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12/03/2020 | FRANCE | N°18BX01703

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 12 mars 2020, 18BX01703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Marcel Cantelaube a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de condamner solidairement la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat, CRX Consultants et Eiffage Energie Thermie à lui verser une somme de 24 630,67 euros en réparation des désordres entachant les travaux de restructuration de ses locaux, de condamner s

olidairement les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat et E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Marcel Cantelaube a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de condamner solidairement la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat, CRX Consultants et Eiffage Energie Thermie à lui verser une somme de 24 630,67 euros en réparation des désordres entachant les travaux de restructuration de ses locaux, de condamner solidairement les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat et Eiffage Energie Thermie à lui verser la somme de 32 084,28 euros au même titre et de mettre à la charge solidaire des sociétés SMABTP, D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat, CRX Consultants et Eiffage Energie Thermie la somme de 11 077,36 euros au titre des frais de conseil et d'assistance juridique pendant les opérations d'expertise.

Par un jugement n° 1602410 du 19 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a solidairement condamné les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat, CRX Consultants et Eiffage Energie Thermie à verser à l'EHPAD Marcel Cantelaube les sommes de 1 412,40 et 11 617,54 euros en réparation des désordres affectant la ventilation du local déchet ainsi que la chaudière à condensation et a solidairement condamné les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat et Eiffage Energie Thermie à verser à l'EHPAD Marcel Cantelaube la somme de 28 968,68 euros en réparation des désordres affectant l'installation solaire. Le tribunal a également fait partiellement droit aux appels en garanties réciproque formés par les constructeurs.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 B... 2018, la société D'Architecture Coq et Lefrancq, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mars 2018 ;

2°) subsidiairement, de réformer ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser l'EHPAD Marcel Cantelaube ;

3°) très subsidiairement, de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné les sociétés Intech Ingebat, CRX Consultants et Eiffage Energie Thermie à la garantir et relever intégralement indemne des condamnations prononcées à son encontre.

Elle soutient que :

- l'hygrométrie anormalement élevée en salle de préparation froide, le défaut de ventilation du local déchet et les dysfonctionnements affectant l'installation solaire sont imputables aux seules sociétés Intech Ingebat et Eiffage Energie Thermie ;

- les désordres affectant la chaudière à condensation sont imputables à la seule société Eiffage Energie Thermie ;

- elle n'a pas manqué à son obligation de conseil lors des opérations de réception des ouvrages ;

- c'est à juste titre que le tribunal a réduit à de plus justes proportions le montant des demandes de l'EHPAD.

Par deux mémoires, enregistrés les 5 juillet 2018 et 15 novembre 2019, la société Eiffage Energie Thermie Sud Ouest, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans les désordres constatés ;

2°) subsidiairement, de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné l'EPHAD ainsi que les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat à la garantir et relever indemne des condamnations prononcées à son encontre au titre de l'hygrométrie anormalement élevée en salle de préparation froide et du défaut de ventilation du local déchet, en tant qu'il n'a pas condamné les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat à la garantir et relever indemne des condamnations prononcées à son encontre au titre des dysfonctionnements affectant la chaudière à condensation et l'installation solaire ;

3°) très subsidiairement, de limiter sa responsabilité à 10 % du montant des dommages ;

4°) en tout état de cause, d'ordonner la restitution des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement attaqué et de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- l'hygrométrie anormalement élevée en salle de préparation froide et les dysfonctionnements affectant l'installation solaire sont entièrement imputables à la société Intech Ingebat et au maître de l'ouvrage tandis qu'il ne lui appartenait pas d'alerter la maîtrise d'oeuvre sur ce point ;

- les désordres affectant la chaudière à condensation n'engagent la responsabilité que de la société Intech Ingebat et du maître de l'ouvrage dès lors que la maîtrise d'oeuvre a validé la conception de la chaudière ; qu'en outre, les désordres l'affectant étaient visibles et ont d'ailleurs fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage.

Par un mémoire, enregistré le 21 août 2018, la SMABTP, représentée par Me J..., demande à la cour de constater qu'aucune demande n'est présentée à son encontre, subsidiairement de rejeter d'éventuelles demandes dirigées à son encontre, très subsidiairement de condamner les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat, CRX Consultants et Eiffage Energie Thermie à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la société D'Architecture Coq et Lefrancq une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient qu'en sa qualité d'assureur " dommage-ouvrage ", elle n'a d'obligations ni au regard de la garantie décennale des constructeurs ni au regard d'une quelconque garantie contractuelle et que les garanties souscrites auprès d'elle n'ont plus d'objet dès lors que la cause des dommages est connue.

