La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2020 | FRANCE | N°18BX02301

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 20 mai 2020, 18BX02301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurovia Poitou Charente Limousin a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'établissement public départemental Les deux Monts à lui verser les sommes de 14 237 euros HT, en paiement des travaux supplémentaires, et de 88 673,57 euros HT, en réparation du préjudice subi du fait du retard dans l'exécution des travaux, assorties des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013.

Par un jugement n° 1500867 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Poitier

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurovia Poitou Charente Limousin a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'établissement public départemental Les deux Monts à lui verser les sommes de 14 237 euros HT, en paiement des travaux supplémentaires, et de 88 673,57 euros HT, en réparation du préjudice subi du fait du retard dans l'exécution des travaux, assorties des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013.

Par un jugement n° 1500867 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, la société Eurovia Poitou Charentes Limousin, représentée par Me A... de la Marque, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 avril 2018 ;

2°) de condamner l'établissement public départemental Les deux Monts à lui verser les sommes de 14 237 euros HT, en paiement des travaux supplémentaires, et de 88 673,58 euros, en réparation du préjudice subi du fait du retard dans l'exécution des travaux, assorties des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public départemental Les Deux Monts la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a droit au paiement des travaux supplémentaires portant sur la réalisation d'une plateforme sous le bâtiment Alzheimer, qu'elle a réalisés de sa propre initiative et gracieusement afin de permettre l'exécution des travaux du lot " Fondations spéciales " ;

- alors que le déroulement du chantier était initialement planifié, pour le lot VRD, sur trois phases allant du 30 août 2006 au 17 octobre 2006, puis du 15 janvier 2007 au 30 janvier 2007 et enfin du 29 octobre 2007 au 11 décembre 2007, du fait du bouleversement du calendrier elle a dû en fait intervenir sur le site à 15 reprises sur une période allant de juillet 2006 à juillet 2010 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne justifiait pas de l'envoi d'un mémoire de réclamation, comme en atteste le courrier, le mémoire et l'avis de réception produits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2018, l'établissement public départemental Les Deux Monts, représenté par Me G..., demande à la cour :

- à titre principal, de rejeter la requête de la société Eurovia Poitou Charentes Limousin ;

- à titre subsidiaire, de condamner les sociétés SARL Gaussen et Phuc et TPF Ingénierie à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- de mettre à la charge de la ou les parties succombantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :

- la société requérante n'apporte pas la preuve de l'envoi d'une réclamation au maître d'oeuvre ;

- à supposer qu'Eurovia ait bien présenté une réclamation le 31 mai 2013 ou 3 juin 2013, une décision implicite de rejet est intervenue le 31 juillet 31 ou le 3 août 2013, et elle n'a pas saisi la personne responsable du marché d'une lettre contestant ce refus implicite en application de l'article 50.21 du CCAG Travaux ;

- enfin, le délai de six mois prévu par les stipulations de l'article 50.32 du CCAG n'a pas été respecté par l'entreprise ;

S'agissant des travaux supplémentaires :

- la carence alléguée dans la rédaction des documents techniques du marché, qui ne lui incombait pas, ne peut lui être imputée ;

- les travaux n'étaient pas indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

- le mémoire de réclamation ne mentionne d'ailleurs pas cette demande indemnitaire et ne porte que sur le surcoût de 88 673,57 euros lié à l'allongement des délais ;

- de plus, le devis de 14 237 euros HT n'a pas été signé par le maître d'oeuvre ou le maître d'ouvrage ;

- aucun ordre de service n'a été signé par le maître d'oeuvre conformément à l'article 2.5 du CCAG Travaux, et aucun avenant n'a été régularisé, alors que des avenants ont été régularisés avec la société Eurovia et notamment l'avenant n° 4 portant acceptation de travaux supplémentaires pour un montant de 8 104,30 euros et comportant une clause de renonciation ;

- il ne s'agissait pas de prestations nouvelles ni de sujétions imprévues, dès lors que l'article III.3.3 du CCTP prévoit la possibilité d'un traitement à la chaux des assises en cas de défaut de portance ;

S'agissant du retard du chantier,

- le titulaire d'un marché signataire d'un avenant comportant une clause de renonciation doit être regardé comme ayant renoncé à tous recours sur les éléments du décompte antérieurs à la signature de l'avenant ;

- le CCRA a fixé le préjudice de la société à la somme de 19 337,86 euros HT, et cela ne représente que 12,4 % du montant du marché, ce qui est insuffisant pour considérer qu'il y aurait un bouleversement de l'économie du contrat ;

