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08/06/2020 | FRANCE | N°19BX04404

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 juin 2020, 19BX04404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1902075 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2019, M. C... F..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 1902075 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2019, M. C... F..., représenté par Me A..., demande à la cour:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 du préfet de la Gironde;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire avec autorisation de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ;

- cette décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'alinéa 8 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

Par ordonnance du 9 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2020 à midi.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. G... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant ukrainien né le 6 avril 1972, est entré en France en décembre 2014 afin d'y rejoindre son épouse, ses enfants et son petit fils, entrés sur le territoire deux mois auparavant. A la suite du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 20 février 2017, le préfet de Lot-et-Garonne, par un arrêté du 7 mars 2017 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2017, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée comme irrecevable le 31 octobre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. N'ayant pas exécuté l'arrêté du 7 mars 2017, M. F... a présenté, le 27 avril 2018, une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 février 2019, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. F... relève appel du jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. F... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le jugement y a répondu pour l'ensemble de l'arrêté dans son point 6. L'omission à statuer alléguée manque donc en fait.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2019 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. M. F... fait valoir qu'il réside en France depuis plus de quatre ans avec son épouse, ses deux enfants et ses deux petits-fils, dont l'un est né sur le territoire, qu'il dispose de nombreuses attaches personnelles et familiales en France, qu'il est parfaitement intégré dans la société française, qu'il est bien inséré professionnellement, que sa fille a vu la mesure d'éloignement prise à son encontre le 12 février 2019 annulée par le tribunal administratif de Bordeaux et s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, que cette dernière est titulaire d'un contrat à durée indéterminée et a déposé une demande de titre de séjour en qualité de salarié et que son fils est scolarisé depuis plus de quatre ans et pratique le judo à haut niveau. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a été autorisé à séjourner en France que le temps de l'examen de sa demande d'asile qui a été définitivement rejetée le 31 octobre 2017. M. F... s'est en outre maintenu sur le territoire national en dépit de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 7 mars 2017 par le préfet de Lot-et-Garonne, dont la légalité a pourtant été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2017. Par ailleurs, M. F... ne justifie d'aucune autre attache en France que son épouse qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement pris par arrêté du préfet de la Gironde du même jour, sa fille majeure dont la demande de titre de séjour était toujours pendante à la date de l'arrêté contesté et que rien n'empêche, compte tenu de son âge, de demeurer sur le territoire avec ses deux enfants, si elle y est autorisée, et son fils de 15 ans, scolarisé en classe de seconde à la date de l'arrêté litigieux, dont il n'est pas établi qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité et sa pratique sportive en Ukraine, alors qu'il y a déjà effectué une partie de son cursus scolaire. M. F... n'établit pas davantage qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-trois ans et où réside sa mère ainsi que celle de son épouse et sa belle soeur. En dépit de son inscription à des cours des français, d'une activité bénévole au sein du Secours catholique et d'une association culturelle et orthodoxe russe et de plusieurs attestations de proches témoignant de sa volonté d'intégration, au demeurant toutes postérieures à l'arrêté litigieux, M. F... ne justifie pas d'une intégration particulière en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné le 6 décembre 2016 par le tribunal correctionnel d'Agen à cinq mois d'emprisonnement avec sursis pour vol commis le 20 avril 2016 et le 17 février 2017 par comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste le 10 novembre 2016. S'il produit une promesse d'embauche en date du 8 mars 2019 émanant de la société HM Carrosserie pour occuper un poste de préparateur de véhicule, ce document, au demeurant postérieur à l'arrêté litigieux, ne suffit pas à caractériser une insertion professionnelle particulière et ancienne en France. Enfin, si M. F... fait valoir qu'il a subi, tout comme son épouse, des agressions en Ukraine entre 2010 et 2012, que cette dernière bénéficie d'un suivi médical en France pour un syndrome anxio-dépressif en réaction à ces évènements ainsi que pour des problèmes cardio-vasculaires et qu'il est atteint d'une grave pathologie cardiaque qui a nécessité plusieurs hospitalisations entre les mois d'avril et juillet 2019 et qui l'astreint à un lourd traitement et à un suivi régulier en France, il ne peut utilement se prévaloir de l'évolution de son état de santé postérieure à l'arrêté contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... et son épouse ne pourraient pas bénéficier d'un traitement approprié à leurs pathologies en Ukraine. Dès lors, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de l'intéressé, le refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été opposé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