Par un mémoire, enregistré le 27 décembre 2018, la société Intech Ingebat, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à indemniser l'EHPAD des préjudices résultant des désordres qui ont affecté le fonctionnement de la chaudière à condensation et de l'installation solaire ;

2°) subsidiairement, de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné les sociétés Eiffage Energie Thermie, CRX Consultants et D'Architecture Coq et Lefrancq à la garantir et relever indemne des condamnations prononcées à son encontre au titre des dysfonctionnements affectant la chaudière à condensation et l'installation solaire ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- l'hygrométrie anormalement élevée en salle de préparation froide ne caractérise pas un désordre de nature décennale ;

- les désordres affectant la chaudière et l'installation solaire ne sont imputables qu'à la société Eiffage Energie Thermie ;

- aucun désordre n'affecte plus l'installation solaire depuis la mise en place d'un désurchauffeur ;

- elle s'en remet à l'appréciation du tribunal concernant la répartition des responsabilités dans la surchauffe affectant l'installation solaire.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 juin 2018 et 9 septembre 2019, l'EPHAD Marcel Cantelaube, représenté par Me F..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête ainsi que des appels incidents présentés par les sociétés Intech Ingebat et Eiffage Energie Thermie et à ce qu'une somme de 3 000 euros, chacune, soit mise à la charge des sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat et Eiffage Energie au titre des frais qu'il a exposés pour l'instance.

Il soutient que les moyens invoqués par les sociétés appelantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... I...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant l'EPHAD Marcel Cantelaube , de Me B..., représentant la société Intech Ingebat, et de Me A..., représentant la société Eiffage Energie Thermie Sud Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. L'EHPAD Marcel Cantelaube a confié en 2007 la conduite d'opération du marché de restructuration, d'extension et de mise en sécurité de la maison de retraite de Salignac-Eyvigues (Dordogne) à la société CRX Consultants et la maîtrise d'oeuvre de ce marché à un groupement solidaire composé des sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat. L'EHPAD a, par ailleurs, attribué les lots n° 17 " chauffage/ventilation " et n° 18 " plomberie équipement sanitaire " de ce marché à la société Forclim, devenue Eiffage Energie Thermie. L'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux à la demande de l'EHPAD a déposé son rapport le 17 décembre 2015. La société D'Architecture Coq et Lefrancq demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mars 2018, subsidiairement de le réformer en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans les désordres affectant la maison de retraite de Salignac et n'a que partiellement fait droit à ses appels en garantie. Par la voie de l'appel incident, les sociétés Intech Ingebat et Eiffage Energie Thermie Sud Ouest demandent également à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a retenu leurs responsabilités dans les désordres affectant cette maison de retraite et n'a pas entièrement fait droit à leurs appels en garantie.

Sur la responsabilité des constructeurs :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

3. Par ailleurs, en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

4. En premier lieu, le tribunal a considéré que les désordres affectant la chaudière à condensation, la ventilation du local de stockage des déchets et l'installation solaire rendent l'ouvrage impropre à sa destination et les parties ne contestent plus que ces désordres sont effectivement de nature à engager la responsabilité des constructeurs concernés au titre de la garantie décennale.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier, du rapport d'expertise, d'une part, que les désordres affectant la chaudière ont été causés par un raccordement de la cuve à fioul aux brûleurs qui n'était pas conforme aux prescriptions du constructeur et par un système d'évacuation des fumées à condensation qui n'était pas conforme aux normes en vigueur, d'autre part, que ces manquements aux règles de l'art n'étaient pas au nombre des réserves dont la réception des travaux concernant cette chaudière a été assortie. Par suite, la société Eiffage Energie Thermie, qui a procédé à ce raccordement de la cuve à fioul et à la réalisation de ce système d'évacuation des fumées, n'est fondée à soutenir ni que les désordres affectant cette chaudière étaient apparents en se bornant à se prévaloir de ces réserves ni que ces désordres ne lui seraient pas imputables. Par ailleurs, il appartenait aux membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre de s'assurer de la conformité des travaux réalisés sous leur direction. Par suite, les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat ne peuvent pas utilement soutenir que les désordres affectant la chaudière à condensation ne sont imputables qu'aux manquements commis par la société Eiffage Energie Thermie.

