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19/05/2020 | FRANCE | N°18BX01609

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 19 mai 2020, 18BX01609


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner l'Etat à lui verser, la prime temporaire de mobilité ainsi qu'une somme de 160 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis depuis 2009.

Par un jugement n° 1600036 du 1er février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a condamné l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'indemnité temporaire de mobilité avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 2016 et a rejeté le surplus

de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner l'Etat à lui verser, la prime temporaire de mobilité ainsi qu'une somme de 160 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis depuis 2009.

Par un jugement n° 1600036 du 1er février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a condamné l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'indemnité temporaire de mobilité avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 2016 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 avril 2018, le 12 juillet 2019 et le 28 août 2019, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 1er février 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 160 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis depuis 2009 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son employeur a commis de nombreuses fautes à son encontre qui doivent être regardées comme constituant un harcèlement moral : absence de prise en compte de la fatigue engendrée par les trajets professionnels malgré les alertes par les certificats médicaux, retards dans la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident de trajet, atteinte à la liberté des cultes, fautes dans la gestion de sa carrière, fautes dans sa rémunération ;

- ses préjudices sont d'ordre matériel, financier, atteinte à son intégrité physique et moral pour un montant de 160 000 euros.

Par des mémoires, enregistrés le 15 juillet 2019 et le 30 août 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjointe administrative du ministère de l'équipement, a été affectée à compter du 1er octobre 2005 à la direction départementale de l'équipement à Cayenne. A la suite d'une réorganisation des services et de la suppression de son poste en 2009, elle a été affectée dans l'unité comptabilité centrale du secrétariat général à Cayenne, puis sur le poste d'instructeur gestionnaire des marchés. Après qu'elle a réussi des examens professionnels, Mme B..., devenue secrétaire administrative, a été affectée sur sa demande au poste de chargée d'opérations financières au service aménagement, urbanisme, construction, logement de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Guyane. Mme B... a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat, à lui verser l'indemnité temporaire de mobilité et la somme de 160 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis depuis 2009. Le tribunal a condamné l'Etat à lui verser l'indemnité temporaire de mobilité mais a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire. Mme B... relève appel de ce jugement du 1er février 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire.

2. Pour demander à la cour de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis, Mme B... fait valoir que son employeur a commis plusieurs fautes et qu'elle a été victime de harcèlement moral.

3. En premier lieu, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de la Guyane, si Mme B... fait valoir qu'aucune de ses demandes de mutation depuis 2005 pour Kourou, lieu de sa résidence familiale, n'a été satisfaite, et que cela a engendré une intense fatigue et conduit à un accident de trajet, toutefois la mobilité d'un fonctionnaire est subordonnée à une vacance de poste. Or il résulte de l'instruction qu'aucun poste correspondant à son grade n'a été vacant à Kourou depuis l'année 2005 au sein de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Guyane. En outre, et contrairement à ce que soutient la requérante, la décision du 24 juillet 2018 l'autorisant à exercer ses activités en télétravail 3 jours par semaine a été prise environ 1 mois après que le processus de mise en oeuvre de cette méthode de travail a été achevée par la formation des personnels du service des ressources humaines. Dès lors, l'administration n'a pas commis de faute sur ce point.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a initialement refusé de prendre en charge certaines dépenses supportées par Mme B... après le 24 juillet 2017 et consécutives à son accident de trajet du 19 juillet 2017 reconnu imputable au service. Cependant, par une nouvelle décision du 29 novembre 2018, l'administration est revenue sur son appréciation, notamment en reconnaissant le lien entre l'accident de service et ses congés jusqu'au 20 juillet 2018. En outre, le comportement de l'administration ne peut être regardé comme discriminatoire mais reposait sur le certificat médical du médecin traitant de l'intéressée déclarant son état de santé consolidé au 24 juillet 2017. Enfin, si Mme B... soutient également qu'elle a droit au remboursement de divers frais comprenant les frais de réparation de son véhicule accidenté, elle n'établit nullement la réalité des frais qu'elle aurait engagés à ce titre.

5. En troisième lieu, Mme B... soutient qu'elle a fait l'objet d'une décision de refus d'autorisation d'absence pour la célébration du " vendredi saint " qui porte atteinte à sa liberté de culte. Cependant, d'une part Mme B... n'établit pas avoir été empêchée de se rendre à une cérémonie religieuse compte tenu des circonstances qu'elle pouvait demander un congé et que son chef de service avait assoupli les horaires de présence obligatoire des agents ce jour de " vendredi saint ". D'autre part, si elle fait valoir qu'elle a subi une discrimination dès lors que les agents de confession orthodoxe ont bénéficié d'autorisations d'absence, elle ne l'établit pas alors en outre que les agents ne bénéficient pas d'un droit à l'octroi d'une telle autorisation, mais seulement d'une mesure de faveur lorsque celle-ci est compatible avec le fonctionnement normal du service. Dès lors, en lui refusant cette autorisation spéciale d'absence l'administration n'a pas commis de faute.

6. En quatrième lieu, Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas été rémunérée de la totalité de la période durant laquelle elle a effectué l'intérim sur son ancien poste de " Responsable des marchés publics " en méconnaissance de la note de gestion du 11 octobre 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Toutefois aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit l'attribution d'un complément indemnitaire spécifique pour tenir compte des sujétions liées à un intérim et le ministre auteur de la note de gestion du 11 octobre 2011 n'a pas pu régulièrement, en sa seule qualité de chef de service, permettre la rémunération spécifique et forfaitaire des intérims. Par suite, l'administration n'a pas commis de faute sur ce point.

7. En cinquième lieu, et ainsi que l'a jugé pertinemment le tribunal administratif de la Guyane, Mme B..., n'établit pas avoir subi une discrimination par la seule attribution d'un coefficient de prime de fonctions et de résultats et si le tribunal administratif de la Guyane, par un jugement du 10 novembre 2015, a annulé la précédente décision attributive d'un coefficient individuel en ce qui concerne l'indemnité d'administration et de technicité au titre de l'année 2014, ce jugement prévoyait seulement le réexamen de la situation de Mme B... et non l'attribution de ladite prime.

8. En sixième lieu, en se bornant à soutenir, sans plus de précision, que l'administration aurait commis des fautes dans la gestion de sa carrière, en retirant de son salaire une somme de 1 000 euros et en refusant de financer des formations à son profit, l'appelante n'assortit pas ces moyens des précisions utiles permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.

9. Enfin, en dernier lieu, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Il ressort de ce qui a été dit du point 3 au point 8 et de l'arrêt de ce jour n° 18BX01610 que l'administration n'a pas commis les fautes alléguées à l'encontre de Mme B..., à l'exception du refus de lui verser l'indemnité temporaire de mobilité pour lequel le tribunal administratif de la Guyane a condamné l'Etat, et de l'erreur manifeste d'appréciation dans la décision du 13 novembre 2015 relative à sa prime de fonctions et de résultats pour l'année 2015. Or ces éléments ne sont pas à eux seuls suffisants pour permettre de regarder comme au moins plausible le harcèlement moral dont elle se prétend victime de la part de son employeur.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane n'a pas fait droit au surplus de ses conclusions indemnitaires.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, au titre des frais non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mai 2020.

Le président,

Dominique NAVES

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01609
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET ADDEN BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-19;18bx01609 ?
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