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16/03/2020 | FRANCE | N°18BX01119,18BX01128,18BX01140

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 mars 2020, 18BX01119,18BX01128,18BX01140


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. H... a demandé au tribunal administratif de Pau, par deux requêtes distinctes, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 juin 2016 par lequel le ministre de l'intérieur et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ont prononcé sa révocation et, d'autre part, les articles 2, 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 par lesquels ces mêmes autorités ont prononcé sa mise à la retraite d'office, sa radiation des cadres et la pert

e de la qualité de fonctionnaire à compter du 1er juillet 2016.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. H... a demandé au tribunal administratif de Pau, par deux requêtes distinctes, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 juin 2016 par lequel le ministre de l'intérieur et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ont prononcé sa révocation et, d'autre part, les articles 2, 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 par lesquels ces mêmes autorités ont prononcé sa mise à la retraite d'office, sa radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire à compter du 1er juillet 2016.

Par un jugement n°s 1601543,1703858 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Pau a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2016, a annulé les articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'ils sont rétroactifs et a rejeté le surplus de la demande de M. H...

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018 sous le n°18BX01119, le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées Atlantiques, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Pau du 19 janvier 2018 ;

2°) de mettre à la charge de M. H... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs en considérant que l'article 1er de l'arrêté pouvait rétroagir sur la situation de M. H... mais que cela n'était pas possible pour les articles 3 et 4 de cet arrêté. Le jugement est insuffisamment motivé à ce titre ;

- l'autorité disciplinaire est tenue de suivre l'avis du conseil de discipline de recours et doit donc substituer à la sanction initiale la sanction proposée par le conseil, laquelle s'applique à la date d'effet de la sanction initiale. Cette sanction s'applique donc rétroactivement. Par ailleurs, la jurisprudence prévoit que l'administration peut conférer à ses décisions une portée rétroactive pour assurer la continuité de carrière d'un agent ou procéder à la régularisation de sa situation. En l'espèce, M. H... a fait l'objet d'une mesure de révocation par arrêté du 27 juin 2016 prenant effet au 1er juillet 2016. Le conseil de discipline de recours national a proposé la mise à la retraite d'office. Il résulte de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 qu'il était tenu de rapporter la sanction initiale qui était plus sévère. La nouvelle sanction, en tant que mesure de régularisation se substitue à la sanction initiale et peut-être prononcée rétroactivement. C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu la méconnaissance du principe de non-rétroactivité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2019, M. A... H..., représenté par Me E..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'appel est irrecevable en l'absence de justificatif de la qualité pour agir du président du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ;

- l'appelant ne justifie pas de son intérêt pour agir dès lors qu'il ressort des écritures du service départemental d'incendie et de secours dans le dossier n° 18BX01128 que la non rétroactivité de l'arrêté du 21 décembre 2016 le favoriserait financièrement ;

- les moyens invoqués par le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 octobre 2019 à midi.

II. Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018 sous le n° 18BX01128, le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées Atlantiques, représenté par Me G..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de l'article 2 du jugement n° 1601543,17003858 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Pau.

Il soutient que :

- qu'eu égard aux moyens invoqués dans l'instance n° 18BX01119, la condition des moyens sérieux prévue à l'article R. 811-15 du code de justice administrative est satisfaite ;

- la suspension de l'exécution de cet article du jugement attaqué devrait aboutir à une réduction des sommes perçues par M. H... sur le fondement des articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 car le montant de l'allocation de retour à l'emploi perçue est supérieur à l'indemnité de coordination qu'il percevait lors de sa mise en disponibilité d'office. Dès lors, l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué se traduira par une demande de remboursement du trop perçu. Cet article porte donc atteinte aux droits de M. H... et expose le service départemental d'incendie et de secours à difficultés matérielles pour régulariser la situation de ce dernier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2019, M. A... H..., représenté par Me E..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'appel est irrecevable en l'absence de justificatif de la qualité pour agir du président du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ;

- les conditions prévues par l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne sont pas réunies en l'absence de moyens sérieux.

Par ordonnance du 10 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 octobre 2019 à midi.