- s'agissant du surcoût lié aux amenés et repris de matériel, le prolongement du chantier n'a pas modifié les interventions de l'entreprise mais les a simplement reportées dans le temps ;

- s'agissant des frais d'encadrement de chantier, la société n'apporte aucun élément permettant de justifier ces frais supplémentaires, et l'entreprise est intervenue durant le prolongement du chantier pour revenir sur des travaux mal réalisés ou non terminés, ce qui est de sa responsabilité ;

- s'agissant de la perte d'efficience due à la multiplication des allées et venues sur le site, l'entreprise n'apporte aucun élément permettant d'en justifier ;

- sur l'absence d'amortissement des frais généraux, la requérante affirme de manière péremptoire que les frais généraux sont " habituellement de 15 % pour un marché de cette nature " et n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations ;

- elle doit garder à sa charge 3,25 % des condamnations sur la base du pourcentage de responsabilité au titre des retards tel que retenu dans le premier rapport d'expertise.

S'agissant des appels en garanties dirigés contre la SARL Gaussen et Phuc et TPF Ingénierie venant aux droits de Beterem, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, les fautes de ce groupement sont à l'origine des retards.

Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2019, la société Gaussen et Phuc, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la société TPF Ingénierie venant aux droits de Beterem soit condamnée à la garantir de toute condamnation à son encontre. Elle demande également la condamnation de tout défaillant à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande devant les premiers juges était tardive, dès lors que la saisine du CCRA est suspensive est non interruptive du délai, et que, le CCRA ayant rendu son avis le 16 septembre 2014, la société n'a saisi les premiers juges que le 7 avril 2015 ;

- le caractère indispensable des travaux supplémentaires n'est pas démontré ;

- aucun retard ne lui est imputable.

Par un mémoire, enregistré le 11 octobre 2019, la société TPF Ingénierie, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, à ce que sa responsabilité n'excède pas 27,25 % des condamnations prononcées contre l'établissement public départemental Les Deux Monts et au rejet de l'appel en garantie de la société Gaussen et Phuc. Elle demande également la condamnation de la société Eurovia Poitou Charentes Limousin à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la société ne démontre pas avoir adressé de mémoire de réclamation au maître d'oeuvre ;

- elle n'a pas davantage transmis dans le délai de trois mois un mémoire complémentaire ;

- elle n'a pas respecté le délai de saisine du juge ;

- le caractère indispensable des travaux supplémentaires n'est pas démontré ;

- il convient d'appliquer la ventilation des responsabilités de l'expert.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. B... C...,

- et les observations de Me F..., représentant la société Gaussen et Phuc.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la restructuration et de l'extension d'un établissement d'hébergement des personnes âgées et dépendantes (EHPAD) situé à Montendre (Charente-Maritime), l'établissement public départemental Les Deux Monts, maître d'ouvrage, a confié à la société Eurovia Poitou Charentes Limousin, par marché à prix global et forfaitaire conclu le 30 mai 2006, l'exécution du lot n° 1 " Voirie et réseaux divers ". La réception a été prononcée le 21 décembre 2012 et, le 29 avril 2013, le maître d'ouvrage a notifié à la société le décompte général du marché. Cette dernière a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à ce que lui soient versées les sommes de 14 237 euros HT, en paiement des travaux supplémentaires, et de 88 673,587 euros HT en réparation du préjudice subi du fait du retard dans l'exécution des travaux. La société Eurovia Poitou Charentes Limousin relève appel du jugement du 11 avril 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de travaux en cause : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. Si les réserves sont partielles, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. ". Aux termes de l'article 13.45 du même cahier : " Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché ".

3. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché a été notifié à la société Eurovia Poitou Charentes Limousin le 2 mai 2013. Par courrier du 3 juin 2013, la société a fait connaître au maître d'ouvrage ses réserves et lui a notifié un mémoire de réclamation par recommandé avec avis de réception du 5 juin 2013. Ce mémoire de réclamation contenait les chefs et motifs de réclamation dont la société a par la suite saisi les premiers juges.

4. En second lieu, aux termes de l'article 50 de ce cahier des clauses administratives générales : " Règlement des différends et des litiges. / 50.1. Intervention de la personne responsable du marché : / 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur (...) l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. / 50.12. Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur. / 50.2. Intervention du maître de l'ouvrage : / 50.21. Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. / 50.22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. / 50.23. La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. / Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après. 50.3. Procédure contentieuse : / 50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. / 50.32. Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article. (...) ".

