La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2020 | FRANCE | N°18BX04093

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 juin 2020, 18BX04093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Damien D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 3 août 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 7 040 euros pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de cet étranger dans son pays d'origine d'un montant de 2 124 euros, ensemble la décision par laquelle cette m

me autorité a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre la décisio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Damien D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 3 août 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 7 040 euros pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de cet étranger dans son pays d'origine d'un montant de 2 124 euros, ensemble la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 3 août 2016, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale.

Par un jugement n° 1700120 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société Damien D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 26 juin 2019 et 11 juillet 2019, la société Damien D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 2 octobre 2018 ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du 3 août 2016, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire la contribution spéciale à 1 760 euros ou, à tout le moins, à 3 250 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, car il n'a pas répondu à son moyen, tiré d'un défaut de proportionnalité ; les premiers juges se sont abstenus d'effectuer ce contrôle et ont donc omis de statuer sur certaines conclusions ; ils n'ont pas non plus répondu au moyen tiré du principe de non rétro-activité des règlements, invoqué à propos de l'application par l'OFII de l'article R. 8253-2 du code du travail, en lieu et place de l'article R. 8253-8 dans sa version applicable ;

- il appartient à l'OFII d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction ; or, elle fait une lecture erronée des PV d'audition, M. C... n'ayant pas travaillé pour la société à plusieurs reprises ; or, seule la société est concernée par la présente procédure, société qui n'existait pas en 2010 ; cette confusion, effectuée par l'OFII, entre M. B... D... et la société, doit entraîner l'annulation des décisions attaquées, qui ont été prises à l'encontre d'une personne juridique inexistante au moment des faits reprochés ; en effet, la seule infraction reconnue et établie vise l'emploi de M. C... par M. D... entre le 4 et le 21 juin 2010, M. D... exerçant alors en son nom propre, puisque la société n'existait pas encore ;

- M. C... est conjoint d'une ressortissante espagnole et est domicilié en Espagne ; bien que marocain, il peut donc prétendre au régime communautaire ; il n'est donc pas démontré qu'il était en situation irrégulière sur le territoire français, étant membre de la famille d'une ressortissante espagnole ;

- elle a déclaré l'embauche de M. C... auprès de l'ensemble des organismes sociaux et administratifs ; par suite, il y a absence de sa part d'intention de fraude ; en outre, aucun des organismes saisis ne l'a alertée ;

- M. C... résidant en Espagne, non loin de la frontière française, il n'y a pas lieu de lui imputer la somme de 2 124 euros au titre des frais de réacheminement vers le Maroc ;

- en violation du principe de non rétro-activité des règlements, l'OFII a commis une erreur de droit, dès lors qu'elle lui a appliqué une nouvelle version de l'article R. 8253-2 du code du travail, en vertu duquel elle a porté le montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire minimum prévu à l'article L. 3231-12 du même code ; en effet, l'OFII aurait dû lui appliquer l'article R. 8253-8 dans sa version applicable au moment des faits reprochés ; en tout état de cause, quand bien même les dispositions actuelles auraient été applicables, sa situation correspondrait au III de l'article R. 8253-2, réduisant automatiquement le quantum de la contribution à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ;

- il revenait à l'OFII d'apprécier l'opportunité de la faire bénéficier des dispositions de l'article R. 8253-11 du code du travail ; à cet égard, il appartient au juge administratif de substituer, le cas échéant, un montant inférieur à celui retenu par l'administration ; en l'espèce, elle justifie avoir acquitté les salaires et indemnités dues à M. C... conformément à l'article L. 8552-2 du code du travail ; la seule circonstance que le reçu pour solde de tout compte ne soit pas signé par l'employé est indifférente, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'imposant ; dans ces conditions, et en vertu du principe de proportionnalité, elle sollicite le bénéfice des dispositions de l'article R. 8253-11 dudit code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, l'OFII conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Damien D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 15 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle d'identité effectué le 15 décembre 2015, M. C..., ressortissant marocain qui se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français, a déclaré, comme l'indique le procès-verbal dressé ce jour par les services de police, avoir travaillé pour divers entraîneurs de chevaux de course de la région Aquitaine au cours des dernières années, dont notamment M. B... D.... Par une décision du 3 août 2016, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé d'appliquer à la société Damien D... la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger à hauteur de 7 040 euros et la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de cet étranger dans son pays d'origine, à hauteur de 2 124 euros. La société Damien D... a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de cette décision et de la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre cette décision, et, à titre subsidiaire, la réduction du montant des contributions mises à sa charge par l'OFII. Elle fait appel du jugement de ce tribunal en date du 2 octobre 2018, qui a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des différents procès-verbaux établis par les services de l'unité judiciaire de la police aux frontières de Pau que la seule période pour laquelle il est établi que M. C... a été employé par M. B... D... est une période de quinze jours en juin 2010, ce que M. D... a reconnu dans son procès-verbal d'audition du 13 avril 216, au cours duquel il a d'ailleurs produit le contrat d'embauche correspondant et ce que ne conteste pas l'OFII.

3. Cependant, il ressort également des écritures d'appel de la société d'entraînement Damien D..., ainsi que de l'extrait K bis de son immatriculation au registre du commerce, que cette société n'a été créée que le 1er juillet 2012, M. B... D... exerçant antérieurement en son nom propre en tant qu'entrepreneur individuel. Dans ces conditions, s'agissant de deux personnes morales distinctes, l'OFII ne pouvait mettre les contributions contestées à la charge de la société d'entraînement, qui n'existait pas à l'époque à laquelle des faits d'emploi illégal d'un travailleur étranger en situation irrégulière.

4. Par suite, la société d'entraînement Damien D... est fondée à demander l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 3 août 2016 ayant mis à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire précitée, ainsi que celle de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fins de décharge :

5. Par voie de conséquence de l'annulation des décisions en litige, la société Damien D... doit être déchargée des contributions qui lui ont été appliquées.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que la société Damien D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge avril de l'OFII une somme de 1 500 euros que demande la société Damien D... sur ce fondement. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'OFII sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700120 du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Pau, ainsi que la décision du directeur général de l'OFII du 3 août 2016 et le rejet implicite du recours gracieux formé par la société Damien D... à son encontre, sont annulés.

Article 2 : La société Damien D... est déchargée des sommes de 7 040 euros et de 2 124 euros mises à sa charge par l'OFII au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire.

Article 3 : L'OFII versera à la société Damien D... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Damien D... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Copie en sera transmise à la direction générale des finances publiques des Landes.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Karine Butéri, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX04093

5

1

N° 18BX04093

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04093
Date de la décision : 08/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SELARL CABINET CAMBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-08;18bx04093 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award