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10/03/2020 | FRANCE | N°18BX01418

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 10 mars 2020, 18BX01418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Cahors l'a mis à la retraite d'office et l'a radié de son cadre d'emploi et d'enjoindre à la commune de Cahors de procéder à sa réintégration en qualité de conservateur du patrimoine en chef, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1503902 du 30 janvier 2018, le tribunal administrat

if de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Cahors l'a mis à la retraite d'office et l'a radié de son cadre d'emploi et d'enjoindre à la commune de Cahors de procéder à sa réintégration en qualité de conservateur du patrimoine en chef, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1503902 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 avril 2018 et le 17 janvier 2020, M. I..., représenté par Me K..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Cahors l'a mis à la retraite d'office et l'a radié de son cadre d'emploi ;

3°) d'enjoindre à la commune de Cahors de procéder à sa réintégration en qualité de conservateur du patrimoine en chef, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cahors la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il n'a pas été tenu compte d'une note en délibéré en méconnaissance des droits de la défense ;

- c'est à tort que le tribunal a fondé sa conviction sur la condamnation pénale pour harcèlement moral qui, non définitive, n'a pas constitué un motif de la sanction litigieuse ;

- le conseil de discipline a émis un avis dans des conditions irrégulières en raison du manque d'impartialité de deux représentants de l'administration ;

- la procédure disciplinaire n'a eu aucun caractère contradictoire ;

- la matérialité des faits de violences légères, objet de la sanction prononcée, n'est pas établie ;

- la matérialité des faits n'ayant pas été reconnue par le juge pénal, la procédure disciplinaire est caduque et il revenait à l'autorité administrative de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

- la sanction est disproportionnée à la gravité des fautes commises au regard de la gravité de son état de santé, de ses excellentes notations et de l'absence de retraite à taux plein.

Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2019, la ville de Cahors, représentée par Me J..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. I... ;

2°) de mettre à la charge de M. I... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute de comporter des moyens d'appel ;

- aucun moyen n'est fondé.

Vu l'ordonnance du 17 décembre 2019 fixant la clôture de l'instruction au 17 janvier 2020 à 12H00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... C...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. I..., et de Me J..., représentant la commune de Cahors.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 juin 2002, le maire de la commune de Cahors a nommé M. I..., exerçant les fonctions de directeur du musée municipal Henri Martin, au grade de conservateur du patrimoine en chef à compter du 1er juillet 2002. A la suite d'une altercation avec un collègue, survenue le 12 mars 2015 dans les locaux de la mairie, le maire de la commune de Cahors a, par une décision du 20 mars 2015, suspendu l'intéressé de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée maximale de quatre mois. Par un courrier du 7 avril 2015, le maire de la commune de Cahors a informé M. I... qu'il était susceptible de faire l'objet d'une sanction disciplinaire du 4ème groupe. Après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline qui s'est prononcé en faveur d'une sanction de mise à la retraite d'office dans un avis du 19 juin 2015, et dont l'avis a été confirmé par le conseil de discipline de recours le 22 décembre 2016, le maire de la commune de Cahors a, par un arrêté du 6 juillet 2015, prononcé la mise à la retraite d'office de M. I... et l'a radié de son cadre d'emploi à compter de la notification de cet arrêté. M. I... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Toulouse et relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. En dehors des hypothèses où il est tenu de rouvrir l'instruction à peine d'irrégularité de sa décision, c'est-à-dire de celles où cette note contient l'exposé, soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu'il devrait relever d'office, le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré.

