Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... G... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner
la société Electricité de France (EDF) à lui verser une somme totale de 45 445,16 euros
en réparation du préjudice causé par l'implantation illégale sur sa propriété d'un pylône électrique ainsi que la servitude irrégulière ainsi constituée et d'enjoindre à EDF de déplacer
le pylône et la ligne électrique.
Par un jugement n° 1600357 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif
de la Martinique a condamné EDF à verser à M. G... une somme de 3 445,16 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2018 et des mémoires enregistrés
les 5 janvier 2018 et 23 février 2018, M. F... G..., Mme A... G...,
Mme K... G..., Mme M... G..., M. O... G..., M. N... G..., Mme L... G..., Mme I... G... et M. H... G..., représentés
par Me P..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 octobre 2017 du tribunal administratif
de La Martinique en tant qu'il a limité l'indemnisation allouée au montant de 3 445,16 euros ;
2°) de condamner EDF à verser à l'indivision une somme totale de 102 662, 64 euros en réparation du préjudice de perte de valeur vénale consécutif à l'emprise irrégulière, soit une somme de 11 406, 96 euros chacun, en leur qualité de propriétaires indivis, à M. F... G..., Mme A... G..., Mme K... G..., Mme M... G..., M. O... G...,
M. N... G..., Mme L... G..., Mme I... G... et M. H... G..., ainsi qu'une somme de 445, 16 euros à M. F... G... au titre des frais d'huissier exposés ;
3°) de mettre à la charge d'EDF une somme de 2 000 euros chacun au bénéfice
de M. F... G..., Mme A... Q... G..., Mme K... G..., Mme M... G..., M. O... G..., M. N... G..., Mme L... G..., Mme I... G... et M. H... G... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- En vertu de l'article 815-2 du code civil, les consorts G..., en leur qualité
de propriétaires indivis, ont qualité pour agir dans le cadre de la présente procédure aux fins
de conservation de leur propriété ; M. F... G... a agi pour l'indivision devant le tribunal administratif ;
- Un pylône EDF, d'une hauteur de 20 mètres, est implanté sur la parcelle BW573, et une ligne électrique surplombe les parcelles BW 224, 573 et 574 ; faute d'accord donné par
les propriétaires successifs des parcelles et en l'absence de déclaration d'utilité publique, il s'agit d'une emprise irrégulière, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ;
- Ils ont droit à la réparation des conséquences dommageables de cette implantation irrégulière, qui porte atteinte à leur droit de propriété ; ils se trouvent en effet dépossédés
de la partie du terrain d'assiette du pylône et de l'espace aérien occupé par les fils électriques ;
il résulte du rapport d'estimation vénale dressé le 27 mai 2009 par un expert immobilier que
la présence du pylône entraine une dépréciation de la valeur du terrain de 44 452, 80 euros
et une dépréciation de la valeur du bâtiment de 58 209, 87 euros ;
- M. F... G... a en outre exposé des frais d'huissier dont il doit obtenir
le remboursement.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2019, la société EDF, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel des consorts G...,
et à la mise à la charge des consorts G... d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Une fin de non-recevoir a été opposée aux conclusions de première instance, M. G... n'ayant pas qualité pour agir au nom de l'indivision ;
- Le déplacement de l'ouvrage public n'est plus demandé en appel ; son enlèvement porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ;
- M. J... G..., dont les appelants sont les héritiers, n'a jamais contesté l'implantation de l'ouvrage en cause, à laquelle il avait consenti, à tout le moins tacitement ; l'ouvrage était visible lors du transfert de propriété par voie successorale en 2009 ;
- Les demandes indemnitaires sont prescrites ; le délai de prescription a commencé
à courir au 1er janvier suivant l'année 2009, au cours de laquelle ils ont eu connaissance
de la présence de l'ouvrage public et de l'estimation de perte de valeur vénale en résultant selon une expertise immobilière ;
- L'évaluation du préjudice est excessive ; le poteau occupe une faible superficie
du jardin ; l'encombrement dont l'expertise immobilière fait état pour minorer l'estimation
de la valeur du terrain ne concerne pas le pylône et les lignes électriques, mais porte sur deux constructions en très mauvais état ; de plus, l'expert immobilier a retenu un faible taux de vétusté pour estimer la valeur vénale des maisons.
Par une ordonnance du 17 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée
au 12 février 2020 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code civil ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... D...,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. F... G..., propriétaire indivis des parcelles cadastrées BW 224, BW 572,
BW 573 et BW 574 sur le territoire de la commune de Fort-de-France, a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Electricité de France (EDF) à lui verser, en sa qualité de propriétaire indivis représentant l'indivision, une somme totale
de 45 445,16 euros en réparation du préjudice causé par l'implantation illégale sur ces parcelles d'un pylône électrique, ainsi que par la servitude irrégulière ainsi constituée, et d'enjoindre à la société EDF de déplacer le pylône et la ligne électrique. Par un jugement du 24 octobre 2017,
le tribunal administratif de la Martinique, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée
de ce que M. F... G... n'avait pas qualité pour agir au nom de l'indivision et retenu l'existence d'une emprise irrégulière, a condamné EDF à verser à ce dernier une somme
de 3 445,16 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'emprise irrégulière.
M. F... G... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation allouée à la somme 3 445,16 euros. Par des mémoires maladroitement qualifiés d' " intervention volontaire ", Mme A... G..., Mme K... G..., Mme M... G...,
M. O... G..., M. N... G..., Mme L... G..., Mme I... G... et M. H... G..., propriétaires indivis des mêmes parcelles, demandent à la cour
de condamner la société EDF à les indemniser du préjudice subi du fait de cette emprise irrégulière.
2. Aux termes de l'article 815-2 du code civil : " Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers. A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires (...) ". Aux termes de
l'article 815-3 du même code : " Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens
indivis ; 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux. ".
3. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la demande formée par M. F... G... tendant à faire cesser l'emprise irrégulière résultant de l'implantation d'un pylône électrique sur la parcelle BW 573 et du passage de câbles haute tension à l'aplomb des parcelles BW 224,
BW 573 et BW 574 avait pour objet d'assurer la conservation matérielle de ces biens indivis.
En revanche, et comme le soutient la société EDF, la demande de première instance
de M. F... G... tendant à l'indemnisation du préjudice subi par l'indivision du fait de cette emprise irrégulière était étrangère aux actes de conservation, d'administration et de disposition visés aux articles précités 815-2 et 815-3 du code civil. Il s'ensuit que M. F... G... n'avait pas qualité pour présenter devant le tribunal administratif, au nom de l'indivision, de telles conclusions indemnitaires, lesquelles étaient ainsi irrecevables.
4. Il résulte de ce qui précède que les consorts G... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a limité
à 3 445,16 l'indemnisation allouée en réparation du préjudice subi par l'indivision.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... G... et les conclusions d'appel des consorts G...
sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par EDF sur le fondement de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G..., Mme A... G...,
Mme K... G..., Mme M... G..., M. O... G..., M. N... G...,
Mme L... G..., Mme I... G... et M. H... G... et à la société Electricité
de France.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme A... E..., présidente,
M. Thierry Sorin, premier conseiller,
Mme Marie-Pierre Beuve D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2020.
La présidente,
Anne E...
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00056