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20/05/2020 | FRANCE | N°19BX02633

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 19BX02633


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Salum B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel la préfète de la Vienne l'a transféré aux autorités italiennes ainsi que l'annulation de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901455 du 24 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet

2019 sous le n° 19BX02633, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Salum B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel la préfète de la Vienne l'a transféré aux autorités italiennes ainsi que l'annulation de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901455 du 24 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2019 sous le n° 19BX02633, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel la préfète de la Vienne a décidé de transférer M. B... aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures sous astreinte également de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 4 du règlement UE n°604/2013 du fait de l'impossibilité de s'assurer que les brochures relatives à la procédure Dublin ont bien été traduites ;

- il méconnaît l'article 5 du règlement UE n°604/2013 au motif qu'il n'est pas avéré que l'interprète était présent lors de l'entretien individuel ;

- la préfète de la Vienne a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause de souveraineté sur le fondement de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 en raison de son état de santé.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes ;

- l'insuffisance de sa motivation révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2019, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun de ses moyens n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 octobre 2019 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par ordonnance du 16 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... se disant Salum B..., ressortissant sénégalais, a déposé une demande d'asile le 15 novembre 2018. La consultation des données Eurodac ayant révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Italie le 22 juillet 2015, la préfète de la Vienne, par arrêté du 18 juin 2019, a décidé de remettre l'intéressé aux autorités italiennes et, dans l'attente, de l'assigner à résidence. M. B... relève appel du jugement du 24 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. M. B... soutient que l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé du fait qu'il ne fait pas mention de son hépatite B, ni du contenu de ses observations, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments relatifs à la pathologie dont souffre l'appelant auraient été transmis à la préfète de la Vienne à la date de l'arrêté contesté. Il ressort au contraire des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel du 18 juin 2019 l'appelant a fait état de douleurs à l'estomac et qu'à ce titre un courrier transmis en mains propres le même jour, accompagné d'un questionnaire médical, l'invitait à transmettre tout document qu'il jugeait utile afin qu'il puisse être tenu compte de ses besoins de suivi médical lors de son transfert. La préfète de la Vienne ne pouvait donc pas, à la date de l'arrêté contesté, faire mention de la circonstance que l'appelant souffre d'une hépatite B. Par ailleurs, l'absence de retranscription dans l'arrêté des observations formulées par M. B... dans le cadre de la procédure contradictoire n'a pas pour effet de l'entacher d'insuffisance de motivation dès lors que ces observations ne constituent pas le support de l'arrêté contesté. En outre, les erreurs matérielles soulevées par l'appelant quant à sa date de naissance et l'orthographe de son prénom, à les supposer établies, sont en tout état de cause insuffisantes pour établir un défaut d'examen de sa situation. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de défaut d'examen personnel de sa situation doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la préfète de la Vienne n'était pas tenue de s'assurer du contenu de la traduction orale des brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui a été effectuée par l'interprète de l'association ISM Interprétariat, agréée à cette fin par le ministère de l'intérieur. Si l'appelant soutient que cette traduction aurait eu lieu en même temps que l'entretien individuel et que le temps ainsi consacré aurait été matériellement trop court pour assurer la traduction de la totalité des brochures, il ressort toutefois du résumé de l'entretien individuel du 15 novembre 2018 que M. B... a déclaré, assisté d'un interprète en langue mandingue, " avoir compris la procédure engagée à son encontre " et qu'il a certifié sur l'honneur que " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires " lui ont été remis. Dès lors M. B... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 4 du règlement 5UE) n°604/2013 auraient été méconnues.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien. (...)".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été assisté par un interprète en langue mandingue. Les circonstances selon lesquelles, d'une part, le terme " mandingue ", pour désigner la langue de la traduction, a été ajouté de manière manuscrite, et, d'autre part, que l'attestation de prestation d'interprétariat et le résumé de l'entretien individuel font apparaître une différence de 23 minutes, ne suffisent pas à établir que M. B... n'aurait pas effectivement été assisté d'un interprète lors de l'entretien individuel. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n°604/2013 doit être écarté.

8. En quatrième lieu, à l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour ne pas avoir fait usage de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif de Poitiers. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes.

10. En second lieu, l'arrêté contesté précise que l'intéressé fait l'objet d'un arrêté de transfert aux autorités italiennes, lesquelles ont donné leur accord pour sa prise en charge, ce qui permet de considérer que le transfert de M. B... demeure une perspective raisonnable au sens des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 18 juin 2019 portant assignation à résidence est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... se disant Salum B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

Mme D..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président-rapporteur,

Éric Rey-BèthbéderLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX02633 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX02633
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;19bx02633 ?
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