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25/02/2020 | FRANCE | N°18BX00115

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 février 2020, 18BX00115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 13 avril 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Muret a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste.

Par un jugement n° 1502446 du 10 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 janvier 2018 et le 11 juin 2019, Mme D..., représentée par Me E..., deman

de à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 13 avril 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Muret a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste.

Par un jugement n° 1502446 du 10 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 janvier 2018 et le 11 juin 2019, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Muret du 13 avril 2015 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Muret le paiement au bénéfice de son conseil de la somme de 2 000 euros, outre la TVA, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de radiation des effectifs prise à son encontre est illégale en raison de l'illégalité de la décision de changement de service, qui l'a conduite à refuser ce changement d'affectation révélant une sanction déguisée ;

- cette mesure de mutation n'avait été prise que pour sanctionner sa demande de pouvoir bénéficier de son droit à récupérer les heures supplémentaires effectuées au-delà de son temps partiel à 70 %, en l'affectant dans un service pour lequel elle n'était pas formée ;

- son exercice à temps partiel était de droit, en application de l'article 32-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991, aux fins de donner des soins à son conjoint ;

- alors qu'elle bénéficie d'un temps partiel à 70% depuis le 1er septembre 2012, elle a dû, en réalité, exercer à temps plein et assurer des remplacements sans jamais obtenir la récupération de ses heures ;

- aucune nécessité de service ne justifiait son changement de service qui n'avait d'autre but que de la sanctionner ;

- dès lors qu'elle était fondée à ne pas exécuter la décision de changement de service, la mesure de radiation prise à son encontre est illégale ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, le centre hospitalier de Muret, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme D... le paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête de Mme D... est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre son argumentation de première instance ;

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés ; l'illégalité alléguée de la mesure de changement de service n'était pas de nature à justifier le refus de rejoindre son poste ; il n'est au surplus pas établi que le changement d'affectation constituerait une sanction disciplinaire déguisée alors qu'elle constitue une simple mesure d'ordre intérieur ; l'intéressée n'apporte pas la preuve d'une impossibilité d'ordre médical ou professionnel de rejoindre son poste.

Par une ordonnance du 16 mai 2019, la clôture d'instruction a été reportée au 14 juin 2019 à 12 heures.

Un mémoire complémentaire a été présenté pour le centre hospitalier de Muret le 17 septembre 2019.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2018/000991 du 15 février 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... pour le centre hospitalier de Muret.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a été recrutée, le 15 octobre 2008, en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié par le centre hospitalier de Muret, tout d'abord dans le cadre de contrats à durée déterminée, puis à durée indéterminée à compter du 30 avril 2010, et affectée au sein de la maison de retraite " Le Castelet ". Elle a été autorisée à exercer de droit à temps partiel, à hauteur de 70 % d'un temps plein, à compter du 1er septembre 2012, aux fins de lui permettre de donner des soins à son conjoint atteint d'un handicap nécessitant l'assistance d'une tierce personne. Par une lettre du 23 septembre 2014, elle a été informée de ce qu'à compter du 1er novembre 2014, elle serait affectée au sein de l'unité gériatrique de l'établissement, pour y exercer les mêmes fonctions, en poste de jour à 70%. Cependant, Mme D... a refusé cette mutation et a été placée en congé de maladie jusqu'au 24 novembre 2014. Lors de sa reprise, elle a bénéficié d'une période de récupération des heures supplémentaires lui restant dues jusqu'au 13 mars 2015, date à laquelle elle devait reprendre ses fonctions dans sa nouvelle affectation, ce qu'elle n'a pas fait. En dépit de deux mises en demeure des 16 mars et 27 mars 2015 l'informant de son obligation de reprendre son service, faute de quoi elle serait radiée des cadres pour abandon de poste sans procédure disciplinaire, l'intéressée a persisté dans son refus de reprendre son activité au sein de l'unité gériatrique du centre hospitalier de Muret.