6. En troisième lieu, il résulte également de l'instruction qu'aucun système de ventilation propre au local de stockage des déchets n'a été mis en place et que la ventilation de ce local s'effectue par détalonnage de la porte extérieure via l'extraction de la cuisine, l'air passant ainsi du local de stockage des déchets vers la salle de préparation chaude en méconnaissance les règles applicables en matière d'hygiène, ce qui permet, par ailleurs, à des nuisibles de pénétrer dans ce local de stockage. Si la société D'Architecture Coq et Lefrancq soutient que la société Intech Ingebat était seule responsable de la conception de ce système de ventilation, elle n'établit ni que l'erreur de conception affectant ce dernier serait imputable aux seules études d'exécution relatives à la ventilation de la salle de préparation chaude ni, au demeurant, que la méconnaissance par ces études des règles d'hygiène élémentaires pouvait échapper, dans le cadre de la mission VISA, à un maître d'oeuvre normalement diligent alors qu'il est constant que ces deux sociétés sont membres d'un groupement solidaire et qu'il ressort uniquement de la répartition des honoraires annexée à l'acte d'engagement liant les membres de ce groupement de maîtrise d'oeuvre au maître de l'ouvrage que la société D'Architecture Coq et Lefrancq n'a pas participé aux études d'exécution (mission EXE) mais était en charge de leur contrôle (mission VISA). Dans ces conditions, la société D'Architecture Coq et Lefrancq n'est pas fondée à soutenir que la survenue des désordres affectant la ventilation du local de stockage ne lui serait pas imputable. De même, la société Eiffage Energie Thermie n'est pas fondée à soutenir que ces désordres ne lui sont pas imputables dès lors qu'elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de titulaire du lot chauffage-ventilation, que le dispositif de ventilation était manifestement inadapté et qu'il lui appartenait, au titre de son obligation de conseil, d'en alerter le maître d'ouvrage.

7. En quatrième lieu, il résulte également de l'instruction, qu'eu égard aux normes en vigueur à la date de réalisation des travaux, l'installation solaire n'apparaissait par surdimensionnée compte tenu de la taille du bâtiment et du nombre de ses utilisateurs et qu'elle a, par ailleurs, été réalisée dans les règles de l'art. Dans ces conditions, la société Eiffage Energie Thermie, dont il n'est ni établi ni soutenu qu'elle aurait eu connaissance de la faiblesse de la consommation réelle d'eau chaude au sein de l'établissement et à qui il n'appartenait pas de vérifier la pertinence des notes de calcul réalisées par le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre, est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant d'émettre des réserves sur la dimension de l'installation et que les désordres affectant cette installation lui étaient dès lors imputables. Par suite, elle est également fondée à demander que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il l'a condamnée à indemniser l'EHPAD des préjudices en découlant.

Sur le montant des dommages :

8. La société Intech Ingebat soutient que la mise en place d'un désurchauffeur a permis de résoudre les désordres affectant l'installation solaire. Toutefois, elle ne conteste ni que les surchauffes ayant affecté l'installation au cours de l'été 2013 l'ont endommagée et que son fonctionnement en est dégradé ni que le montant des travaux de remise en état (vidange, nettoyage du circuit, remplacement des pompes solaires, remplissage avec du fluide solaire, mise en service et équilibrage) s'élève à la somme de 28 968,68 euros TTC, y compris le coût d'achat du désurchauffeur et les frais de maîtrise d'oeuvre. Ses conclusions tendant à la réformation, sur ce point, du jugement attaqué doivent dès lors être rejetées.

Sur les appels en garantie :

9. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que les désordres relatifs au fonctionnement de la chaudière à condensation seraient exclusivement dus aux fautes commises par les autres constructeurs ou par l'EHPAD, les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat et Eiffage Energie Thermie ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critiquent pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'estimation des besoins en eau chaude solaire réalisée par la société Intech Ingebat ainsi que de l'article A.1.3 du cahier des clauses techniques particulières établi par cette même société que celle-ci a réalisé seule les études techniques tant au stade des études de projet (mission PRO) que des études d'exécution (mission EXE) dans lesquelles la société D'Architecture Coq et Lefrancq n'est pas intervenue ainsi qu'il ressort de la répartition des honoraires annexée à l'acte d'engagement du groupement de maîtrise d'oeuvre. Dans ces conditions, la société D'Architecture Coq et Lefrancq est fondée à soutenir que les désordres affectant l'installation solaire résultent exclusivement de l'estimation erronée des besoins en eau chaude réalisée par le bureau d'étude technique. Toutefois et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il lui appartenait contractuellement de viser les études d'exécution après avoir, notamment, vérifié la conformité aux règlements et au marché, des hypothèses de calculs et données figurant dans chaque note technique et, en particulier, de s'assurer que les hypothèses retenues dans la note de calcul relative à l'installation solaire tenaient compte de la réalité de la consommation d'eau chaude au sein de l'EHPAD. Dans ces conditions, la société appelante est seulement fondée à soutenir qu'elle n'aurait dû être condamnée à garantir la société Intech Ingebat qu'à concurrence de 10 % et que cette société aurait dû être condamnée à la garantir à concurrence de 90 % de la condamnation dont elle a fait l'objet au titre des dommages affectant l'installation solaire.

