, était terminé à la date de la décision contestée, et il n'est pas démontré qu'un traitement aurait alors été prescrit pour l'oeil gauche. Si le requérant produit devant la cour un certificat d'un praticien hospitalier du CHU de Bordeaux ayant diagnostiqué le 3 mai 2019 un glaucome chronique à angle ouvert de l'oeil gauche, nécessitant un traitement hypotonisant, cette pathologie, dont il n'est pas établi qu'elle serait en lien avec la précédente affection, est apparue postérieurement à la décision de refus de titre de séjour, et ne peut être utilement invoquée pour en contester la légalité. M. B..., qui avait déjà perdu la vision de l'oeil droit pour lequel il n'encourait qu'un risque de perdre sa prothèse, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que les certificats médicaux et les ordonnances versées au dossier ne remettaient pas utilement en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et ne peut utilement soutenir qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". La circonstance, à la supposer établie, que M. B... serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, est sans incidence sur le fait qu'il réside en France depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée et n'y justifie d'aucun lien. Par suite, le refus de titre de séjour ne peut être regardé ni comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées, ni comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...). " Pour les motifs exposés au point 5, M. B... n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance de ces dispositions.

9. Pour les motifs exposés au point 6, M. B... n'est fondé à soutenir ni que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits

de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée

et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions n'est assorti d'aucune précision de fait quant aux risques que M. B... encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, il ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non- recevoir opposée par la préfète de la Gironde, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... G..., présidente,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2020.

La présidente,

Brigitte G...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX04608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04608
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-09;19bx04608 ?
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