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20/05/2020 | FRANCE | N°18BX02583

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 18BX02583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à hauteur de la somme de 45 303 euros et la restitution de la TVA acquittée au taux normal au lieu du taux réduit au titre de la même période.

Par un jugement n° 1602294 du 23 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à hauteur de la somme de 45 303 euros et la restitution de la TVA acquittée au taux normal au lieu du taux réduit au titre de la même période.

Par un jugement n° 1602294 du 23 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 avril 2018 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à hauteur de la somme de 45 303 euros et la restitution de la somme de 10 799 euros afférente aux prestations de location de téléviseurs acquittées au taux de droit commun au lieu du taux réduit au titre de la même période.

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'exerce pas une activité de location de postes récepteurs de télévision mais offre une prestation d'accès aux services de télévision ; en effet, les deux prestations de fourniture d'un téléviseur et d'accès aux services de télévision constituent une seule prestation économique d'accès à des services de télévision au sens et pour l'application du système européen de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le taux de taxe sur la valeur ajoutée de la prestation d'accès aux services de télévision s'étend à la prestation accessoire de locations de téléviseurs ;

- l'étude fondée sur les données comptables de son entreprise pour 2012 et 2013, à partir des charges arrêtées sur la base de la comptabilité de l'entreprise justifie la clé de répartition retenue ;

- l'essentiel de la marge commerciale est réalisée dans ce secteur d'activité sur la prestation d'accès aux services de télévision et non sur la prestation de location de téléviseurs ;

- les recettes correspondant à chacun des deux taux ont été ventilées en déterminant leur réalité économique respective sur la base des données comptables relatives aux mêmes prestations assurées auprès des hôpitaux de Foix et d'Orthez par la société LTH dont il est le dirigeant, et qui exercent une activité identique, ainsi que sur la base des données issues de ses propres prestations ;

- la validité économique des prestations fournies a été justifiée par référence à la valeur de marché de prestations analogues réalisées par des entreprises concurrentes et la clé de répartition de 20/80 retenue est conforme à la réalité économique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions sont irrecevables à hauteur du montant excédant le montant contesté dans le cadre de la réclamation préalable soit 45 303 euros ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... exerce à titre individuel une activité de location de téléviseurs et fourniture d'accès aux services de télévision en milieu hospitalier. À l'issue de la vérification de comptabilité de son entreprise, au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013, par une proposition de rectification du 24 septembre 2014 l'administration a remis en cause la ventilation du taux de taxe sur la valeur ajoutée opérée entre la location de téléviseurs et l'accès aux services de télévision et a taxé la totalité de la facturation au taux normal. M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à hauteur de la somme de 45 303 euros et la restitution de la TVA acquittée à tort au taux normal au lieu du taux réduit au titre de la même période. Il relève appel du jugement du tribunal administratif qui a rejeté sa demande et demande à la cour de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à hauteur de la somme de 45 303 euros et la restitution de la somme de 10 799 euros afférente aux prestations de location de téléviseurs acquittées au taux de droit commun au lieu du taux réduit au titre de la même période.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. ".

3. Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conclusions aux fins de restitution de la somme de 10 799 euros afférente aux prestations de location de téléviseurs acquittées au taux de droit commun excèdent les limites du quantum de la réclamation préalable. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. B... a présenté au centre des finances publiques de Montauban, le 16 décembre 2015, une réclamation tendant à la décharge d'un montant de 45 303 euros correspondant à l'avis de mise en recouvrement du 30 novembre 2015 et la restitution par voie de compensation, sur la période soumise à contrôle de la TVA facturée à tort au taux de droit commun de 19,6 % sur la prestation de " location de téléviseurs " indiquant qu'il chiffrerait prochainement le montant de la restitution sollicitée de la TVA acquittée à tort au taux normal au lieu du taux réduit. M. B... a précisé à cet égard qu'il revendique l'application du taux réduit de TVA de 5,5 % ou de 7 % suivant les exercices concernés en lieu et place du taux de droit commun de 19,6% dont il a fait application à tort. Ainsi, nonobstant la circonstance que la réclamation n'a pas chiffré précisément le montant de la restitution sollicitée, ce à quoi le contribuable n'était nullement tenu, elle indiquait clairement les bases de la restitution sollicitée. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir invoquée par le ministre, tirée de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales doit être rejetée.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 268 bis du code général des impôts : " Lorsqu'une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs des catégories prévues aux articles du présent chapitre, son chiffre d'affaires est déterminé en appliquant à chacun des groupes d'opérations les règles fixées par ces articles. ". Et en vertu du b octies de l'article 279 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % (puis 7 % à partir du 1er janvier 2012) en ce qui concerne : " Les abonnements souscrits par les usagers afin de recevoir les services de télévision mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (...) ".

5. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts du 20 février 1997, Commissioners of Customs et Excise c/ DFDS A/S (C-260/95) et du 28 juin 2007, Planzer Luxembourg SARL (C-73/06), " la prise en compte de la réalité économique constitue un critère fondamental pour l'application du système commun de TVA " . Ce principe implique notamment, ainsi que l'a rappelé la Cour dans son arrêt du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen BV (C-41/04), qu'une " opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA ". Il y a lieu de considérer qu'il existe une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l'assujetti au client sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ou lorsqu'un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l'inverse, d'autres éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale.

6. L'appelant soutient qu'il n'exerce pas une activité de location de postes récepteurs de télévision à titre principal mais une prestation d'accès aux services de télévision.

7. Il résulte de l'instruction et notamment des documents produits au dossier que l'entreprise B..., qui a procédé à l'installation de postes récepteurs de télévision au sein d'établissements hospitaliers dans les chambres, halls d'accueil, salles de réunions et en assure la maintenance et le remplacement, vend aux patients hospitalisés des bouquets représentatifs d'une offre de services de télévision. Son activité, qui consiste, à titre principal, à fournir l'accès à des chaînes de télévision par l'intermédiaire de postes installés à titre permanent dans les chambres, relève ainsi de la vente de services de télévision au sens des dispositions précitées du code général des impôts et non de la location de postes de télévision, alors même que certains des bouquets vendus comprennent exclusivement des chaînes habituellement disponibles à titre gratuit et que les téléviseurs en cause permettent en outre l'accès à certains services de l'hôpital et peuvent être utilisés pour la lecture de contenus figurant sur des supports extérieurs, ou pour l'accès à internet. Dès lors, M. B... établit qu'il remplissait les conditions pour bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à hauteur de la somme de 45 303 euros et la restitution de la somme, qu'il chiffre en appel à 10 799 euros, afférente aux prestations de location de téléviseurs acquittées au taux de droit commun au lieu du taux réduit au titre de la même période.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602294 du 23 avril 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : M. B... est déchargé du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à hauteur de la somme de 45 303 euros.

Article 3 : L'État versera à M. B... la somme de 10 799 euros en remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013.

Article 4 : L'État versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme C... E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02583
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Texte applicable (dans le temps et dans l'espace).

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Calcul de la taxe - Franchise et décote.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS DUMAINE RODRIGUEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;18bx02583 ?
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