3. Postérieurement à une première audience qui s'est tenue le 14 novembre 2017, une note en délibéré a été présentée par la commune de Cahors et enregistrée le 15 novembre 2017 et les premiers juges ont alors rouvert l'instruction pour communiquer à M. I... cette note en délibéré le 22 novembre 2017 qui y a répondu par un mémoire enregistré le 23 novembre 2017. Dès lors, M. I... n'est pas fondé à soutenir que le jugement qui est intervenu à l'issue de l'audience du 16 janvier 2018, aurait méconnu le principe contradictoire de la procédure. Par suite, le jugement n'est pas irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, M. I... reprend en appel, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis rendu par le conseil de discipline, le 19 juin 2015, en raison du manque d'impartialité de deux de ses membres. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, M. I... soutient que la procédure suivie à son égard serait viciée en ce que la sanction prise à son encontre n'aurait pas été précédée d'une enquête administrative au cours de laquelle il aurait été entendu. Toutefois, une telle enquête n'est prescrite par aucune disposition légale ni par aucun principe. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressé a reçu communication, le 22 avril 2015, de son dossier le concernant, et qu'il s'était présenté et était représenté à son conseil de discipline qui s'est déroulé le 19 juin 2015, au cours duquel il a été entendu. Il n'est dès lors pas fondé à invoquer une méconnaissance du principe du contradictoire de la procédure.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires: " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes du premier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ".

7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il ressort des pièces du dossier que le 12 mars 2015, au cours d'un entretien avec M. D..., directeur du service informatique, et suite au refus de ce dernier de lui donner immédiatement un téléphone pouvant recevoir des mails, M. I... a soulevé le bureau de M. D... en hurlant qu'il voulait ce téléphone tout de suite, puis a saisi ce dernier par le col en le plaquant contre une armoire. M A..., technicien du service informatique, alerté par les hurlements de M. I... est intervenu et a tenté de le raisonner. M. A... a alors été insulté et a reçu des coups de genoux et de pieds de la part de M. I.... Puis, persistant dans son désir d'obtenir ce téléphone, M I... s'est installé dans le bureau de M. D... en jetant tout ce qui se trouvait sur le bureau. M. D... ayant appelé M. L... E..., directeur général des services, celui-ci a essayé de résoudre calmement la situation, mais a dû faire appel à la police municipale. Ces faits sont établis par les pièces du dossier, notamment par les rapports des deux agents agressés. Si M. I... conteste la matérialité des faits au motif que ceux-ci ont donné lieu à une dispense de peine par le juge de proximité de Cahors, il ressort du jugement du 23 juin 2015 que la juridiction de proximité a reconnu l'intéressé coupable des faits de " violence n'ayant entraîné aucune incapacité temporaire de travail " commis le 12 mars 2015 sur la personne de M. D.... Dans ces conditions, M. I... ne peut, d'une part, utilement faire valoir que l'absence de condamnation pénale par le juge de proximité décidée antérieurement à la sanction en litige obligeait l'autorité administrative compétente à reprendre la procédure disciplinaire et à réexaminer sa situation et n'est, d'autre part, pas fondé à soutenir que la matérialité des faits reprochés n'est pas établie. Ces faits sont constitutifs de manquements graves à ses obligations professionnelles et caractérisent un comportement violent et d'intimidation de nature à justifier une sanction disciplinaire. Si M. I... se prévaut de notations annuelles positives jusqu'en 2011 et soutient qu'il était fatigué à la suite d'une hémorragie digestive massive qui a eu lieu en janvier 2015 et stressé par la crainte de découvrir une autre maladie, ces circonstances ne peuvent pas atténuer la gravité de la faute reprochée à l'appelant.

9. Ainsi, compte tenu du niveau hiérarchique des fonctions exercées par l'intéressé, de l'exemplarité attendue de la part d'un cadre de la fonction publique, d'une part, et de la gravité de ces fautes, d'autre part, et enfin de la circonstance que M. I... a déjà fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois pour des faits de violences verbales commises en 2011, le maire de Cahors n'a pas pris une sanction disproportionnée en prononçant sa mise à la retraite d'office.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cahors, que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2015 du maire de la commune de Cahors. Ses conclusions à fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Cahors la somme que demande M. I... au titre de ses frais d'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Cahors sur le fondement des dispositions précitées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : M. I... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Cahors en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... I... et à la commune de Cahors.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme H... M..., présidente-assesseure,

Mme F... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

Déborah C...Le président,

Dominique NAVESLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX1418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01418
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : HERRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-10;18bx01418 ?
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