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12/05/2020 | FRANCE | N°19BX04141

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 12 mai 2020, 19BX04141


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté

du 14 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre

de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1901785 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif

de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

ée le 21 octobre 2019 et un mémoire enregistré

le 19 février 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté

du 14 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre

de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1901785 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif

de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2019 et un mémoire enregistré

le 19 février 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte

de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme

de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la légalité externe :

- les décisions sont insuffisamment motivées ;

- les analyses par la cellule fraude documentaire des deux extraits d'acte de naissance qu'il a produits ne démontrent pas que ces documents auraient été falsifiés ; le consulat général du Mali à Paris a légalisé le second extrait le 8 juin 2017 ; il produit un passeport biométrique dont l'authenticité n'a pas été remise en question, lequel fait foi en vertu des dispositions de l'article 47 du code civil ; le test osseux, examen dont la fiabilité est contestée, doit être écarté des débats et ne suffit pas à contredire l'état civil figurant sur le passeport biométrique ; ainsi, en l'absence de saisine des autorités maliennes en vue d'établir le caractère frauduleux des actes d'état civil, la procédure est viciée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit en estimant que les documents produits ne permettaient pas d'établir son identité ;

- le motif selon lequel il n'établirait pas être entré en France durant sa minorité est entaché d'erreur de fait ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il prépare un CAP de commercialisation et services en hôtel-café-restaurant, qu'il a un contrat d'apprentissage comme aide cuisinier, et qu'il n'a par ailleurs plus de lien avec sa famille restée au Mali ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi ;

- elle est insuffisamment motivée et privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il faut valoir que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 9 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., de nationalité malienne, né le 10 juin 1999, est entré en France

le 10 février 2016 et a été placé en urgence auprès de l'aide sociale à l'enfance de la Haute-Garonne. L'extrait d'acte de naissance qu'il avait présenté ayant été considéré comme une contrefaçon, le procureur de la République a sollicité un examen osseux, réalisé

le 18 février 2016. Le rapport de cet examen conclut aux probabilités de 10 % pour un âge compris entre 17 et 19 ans, de 43 % pour un âge compris entre 18 et 19 ans, et de 47 % pour un âge d'au moins 19 ans. Le 3 mars 2016, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Toulouse a décidé qu'il n'y avait pas lieu à assistance éducative. Toutefois, par un arrêt

du 17 juin 2016, la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Toulouse a annulé cette décision au motif que l'examen osseux ne permettait pas d'exclure la minorité, et a maintenu l'intéressé en assistance éducative jusqu'au 9 juin 2017. Le 10 juin 2017, M. E... a fait l'objet d'une mesure d'accueil en qualité de jeune majeur jusqu'au 19 juin 2018, prolongée en dernier lieu jusqu'au 10 avril 2020. Le 19 mai 2018, il a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant d'un contrat d'apprentissage en qualité de cuisinier sous couvert d'une autorisation de travail validée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par un arrêté du 14 février 2019, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, lui a refusé toute régularisation, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 18 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Il ressort de la rédaction de la décision contestée que, pour refuser de délivrer

à M. E... le titre de séjour sollicité et lui refuser toute régularisation, le préfet a examiné la situation de l'intéressé, qu'il désigne comme " X se disant M. A... E... ", en partant du postulat que sa demande présentait un caractère frauduleux dès lors qu'il ne justifiait ni de son identité, ni de son âge. En produisant pour la première fois en appel la copie du passeport biométrique qui lui a été délivré le 22 mars 2019 par les autorités maliennes, le requérant établit la réalité de l'identité et de la date de naissance dont il s'est constamment prévalu. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. E... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur des faits matériellement inexacts pour refuser de lui délivrer un titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ce motif déterminant.

3. L'illégalité de la décision de refus de titre de séjour du 14 février 2019 entraîne,

par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, prises sur son fondement.

4. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation

du jugement du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande.

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...). " Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / (...). " Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " Eu égard à la nature de l'illégalité entachant la décision de refus de titre de séjour, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. E... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me D..., sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1901785 du

18 septembre 2019 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 février 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M E... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification

du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 200 euros au titre des dispositions

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au préfet de la Haute-Garonne

et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme B... C..., présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mai 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04141


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04141
Date de la décision : 12/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-12;19bx04141 ?
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