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14/05/2020 | FRANCE | N°19BX04165

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19BX04165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... H... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 en tant que le préfet de l'Aveyron l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa dem

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Par un jugement n° 1901479 du 27 mai 2019, le magistrat désigné par le prés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... H... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 en tant que le préfet de l'Aveyron l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n° 1901479 du 27 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2019 du magistrat désigné par le président tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 2 000 euros à verser à

Me A..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant G... ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2020, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York

le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... H... D..., ressortissante nigériane née le 10 avril 1990, est entrée sur le territoire français le 10 décembre 2016. Le 18 août 2017, elle a sollicité l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 6 avril 2018, confirmée le 12 février 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté en date du 22 février 2019, le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Mme D... relève appel du jugement du 27 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme D..., née en 1990 et entrée en France à l'âge de 26 ans, pouvait seulement se prévaloir d'une durée de résidence en France d'un peu plus de deux ans. Mme D... ne fait valoir par ailleurs aucune autre attache sur le sol français que sa fille F..., née le 10 janvier 2018, et déclare ne plus avoir de relations avec le père de celle-ci. Si la requérante soutient qu'elle encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne produit, en tout état de cause, aucun élément pour établir ces allégations, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a d'ailleurs estimées dans sa décision du 6 avril 2018 peu circonstanciées et peu plausibles. Enfin, si elle fait valoir qu'elle a engagé à l'encontre du père de sa fille, qui serait de nationalité française, une procédure en recherche de paternité devant le tribunal de grande instance de Rodez, cette action a été introduite le 15 mars 2019, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué, et ne fait pas obstacle à son retour en France selon une procédure régulière pour les besoins de la procédure ou à ce qu'elle se fasse représenter le cas échéant. En outre, Mme D... produit à l'appui de sa requête une copie d'un jugement du tribunal de grande instance de Rodez du 13 septembre 2019 ordonnant la réalisation sous trois mois d'une expertise biologique aux fins d'établir la filiation de la jeune F... et renvoyant à une audience de mise en état fixée au 9 janvier 2020, et ne soutient pas que ces opérations n'auraient pas été réalisées. Dès lors, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne fait pas par elle-même obstacle à la poursuite de l'action en reconnaissance de paternité initiée par Mme D... et n'a donc ni pour objet ni pour effet de l'empêcher d'établir la filiation de sa fille. Par ailleurs, si Mme D... invoque les risques pesant sur l'intégrité physique de celle-ci eu égard aux pratiques de mutilation génitale féminine au Nigeria, elle n'apporte en tout état de cause aucun élément à l'appui de ces déclarations. Enfin, la décision attaquée n'emporte pas séparation de Mme D... de sa fille, laquelle a vocation à la suivre, et ne ferait pas obstacle le cas échéant à ce qu'un titre de séjour lui soit délivré en qualité de parent d'enfant français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

5. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision serait privée de base légale doit être écarté.

6. Mme D... n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles elle serait susceptible de faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Nigéria, lesquelles, au surplus, ainsi qu'il a été dit, n'ont pas été jugées plausibles par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans sa décision du 6 avril 2018, qui a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 février 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... H... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. B... E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04165
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;19bx04165 ?
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