11. En troisième lieu et ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, les désordres affectant le local de stockage des déchets résultent de l'absence de tout dispositif de ventilation indépendant dans ce local et de l'absence de grille en partie basse de la porte extérieure. Il appartenait contractuellement à l'équipe de maîtrise d'oeuvre de prévoir ces dispositifs et à la société CRX Consultants, au titre de sa mission de suivi des études, ainsi qu'à la société Eiffage Energie Thermie, en qualité de titulaire du lot " ventilation ", d'émettre des réserves sur ces erreurs de conception. En outre et ainsi qu'il a également été dit au point 6, la société D'Architecture Coq et Lefrancq n'établit pas que ces erreurs de conception résultent exclusivement des études d'exécution réalisées par la société Intech Ingebat alors que l'expert a au contraire considéré que l'absence de grille engageait sa responsabilité au titre de la conception architecturale de l'ouvrage et qu'elle aurait dû relever, au titre de sa mission VISA, l'erreur de conception affectant le système de ventilation commun au local de préparation chaude et au local de stockage des déchets, l'article B.1.6 du cahier des clauses techniques particulières précisant, à cet égard, que le mandataire du groupement dispose, à lui-seul, de la qualification nécessaire à la réalisation du marché de maitrise d'oeuvre.

12. Eu égard à l'importance respective des fautes ainsi commises par les constructeurs dans la survenance de ces désordres, il convient de condamner la société Intech Ingebat à garantir à concurrence de 60 % les autres constructeurs de la condamnation prononcée à leur encontre au titre de la ventilation du local de stockage des déchets et de condamner les sociétés D' Architecture Coq et Lefrancq, Eiffage Energie Thermie et CRX Consultants à garantir les autres constructeurs de la même condamnation à concurrence, respectivement de 20 %, 10 % et 10 %.

13. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Eiffage Energie Thermie est seulement fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans les désordres affectant l'installation solaire et n'a pas condamné les sociétés D' Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat à la garantir, à concurrence, respectivement de 20 % et 60 % de la condamnation mise à sa charge au titre de la ventilation du local de stockage des déchets, que la société D'Architecture Coq et Lefrancq est seulement fondée à demander la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné la société Intech Ingebat à la garantir, à concurrence de 90 %, de la condamnation dont elle a fait l'objet au titre des dommages affectant l'installation solaire et à concurrence de 60 % de la ventilation du local de stockage des déchets et que les conclusions incidentes de la société Intech Ingebat doivent être rejetées.

Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat une première somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par l'EHPAD et une seconde somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la société Eiffage Energie Thermie. En revanche, il n'y a lieu, dans les mêmes circonstances, ni de mettre à la charge des sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat et Eiffage Energie Thermie, la somme que demande la SMABTP au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance, ni de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Thermie la somme que demande l'EHPAD au même titre, ni enfin de mettre à la charge de l'EHPAD la somme que demande la société Eiffage Energie Thermie au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société Intech Ingebat soit mise à la charge de l'une ou l'autre des parties.

DÉCIDE :

Article 1er : Les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat sont condamnées solidairement à verser à l'EHPAD Marcel Cantelaube la somme de 28 968,68 euros au titre des dommages affectant l'installation solaire.

Article 2 : Les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat se garantiront réciproquement à hauteur, respectivement, de 10 % et 90 % de la condamnation prononcée à leur encontre à l'article 1er.

Article 3 : La société Intech Ingebat garantira les autres constructeurs, à concurrence de 60 %, de la condamnation prononcée à leur encontre au titre de la ventilation du local de stockage des déchets. La société D'Architecture Coq et Lefrancq garantira les autres constructeurs, à concurrence de 20 %, de la condamnation prononcée à leur encontre au même titre et les sociétés Eiffage Energie Thermie et CRX Consultants garantiront les autres constructeurs de cette condamnation, à concurrence de 10 % chacune.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mars 2018 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat verseront à l'EHPAD Marcel Cantelaube une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq et Intech Ingebat verseront à la société Eiffage Energie Thermie une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 7 : le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés D'Architecture Coq et Lefrancq, Intech Ingebat, CRX Consultants, Eiffage Energie Thermie Sud Ouest, à la SMABTP et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Marcel Cantelaube.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme K..., présidente-assesseure,

M. D... I..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

Le rapporteur,

Manuel I...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°18BX01703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01703
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DE LESTRANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-12;18bx01703 ?
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