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18/02/2020 | FRANCE | N°18BX02530

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 18 février 2020, 18BX02530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et la banque CIC Sud-Ouest ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à verser la somme de 11 977, 13 euros à la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD en réparation du préjudice qu'elle a subi, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la banque CIC Sud-Ouest du fait des dommages occasionnés par des manifestants le 21 février 2015 et de condamner l'Etat à verser à la Banque CIC Sud-Ouest la somme de 930, 80 euro

s, au titre du montant de sa franchise restée à sa charge.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et la banque CIC Sud-Ouest ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à verser la somme de 11 977, 13 euros à la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD en réparation du préjudice qu'elle a subi, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la banque CIC Sud-Ouest du fait des dommages occasionnés par des manifestants le 21 février 2015 et de condamner l'Etat à verser à la Banque CIC Sud-Ouest la somme de 930, 80 euros, au titre du montant de sa franchise restée à sa charge.

Par un jugement n° 1601690 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 11 977, 13 euros et à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 930, 80 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et par la banque CIC Sud-Ouest.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure étaient remplies ;

- la circonstance que les dégradations aient été préméditées est de nature à exclure la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2018, la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et la banque CIC Sud-Ouest, représentées par Me B..., demandent à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 24 mars 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté leur demande indemnitaire ;

4°) de condamner l'Etat à payer à la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 11 977, 13 euros et à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 930, 80 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la responsabilité de l'Etat sans faute est engagée sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité publique, dès lors que cet article ne prévoit pas que la préméditation est une cause exonératoire de responsabilité ;

- rien ne démontre que les actions violentes contre les biens ont été préméditées ;

- il n'est pas justifié que l'auteur de la décision du 24 mars 2016 ait été compétent ;

- la décision du 24 mars 2016 est entachée d'erreur de droit et d'erreur de faits ;

- elles sont fondées à demander l'indemnisation des préjudices subis, qui s'élèvent à 11 977, 13 euros pour la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et à la somme de 930, 80 euros pour la banque CIC Sud-Ouest.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., représentant la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et la banque CIC Sud-Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 février 2015, dans le centre-ville de Toulouse, à l'occasion d'un rassemblement contre le projet du barrage de Sivens et contre les violences policières, des dégâts matériels ont été causés aux commerces et aux banques et cabinets d'assurances du centre-ville. La société d'assurances du Crédit Mutuel IARD a indemnisé la banque CIC Sud-Ouest pour des dégradations subies ce jour-là. Par courrier du 15 mars 2016, la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD a présenté une demande indemnitaire au préfet de la Haute-Garonne sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure. Suite au rejet de sa demande par une décision du 24 mars 2016, la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD, en sa qualité de subrogée dans les droits de son assurée, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 977, 13 euros. La banque CIC Sud-Ouest a demandé la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 930, 80 euros, qui correspond à la franchise contractuelle restée à sa charge. Par un jugement du 25 avril 2018, dont le préfet de la Haute-Garonne relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 11 977, 13 euros et à la banque CIC Sud-Ouest, la somme de 930, 80 euros.

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :

2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés.

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de police du 21 février 2015 que ce jour-là s'est tenue square Charles de Gaulle à Toulouse une manifestation de protestations contre les violences policières et contre le projet de barrage de Sivens, non déclarée dans les délais légaux. Vers 14h50, un cortège de cinq cents manifestants s'est engagé dans la rue Alsace Lorraine en direction de la place Jeanne D'Arc. Puis au bas de la rue Alsace Lorraine, il s'est engagé sur le boulevard de Strasbourg vers le monument aux morts. Plusieurs dizaines de manifestants étaient habillés en vêtements de couleur sombre, cagoulés et porteurs d'écharpes et de capuches masquant leur visage, porteurs pour certains de masques et de casques. A 15h45, au moment où le cortège s'est engagé dans la rue de Metz, les dizaines d'individus ci-dessus décrits se sont formés en attroupements armés, compte tenu du type de projectiles lancés sur les forces de l'ordre. Après que les forces de l'ordre soient parvenues à les repousser, une partie des manifestants, dont certains porteurs de marteaux et de massettes à la main, ont couru dans la rue de Metz. Ces manifestants ont alors cassé de nombreuses vitrines de commerces, d'agences bancaires et de cabinets d'assurances, notamment, dans les rues de Metz, des Arts et au 25 place des Carmes. Il résulte de ce qui précède que l'action de détérioration volontaire de la devanture de la banque CIC Sud-Ouest située au 25 place des Carmes, doit être regardée comme ayant été perpétrée par un groupe de personnes, qui a agi de façon préparée et concertée, et non de façon spontanée. Par suite, les conséquences dommageables de cette manifestation, ne peuvent pas être regardées comme imputables à un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure. Le préfet de la Haute-Garonne est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a admis l'engagement de la responsabilité de l'Etat.

4. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions subsidiaires présentées par la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et par la banque CIC Sud-Ouest devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. La décision du 24 mars 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté les demandes préalables indemnitaires de la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et de la banque CIC Sud-Ouest n'a eu pour seul effet que de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande des requérantes qui, en formulant les conclusions à fin de condamnation analysées ci-dessus, leur a donné le caractère de conclusions de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit des intéressées à percevoir la somme qu'elles réclament, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision rejetant les demandes préalables indemnitaires de la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et de la banque CIC Sud-Ouest ne peuvent qu'être rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 11 977, 13 euros et à la banque CIC Sud-Ouest la somme de 930, 80 euros. Il y a lieu par conséquent de rejeter leurs demandes de première instance et leurs conclusions d'appel.

Sur les frais d'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demandent la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et la banque CIC Sud-Ouest au titre de leurs frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601690 du 25 avril 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Les demandes de première instance présentées par la société d'assurances du Crédit Mutuel IARD et la banque CIC Sud-Ouest et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'assurance du Crédit Mutuel IARD, à la banque CIC Sud-Ouest et au préfet de la Haute-Garonne. Une copie en sera délivrée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... F..., présidente-assesseure,

Mme C... A..., premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

Le rapporteur,

Déborah A...Le président,

Dominique NAVESLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02530
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux - Attroupements et rassemblements (art - L - 2216-3 du CGCT).


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP MARGUERIT - BAYSSET - RUFFIE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-18;18bx02530 ?
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