III. Par une requête enregistrée le 19 mars 2018 sous le n° 18BX01140, M. H..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Pau du 19 janvier 2018 en tant qu'il a limité l'annulation des articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 du décembre 2016 à leur effet rétroactif ;

2°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

3°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 du ministre de l'intérieur et du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ;

4°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- eu égard aux prescriptions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé faute d'indiquer les griefs retenus à son encontre ;

- le lieutenant-colonel Iriart a été entendu par le conseil de discipline en présence de son supérieur hiérarchique et du lieutenant en charge des ressources humaines en méconnaissance de l'article 9 du décret du 18 septembre 1989. Cette irrégularité, qui l'a privé d'une garantie, s'est reproduite devant le conseil de discipline de recours national qui a en outre appelé deux témoins à témoigner conjointement ;

- il n'est pas établi qu'il aurait délibérément et de façon répété eu un comportement fautif entraînant une souffrance particulière au travail. L'exactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- la sanction infligée est disproportionnée au regard des griefs invoqués. Il n'y a aucun précédent disciplinaire et ses états de service sont excellents. La sanction ne tient pas davantage compte du contexte dans lequel il a dû exercer ses fonctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2018, le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques, représenté par Me G... conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. H... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2019, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 10 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 octobre 2019 à midi.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... B...,

- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., directeur départemental adjoint du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques depuis le 1er octobre 2007, a fait l'objet d'une condamnation pour harcèlement moral par le tribunal correctionnel de Pau le 7 novembre 2013 confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Pau du 27 novembre 2014 puis par une décision de la Cour de cassation du 28 mars 2017. Concomitamment à l'arrêt de la cour d'appel, le service départemental d'incendie et de secours a diligenté en novembre 2014 une enquête administrative concernant M. H.... Au terme de cette enquête, une procédure disciplinaire a été enclenchée pour des agissements répétés et délibérés ayant entraîné une souffrance particulière au travail de plusieurs collègues. A l'issue de cette procédure disciplinaire, et conformément à l'avis émis par le conseil de discipline du 27 mai 2016, le ministre de l'intérieur et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ont, par un arrêté du même jour, prononcé la révocation de M. H... au 1er juillet 2016. A la suite du recours formé par ce dernier contre l'avis du conseil de discipline, le conseil de discipline de recours national a, par un avis du 14 octobre 2016, proposé de retenir la sanction de mise à la retraite d'office. En conséquence, le ministre de l'intérieur et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ont, par un arrêté du 21 décembre 2016, retiré l'arrêté du 27 juin 2016 (article 1er), prononcé la mise à la retraite d'office de M. H... au 1er juillet 2016 (articles 2 et 3) et l'ont radié des cadres à cette même date (article 4). M. H... ayant sollicité devant le tribunal administratif de Pau l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2016 et des articles 2, 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016, le tribunal a joint ces requêtes et, par un jugement du 19 janvier 2018, a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer ses les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2016, a annulé les articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'ils sont rétroactifs et a rejeté le surplus des conclusions de M. H.... Par une première requête, enregistrée sous le n° 18BX01119, le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques sollicite la réformation de ce jugement en tant qu'il a annulé les articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'ils sont rétroactifs. Par une deuxième requête, enregistrée sous le n° 18BX01128, le service départemental d'incendie et de secours sollicite le sursis à exécution de l'article 2 du jugement en vertu duquel sont annulés les articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'ils sont rétroactifs. Par une troisième requête, M. H... sollicite l'annulation des articles 2 et 3 de ce jugement en tant qu'ils n'ont pas accueilli intégralement sa demande tendant à l'annulation des articles 2, 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les n°s 18BX01119, 18BX01128 et 18BX01140 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 18BX01140 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction ". L'article L. 211-5 de ce code précise que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