2. Mme D... relève appel du jugement du 10 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 avril 2015 du directeur du centre hospitalier prononçant sa radiation des cadres pour abandon de poste.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 avril 2015 :

3. D'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention de reprendre son service avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester une telle intention, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

4. D'autre part, une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige du 13 avril 2015 a été édictée après que Mme D... a fait l'objet, à deux reprises les 16 mars et 27 mars 2015, de mises en demeure de rejoindre son affectation, l'informant qu'à défaut de reprise de son service et en l'absence de toute justification de sa position avant, respectivement le 31 mars et le 13 avril 2015, une procédure pour abandon de poste entraînant sa radiation des effectifs serait engagée à son encontre sans procédure disciplinaire préalable. Il est constant que Mme D... a expressément refusé de donner suite à ces deux mises en demeure successives, par des lettres des 25 mars et 9 avril 2015, au motif que sa mutation était, selon elle, " arbitraire et injustifiée " dès lors qu'elle n'avait pas pu obtenir l'exercice effectif de son temps partiel de droit dans sa précédente affectation et qu'elle était obligée de remplacer ses collègues absents en semaine et les week-ends. Toutefois, à supposer même que les conditions d'exercice de son temps partiel dans sa précédente affectation n'auraient pas été satisfaisantes de son point de vue, un tel motif de refus opposé par l'intéressée ne correspondait pas à une impossibilité, d'ordre matériel ou médical, seule de nature à justifier une impossibilité ou un retard à rejoindre son poste et a pu, à bon droit, être regardé par l'établissement comme manifestant une rupture du lien avec le service du seul fait de l'intéressée.

6. De plus, si Mme D... semble estimer que son changement d'affectation n'était pas justifié et révélait une sanction disciplinaire déguisée, elle n'était pas titulaire de son affectation, laquelle constitue une mesure d'ordre intérieur et relève des prérogatives de l'autorité investie du pouvoir de nomination, ce qui figurait d'ailleurs expressément à l'article 2 de son contrat de travail. En outre, il ressort des pièces du dossier que le changement de poste dont elle a fait l'objet a été édicté dans l'intérêt du service dès lors qu'il avait notamment pour objet de tenir compte des difficultés rencontrées avec son encadrement notamment dans la prise en compte de son temps partiel et alors qu'il ressort, par ailleurs, de la lettre du 23 septembre 2014 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Muret l'a informée de qu'elle serait affectée au sein de l'unité gériatrique à compter du 1er novembre 2014, que l'intéressée continuerait d'y exercer des fonctions comparables, en service de jour, tout en conservant le bénéfice de son exercice à temps partiel à 70%. A cet égard, et contrairement à ce qu'allègue l'intéressée, il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier de Muret lui a accordé la compensation des heures supplémentaires effectuées au-delà de ses obligations de service à temps partiel compte tenu des nécessités de service dans sa précédente affectation. Il n'est pas davantage établi que la nouvelle affectation qui lui était proposée n'aurait pas correspondu à ses compétences professionnelles ou qu'elle aurait été décidée en réponse à sa réclamation concernant les difficultés de récupération de ses heures supplémentaires. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément de nature à établir l'existence d'une dégradation de sa situation professionnelle dans sa nouvelle affectation ou d'une volonté de l'administration de la sanctionner, Mme D... ne saurait exciper d'une prétendue illégalité de la mesure de mutation dont elle a fait l'objet aux fins de justifier son refus de rejoindre son poste et, par suite, de contester la légalité de la mesure en litige de radiation des cadres pour abandon de poste.

7. Il suit de là que Mme D... ayant expressément refusé, à deux reprises, de rejoindre son poste sans justification d'ordre matériel ou médical dûment attestée et, par suite, sans motif valable, en dépit des deux mises en demeure régulièrement notifiées, c'est à bon droit que le directeur du centre hospitalier de Muret a prononcé à son encontre la mesure contestée de radiation des cadres pour abandon de poste. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge du centre hospitalier de Muret les frais que Mme D... a exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le paiement d'une somme au centre hospitalier de Muret sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Muret présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au centre hospitalier de Muret.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

M. Thierry B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 février 2020.

Le rapporteur,

Thierry B...Le président,

Catherine Girault

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX00115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00115
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Abandon de poste.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : LACOMBE-BOUVIALE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-25;18bx00115 ?
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