7. Contrairement à ce que soutient M. F..., les circonstances, exposées au point 4, ne sauraient être regardées comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si le fils de M. F... était inscrit, à la date de l'arrêté contesté, pour sa cinquième année de scolarité en France, en classe de seconde au lycée des Graves à Gradignan et avait validé le 5 juin 2018 son diplôme d'étude en langue française, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme il a été dit au point 4, que des circonstances particulières feraient obstacle à ce que celui-ci poursuive sa scolarité en Ukraine, son pays d'origine, où il a été scolarisé jusqu'à l'âge de dix ans. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, ni n'est même allégué, qu'il serait impossible au fils de M. F... de poursuivre, dans son pays d'origine, sa pratique du judo à un niveau de compétition. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les petits-fils de M. F... seraient dans l'impossibilité de poursuivre une scolarité normale en Ukraine dans l'éventualité où leur mère se verrait refuser la délivrance d'un titre de séjour, ni que la cellule familiale ne pourrait perdurer dans ce pays. Ainsi, en refusant à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Gironde n'a pas porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ses petits-enfants et de son fils, alors même que ce dernier serait éligible à sa majorité au bénéfice d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 2°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés aux points 4 et 9 concernant la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

12. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

13. En dernier lieu, aux termes l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

14. M. F... fait valoir qu'il souffre d'une grave pathologie cardiaque, qu'il a été hospitalisé en avril 2019 au CHU de Bordeaux puis en mai 2019 dans le service de cardiologie de l'hôpital Haut-Lévêque à Bordeaux, qu'il a subi en juillet 2019 une angioplastie coronaire avec désobstruction de l'IVA et implantation de deux stents actifs et qu'il est astreint à un traitement lourd et à un suivi régulier en France. Toutefois, ces faits sont postérieurs à l'arrêté en litige et, contrairement à ce que soutient M. F..., aucun des documents produits, à savoir ses bulletins d'hospitalisation pour les mois d'avril et de mai 2019, le compte rendu du service de cardiologie de l'hôpital Haut-Lévêque daté de mai 2019 et le compte rendu de l'angioplastie qu'il a subi en juillet 2019, ne se prononcent sur l'accessibilité des soins appropriés à sa pathologie en Ukraine. Ainsi, M. F... n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Ukraine. Dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire qui la fonde.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.(...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

18. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

19. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, dans l'hypothèse du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou dans son principe et dans sa durée, dans l'hypothèse du quatrième alinéa du III de cet article, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

20. En l'espèce, le préfet de la Gironde vise le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. F... est défavorablement connu des services de police et a déjà fait l'objet de deux condamnations. Il a également précisé que M. F... a déjà fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière non exécutée et qu'il se maintient en toute illégalité en France. Il a également précisé qu'il ne justifiait pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens en France alors qu'il a vécu en Ukraine jusqu'à l'âge de quarante-deux ans, date de sa présumée entrée en France et que sa mère réside toujours dans ce pays. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde, qui ne s'est pas fondé sur la notion de menace à l'ordre public, a suffisamment motivé la décision lui interdisant de revenir sur le territoire national durant deux ans au regard des critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

21. Il ressort des pièces du dossier que M. F... réside irrégulièrement en France depuis le rejet de sa demande d'asile, qu'il a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 7 mars 2017 qu'il n'a pas exécuté. Alors même que la présence de M. F... ne constitue pas une menace à l'ordre public, ces motifs sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée l'interdiction de retour litigieuse. Le moyen tiré de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

22. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent être écartés pour les motifs énoncés aux points 4 et 9.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 12 février 2019. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... D..., présidente assesseure,

M. G... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04404 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04404
Date de la décision : 08/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-08;19bx04404 ?
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