4. Si M. H... soutient que l'arrêté litigieux ne précise pas les griefs qu'il entend retenir à son encontre, cet arrêté indique qu'il lui est reproché " d'avoir eu de manière répétée, délibérée et s'inscrivant dans la durée (depuis son arrivée au SDIS des Pyrénées-Atlantiques au travers de multiples témoignages inscrits dans l'enquête administrative apportant des éléments factuels) des agissements dirigés vers un ou plusieurs collègues de même rang hiérarchique ou subalternes ayant entraîné une souffrance particulière au travail (départs d'agents de l'établissement, remise en cause de compétences professionnelles, surveillance excessive par la sollicitation de rapports fréquents sur des tâches secondaires, menace de sanction disciplinaire injustifiée...) " et " d'avoir manqué de loyauté et de fidélité envers sa hiérarchie (...) en exprimant notamment en réunion sa défiance à l'égard de son supérieur hiérarchique, en ne respectant pas le circuit décisionnel ou encore en adoptant une attitude incorrecte lors de manifestations publiques ". L'arrêté en litige expose ainsi les griefs retenus à l'encontre de M. H... de manière suffisamment circonstanciée pour le mettre à même de déterminer les faits que l'autorité disciplinaire entend lui reprocher. Cette décision est suffisamment motivée alors même qu'elle ne mentionne ni le nom des personnes en cause ni les dates des faits. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 18 septembre 1989 : " (...) Le conseil de discipline entend séparément chaque témoin cité. Toutefois, le président peut décider de procéder à une confrontation des témoins (...) Les parties ou, le cas échéant, leurs conseils peuvent, à tout moment de la séance, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales ; ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. ". Aux termes de l'article 27 de ce décret applicable au conseil de discipline de recours : " Après l'audition de l'autorité territoriale, du requérant et de toute autre personne que le président aura jugé nécessaire de faire entendre, le conseil de discipline de recours délibère à huis clos, hors la présence du fonctionnaire poursuivi, de son ou de ses conseils et des témoins (...) ".

6. Les circonstances qu'un témoin a été entendu en présence de son supérieur hiérarchique et d'un collègue et que deux autres témoins n'aient pas été entendus séparément devant le conseil de discipline n'est pas, par lui-même, de nature à vicier la procédure devant le conseil de discipline dès lors que M. H... ne soutient pas que lui-même ou son conseil n'ont pas été mis en mesure d'exprimer leur position sur chacun de ces témoignages. En outre, si le requérant soutient également que deux témoins n'ont pas été entendus séparément devant le conseil de discipline de recours national, cette circonstance n'est pas, par elle-même de nature à vicier la procédure dès lors que le requérant ne soutient pas davantage que lui-même ou son conseil n'ont pas été mis en mesure d'exprimer leur position sur chacun de ces témoignages.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité (...) ". L'article 28 de cette même loi précise : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. ". L'article 29 de cette loi ajoute : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. D'une part, les faits reprochés à M. H... ont été énoncés au point 4. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, " le service départemental d'incendie de secours des Pyrénées-Atlantiques a diligenté une enquête administrative ayant permis de réunir près de trente témoignages de collègues, précis et concordants, desquels il ressort que M. H... tenait régulièrement à leur égard des propos dégradants et menaçants ". Les premiers juges ont également relevé " qu'il ressort, par ailleurs des pièces du dossier que le requérant a régulièrement contesté en public les décisions de son supérieur hiérarchique et contourné le circuit décisionnel classique afin de l'évincer " en précisant "qu'aucun élément du dossier ne permet de remettre en doute la véracité des témoignages recueillis, et alors que l'intéressé se borne à contester l'impartialité des auteurs de l'arrêté litigieux, ce faisant, il ne contredit pas sérieusement les éléments probants qui résultent tant de l'enquête administrative, des rapports hiérarchiques, que de l'avis du conseil disciplinaire de recours " pour en conclure que " l'exactitude matérielle des faits reprochés au requérant doit être regardée comme établie " et que "ces faits sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ". En appel, M. H... reprend, sans invoquer d'élément de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer sérieusement la réponse apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs précités retenus à bon droit par les premiers juges.

9. D'autre part, comme indiqué au point précédent, les faits reprochés à M. H... constituent des fautes de nature à justifier une sanction. Eu égard aux fonctions de directeur adjoint de l'intéressé et aux responsabilités qui s'attachent à l'exercice de celles-ci, à la gravité des fautes, au caractère répété de certaines d'entre elles et à la durée pendant laquelle elles ont été commises entre 2007 et 2014, le ministre de l'intérieur et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques n'ont pas prononcé à l'encontre de M. H..., qui était alors âgé de quarante-huit ans, une sanction disproportionnée en décidant de le mettre à la retraite d'office nonobstant de bons états de service jusqu'en 2010 et le climat conflictuel au sein du service.

