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20/05/2020 | FRANCE | N°19BX04431

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 19BX04431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme D... A..., épouse F..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les arrêtés du 16 mai 2019 par lesquels le préfet de la Guadeloupe a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que les décisions du même jour les assignant à résidence.

Par un jugement n° 1900578-1900580 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Guadeloupe

a entièrement fait droit à leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme D... A..., épouse F..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les arrêtés du 16 mai 2019 par lesquels le préfet de la Guadeloupe a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ainsi que les décisions du même jour les assignant à résidence.

Par un jugement n° 1900578-1900580 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Guadeloupe a entièrement fait droit à leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, et un mémoire, enregistré le 31 janvier 2020, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 octobre 2019.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. F... remplissait les conditions prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté refusant le séjour à M. F... n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-10 du même code ;

- les arrêtés refusant le séjour à M. et Mme F... n'ont méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 et 20 janvier 2020, M. et Mme F..., représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Guadeloupe de leur délivrer des titres de séjour, subsidiairement de réexaminer leur situation, dans le délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. E... G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., épouse F..., et M. C... F..., ressortissants albanais nés, respectivement, le 4 mai 1990 et le 5 avril 1987, sont entrés en France le 16 février 2016 pour y demander l'asile. Après le rejet de leurs demandes par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, M. F... et Mme A... ont sollicité la délivrance de titres de séjour en se prévalant à titre principal, pour le premier, de son activité professionnelle et, pour la seconde, de sa vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 16 mai 2019, le préfet de la Guadeloupe a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux décisions du même jour, il les a également assignés à résidence. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 29 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Guadeloupe a annulé ces arrêtés et décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... et Mme A... ont eu, ensemble, une fille, née en Guadeloupe le 14 avril 2016 et scolarisée depuis la rentrée 2018. En outre, M. F... a travaillé de façon continue à compter du 2 mai 2016 d'abord à temps partiel puis à temps complet depuis le 1er novembre 2017. À la date des arrêtés litigieux, il percevait une rémunération mensuelle nette d'environ 1 500 euros en vertu d'un contrat à durée indéterminée conclu avec une entreprise du secteur de la restauration. Toutefois, ces circonstances ne caractérisent pas, à elles seules, des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que le séjour de l'intéressé sur le territoire national est encore récent, que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine et qu'il ne justifie d'aucune autre attache en France. Par suite, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2019 refusant à M. F... la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire ainsi que de la décision l'assignant à résidence.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... ne se prévaut d'aucune attache en France en dehors de sa famille nucléaire, que son séjour sur le territoire national est encore récent, que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine et qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'elle ne peut pas utilement se prévaloir de l'activité professionnelle de son époux. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'arrêté du 16 mai 2019 refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et aurait ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de 1'article L. 313-11 du code de 1' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par les parties devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention "salarié". " En application des dispositions combinées des articles L. 5221-2 et R. 5221-11 du code du travail, l'autorisation de travail à laquelle est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'article L. 313-10 doit être demandée par l'employeur de l'étranger qui souhaite exercer en France une profession salariée.

8. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que l'employeur de M. F... n'a pas sollicité la délivrance, à son profit, d'une autorisation de travail. Par suite, celui-ci ne remplissait pas les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précités de l'article de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En deuxième lieu, il ressort de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que l'arrêté du 16 mai 2019 n'a pas porté au droit de M. F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a dès lors méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de 1' article L. 313-11 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En troisième lieu, il résulte également de ce qui précède que M. F... et Mme A... ne sont pas davantage fondés à soutenir que les décisions les assignant à résidence, qui leur imposent seulement de se présenter trois fois par semaine dans les locaux de la direction départementale de la police aux frontières, constituent des atteintes disproportionnées à leurs droits et libertés fondamentaux et notamment à leur liberté d'aller et venir.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que l'ensemble des moyens invoqués par M. F... et Mme A... devant le tribunal et devant la cour doivent être écartés et, par suite, à demander l'annulation du jugement attaqué du 29 octobre 2019. En outre, les conclusions présentées par M. F... et Mme A... en première instance et en appel doivent, pour les mêmes motifs, être rejetées, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme F... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et les conclusions incidentes qu'ils ont présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... F... et à Mme D... A..., épouse F....

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme H... présidente-assesseure,

M. E... G..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX04431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX04431
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;19bx04431 ?
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