5. D'une part, les stipulations de l'article 50-21, qui ne visent que des réclamations préalablement transmises au maître d'oeuvre, ne s'appliquent que dans le cas de différends survenus entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur. Elles ne peuvent donc s'appliquer dans le cas, comme en l'espèce, d'un différend survenu lors de la procédure d'établissement du décompte général. Par suite, le moyen tiré de ce que, en l'absence du mémoire complémentaire prévu par ces stipulations, le décompte général était devenu définitif et la demande portée devant le tribunal administratif de Poitiers irrecevable, doit être écarté.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction que le mémoire de réclamation adressé par la société Eurovia Poitou Charentes Limousin au maître d'ouvrage a fait l'objet d'une décision implicite de rejet à l'issue du délai de trois mois institué par l'article 50.31 précité. Dès lors, en l'absence de décision expresse, la société Eurovia Poitou Charentes Limousin pouvait saisir sans condition de délais le tribunal administratif de Poitiers. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute d'intervenir dans le délai de six mois de l'article 50.32, la saisine du tribunal administratif était tardive, doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Eurovia Poitou Charentes Limousin est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Eurovia Poitou Charentes Limousin devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur les travaux supplémentaires :

9. Le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers du 28 octobre 2009, que la société Technitra, titulaire du lot n° 2 " Fondations spéciales ", qui devait réaliser les pieux avec un engin lourd, a demandé en février 2007 que la plateforme située devant l'un des bâtiments fût consolidée pour permettre le passage de ses engins. La société Eurovia Poitou Charentes Limousin a alors proposé, comme en atteste le compte rendu de chantier n° 33, rédigé à la suite de la réunion du 13 mars 2007, de traiter la plateforme à la chaux, et ce traitement a été réalisé à la fin du mois de mars 2007. Elle soutient qu'elle a droit au paiement de ces travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage.

11. Toutefois, les parties ont conclu, le 7 décembre 2009, un avenant au marché de travaux n° 4, ayant pour objet " la régularisation des travaux supplémentaires nécessaires au bon achèvement du chantier conformément au rapport explicatif du maître d'oeuvre " pour un montant de 8 104,30 euros HT, qui contenait une clause de renonciation à tout recours aux termes de laquelle : " Le titulaire du marché renonce à tout recours ultérieur et à toute action contentieuse pour tous faits antérieurs à la signature de l'avenant ". Dans ces conditions, la société Eurovia Poitou Charentes Limousin n'est pas recevable à solliciter le paiement des travaux supplémentaires antérieurs à cet avenant.

Sur l'allongement de la durée d'exécution du marché :

12. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

13. Toutefois, la société titulaire d'un marché public a droit à l'indemnisation intégrale des préjudices subis du fait de retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l'allongement de la durée du chantier lié à la réalisation de travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe.

14. Il résulte de l'instruction que le planning initial prévoyait l'intervention de la société Eurovia Poitou Charentes Limousin jusqu'au mois de décembre 2007, alors qu'elle a dû multiplier les interventions ponctuelles postérieurement à cette date, la dernière intervention sur le chantier ayant été réalisée au mois de novembre 2009, comme le précise l'avis du 16 septembre 2014 du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Bordeaux.

15. Toutefois, le marché en cause a fait l'objet des avenants n° 2 et n° 3, qui ont modifié le délai contractuel, et, ainsi qu'exposé au point 11, d'un avenant n° 4 de régularisation de travaux supplémentaires, signé le 7 décembre 2009, postérieurement à la dernière intervention de la société Eurovia Poitou Charentes Limousin, qui stipule que " Le titulaire du marché renonce à tout recours ultérieur et à toute action contentieuse pour tous faits antérieurs à la signature de l'avenant ". Dès lors, eu égard au caractère très général de cette clause de renonciation, la société appelante n'est pas recevable à demander à être indemnisée des retards dans l'exécution du marché.

16. Le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation à l'encontre de l'établissement public départemental Les deux Monts et des sociétés Gaussen et Phuc et TPF Ingénierie, leurs appels en garanties sont sans objet.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Eurovia Poitou Charentes Limousin doit être rejetée. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées sur le même fondement par l'établissement public départemental Les deux Monts, la société Gaussen et Phuc et la société TPF Ingénierie.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2018 est annulé.

Article 2 : La demande portée devant le tribunal administratif de Poitiers par la société Eurovia Poitou Charentes Limousin est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appels en garantie, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par l'établissement public départemental Les deux Monts, la société Gaussen et Phuc et la société TPF Ingénierie sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eurovia Poitou Charentes Limousin, l'établissement public départemental Les deux Monts, la société Gaussen et Phuc et la société TPF Ingénierie.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme H..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX02301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02301
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités - Travaux supplémentaires.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : PREVOST et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;18bx02301 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award