10. Il résulte de ce qui précède que M. M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a limité l'annulation des articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'ils sont rétroactifs et a rejeté sa demande d'annulation de l'article 2 de ce même arrêté.

Sur la requête n° 18BX01119 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

11. En premier lieu, le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs en estimant que l'article 1er de l'arrêté du 21 décembre 2016 pouvait rétroagir et en censurant les articles 3 et 4 de ce même arrêté en raison de leur rétroactivité. Toutefois, d'une part, la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité et, d'autre part, la contradiction alléguée manque en fait dès lors que les premiers juges ont précisé que la sanction, retranscrite dans les articles 3 et 4 de l'arrêté litigieux n'est pas une mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière ou procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé à la suite d'une annulation contentieuse et qu'ils ne se sont nullement prononcés sur la légalité de la rétroactivité de l'article 1er de l'arrêté, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des décisions administratives n'étant invoqué qu'à l'encontre des articles 3 et 4 de l'arrêté.

12. En second lieu, le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques invoque l'insuffisante motivation du jugement attaqué en se prévalant de la contradiction de motifs évoquée au point précédent. Cependant, une critique du bien-fondé d'un jugement est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

13. Pour annuler les articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'ils sont rétroactifs, le tribunal administratif de Pau a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratif au motif que ces articles prévoyaient que la mise à la retraite d'office et la radiation des cadres prenaient effet au 1er juillet 2016.

14. Aux termes de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 alors en vigueur : " L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours. ".

15. D'une part, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut déroger à cette règle générale en leur conférant une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.

16. D'autre part, une sanction disciplinaire ne peut prendre effet à une date antérieure à la notification de la décision qui la prononce.

17. Comme évoqué au point 1, le conseil de discipline de recours national a proposé le 14 octobre 2016 de substituer à la sanction de révocation la sanction de mise à la retraite d'office. Or le ministre de l'intérieur et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques avaient prononcé, par un arrêté du 27 juin 2016, la révocation de M. H... au 1er juillet 2016. Il résulte de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 que ces autorités étaient tenues de rapporter leur décision initiale et d'y substituer une sanction d'une gravité au plus égale à celle de la sanction proposée par le conseil de discipline de recours national. En revanche, et contrairement à ce que semble soutenir le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques, la rétroactivité de la mise à la retraite d'office et de la radiation des cadres, prévues respectivement aux articles 3 et 4 de l'arrêté, ne constituait ni une nécessité pour assurer la continuité de la carrière de M. H... ou pour procéder à la régularisation de sa situation ni une obligation. Au contraire, il résulte de ce qui est énoncé au point 16 qu'une sanction disciplinaire ne peut rétroagir. Dès lors, en prévoyant une prise d'effet au 1er juillet 2016 pour la mise à la retraite d'office et la radiation des cadres de M. H..., les articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016, prennent effet à une date antérieure à celle de la notification de l'arrêté et méconnaissent ainsi le principe de non-rétroactivité des décisions administratives.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par M. H..., que le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé les articles 3 et 4 de l'arrêté du 21 décembre 2016 en tant qu'ils sont rétroactifs.

Sur la requête n° 18BX01128 :

19. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions à fin de réformation du jugement attaqué, les conclusions à fin de sursis à exécution de l'article 2 de ce jugement ont perdu leur objet.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter tant la demande de M. H... que celle du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18BX01128 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'article 2 du jugement n°s 1601543, 17003858 du tribunal administratif de Pau.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques, à M. A... H... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. F... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2020.

Le rapporteur,

Paul-André B...

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 18BX01119, 18BX01128, 18BX01140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01119,18BX01128,18BX01140
Date de la décision : 16/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Rétroactivité - Rétroactivité illégale.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SELARL GB2A

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-16;18bx01119.18bx01128.18bx01140 ?
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