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20/05/2020 | FRANCE | N°19BX01768

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 19BX01768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Ahmad Shah Heidari a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 13 mars 2019 par lesquels le préfet de Lot-et-Garonne a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1901364 du 29 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

27 avril 2019, M. A... se disant Heidari, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Ahmad Shah Heidari a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 13 mars 2019 par lesquels le préfet de Lot-et-Garonne a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1901364 du 29 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2019, M. A... se disant Heidari, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991.

Il soutient que :

- la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté de transfert contesté est irrégulière dès lors que que la lettre d'information ne lui a pas été régulièrement notifiée et que les brochures d'information prévues par l'article 4 du règlement n° 604/2013 ne lui ont pas été remises dans une langue qu'il comprend ;

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation en droit dès lors qu'il vise l'article 18 du règlement n° 604/2013 sans préciser de quel alinéa il est fait application ;

- cet arrêté est également entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors que l'Autriche a accepté sa reprise en charge sur le fondement du d) de l'article 18.1 et non du b) du même article, ainsi qu'il est indiqué dans l'arrêté ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 dès lors que sa remise aux autorités autrichiennes aura pour conséquence de le renvoyer en Afghanistan.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2019, et un mémoire en production de pièces du 16 septembre 2019, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable dès lors que l'appelant n'a pas produit le jugement attaqué et que ses moyens ne sont pas fondés.

Par décision du 18 juillet 2019, M. A... se disant Heidari a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... se disant Heidari, ressortissant afghan né le 1er janvier 1969, déclare être entré sur le territoire français le 10 août 2018. Il a déposé une demande d'asile enregistrée le 24 septembre 2018 à la préfecture de police de Paris. Par deux arrêtés du 13 mars 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence. M. A... se disant Heidari, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle il décide la réadmission de l'intéressé dans l'État membre responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

3. D'une part, l'appelant ne peut pas utilement faire valoir que la circonstance que la lettre d'information qui lui a été adressée le 11 mars 2019 était rédigée en français est de nature à vicier la procédure à l'issue de laquelle a été prise l'arrêté de transfert contesté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 24 septembre 2018, il a été informé que les autorités autrichiennes allaient être saisies d'une demande de reprise en charge et qu'il pouvait présenter toutes les observations qu'il estimerait utiles tandis qu'aucune disposition à caractère impératif ne faisait obligation au préfet de faire parvenir une telle lettre au demandeur.

4. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que, lors de cet entretien, M. A... se disant Heidari s'est vu remettre les brochures intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est ce que cela signifie " (brochure B), documents qui contiennent les informations exigées par l'article 4 du règlement n°604/2013 précité, et que ces documents lui ont été remis en langue dari, langue dont il n'est pas contesté qu'il la comprend. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n°604/2013 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté du 13 mars 2019 portant décision de transfert comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et précise en particulier que les autorités autrichiennes ont accepté de le reprendre en charge sur le fondement du b) de l'article 18.1 du règlement n°604/2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

6. En troisième lieu, si l'appelant fait valoir que les autorités françaises ont demandé aux autorités autrichiennes de le reprendre en charge sur le fondement du b) de l'article 18.1 du règlement n°604/2013 mais que celles-ci ont accepté cette reprise en charge sur le fondement du d) du même article, cette circonstance demeure sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux dès lors, d'une part que les dispositions de l'article 18 du règlement n°604/2013 ne créent d'obligations que pour l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile et ne créent aucun droit pour l'étranger concerné à l'égard du pays dans lequel il a présenté en dernier lieu une demande d'asile et, d'autre part, que M. A... se disant Heidari ayant présenté une première demande d'asile en Autriche, cet État est responsable de la demande d'asile ultérieurement présentée en France en application des dispositions du d) du même article. En outre, si l'arrêté litigieux indique que les autorités autrichiennes ont accepté sa reprise en charge sur le fondement du b) de l'article 18.1 de ce règlement, cette erreur de plume demeure sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de ces stipulations que la faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Si M. A... se disant Heidari soutient que sa vie serait menacée en cas de retour en Afghanistan, il n'établit ni que l'Autriche aurait définitivement rejeté sa demande d'asile ni qu'il y ferait l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de l'Afghanistan. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Lot-et-Garonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle en s'abstenant de faire application de l'article 17 du règlement n°604/2013.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... se disant Heidari n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 19 mars 2019 portant transfert aux autorités autrichiennes et, par voie de conséquence, celle tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au paiement des frais exposés pour l'instance doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de M. A... se disant Ahmad Shah Heidari est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... se disant Ahmad Shah Heidari et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

M. B... D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX01768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX01768
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : POUDAMPA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;19bx01768 ?
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