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11/02/2020 | FRANCE | N°19BX03869-19BX03870

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 11 février 2020, 19BX03869-19BX03870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et de mettre à la charge de l'Etat un

e somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1903535 du 12 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 mars 2019 du préfet de

la Haute-Garonne, a enjoint à cette autorité de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, en la munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, a mis à la

charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme C....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 9 octobre 2019 sous le n° 19BX03869, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 août 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- le tribunal a considéré qu'une absence de soins aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la base de certificats médicaux rédigés au conditionnel, produits postérieurement à l'édiction de l'arrêté et qui ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- les pièces médicales versées par Mme C... ne démontrent pas l'impossibilité de recevoir des soins en Albanie ; le tribunal n'a pas tenu compte des éléments apportés sur la possibilité de recevoir de tels soins en Albanie, possibilité qui a été reconnue par la jurisprudence ;

- l'arrêté ne se borne pas à fixer l'Albanie comme pays de renvoi ;

Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2019, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat

d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative

et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que : il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'OFII aurait été régulièrement émis ;

- le refus de séjour repose sur une erreur d'appréciation de sa situation médicale au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; une interruption des soins que requiert son syndrome de stress post-traumatique aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'exposant au risque de passage à l'acte suicidaire ; compte tenu de la pathologie particulière dont elle souffre, en lien avec des traumatismes vécus dans son pays d'origine, un traitement adéquat ne peut être envisagé en Albanie ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, et a été prononcée sans prendre en compte l'intérêt primordial de ses deux enfants mineurs, dont le père est décédé, et qui ont également subi de mauvais traitements dans leur pays ;

- l'obligation de quitter le territoire français, qui est fondée sur un refus de séjour illégal, est privée de base légale ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le centre de ses intérêts privés se trouve en France ; ses fils y sont scolarisés, et son fils cadet bénéficie de soins et d'une mesure d'assistance éducative ;

- pour les mêmes raisons, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a subi des violences en Albanie en raison des dettes contractées par son époux.

Par une ordonnance du 13 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 janvier 2020 à 12 heures.

II. Par une requête enregistrée le 9 octobre 2019 sous le n°19BX03870, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1903535 du 12 août 2019 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que ses moyens d'appel sont sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2019, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative

et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens du préfet ne sont pas sérieux et ne justifient ainsi pas qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

Par une ordonnance du 13 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 janvier 2020 à 12 heures.

M. C... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante albanaise, est entrée en France le 18 juin 2016 selon ses déclarations. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 mars 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 février 2018. Le 2 juillet 2018,

elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 mars 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 12 août 2019, dont le préfet de la Haute-Garonne relève appel et demande le sursis à exécution, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 mars 2019 du préfet de la Haute-Garonne,

a enjoint à cette autorité de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la

mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement en la munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 19BX02504 et 19BX02505 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par son avis rendu

le 29 janvier 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de la Haute-Garonne, après avoir reproduit la teneur de cet avis, a indiqué que l'intéressée ne justifiait pas, ni même ne soutenait être dans l'impossibilité d'accéder à des soins dans son pays d'origine. Or, s'il ressort des certificats médicaux produits au dossier, établis par le psychiatre et la psychologue qui suivent Mme C..., que cette dernière est atteinte d'un syndrome dépressif, la requérante n'allègue pas que son traitement médicamenteux ne serait pas disponible dans son pays d'origine, ni encore qu'elle n'y aurait pas accès à un suivi thérapeutique adapté à son état, alors au demeurant qu'il ressort de ces mêmes pièces médicales qu'elle a effectivement reçu des soins en Albanie, où elle a été hospitalisée pour traiter sa dépression après le décès de son mari survenu en 2010. Par ailleurs, si l'un des certificats médicaux versés au dossier indique que son état de santé " semble être en lien direct avec les évènements vécus dans le pays d'origine ", il ne ressort d'aucun élément médical ni d'aucune autre pièce du dossier que le lien entre sa pathologie et les évènements traumatisants vécus en Albanie ne permettrait pas, dans son cas, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Dans ces conditions, en se fondant sur le motif tenant à l'absence d'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie, motif qui justifiait à lui seul le refus de délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge s'est fondé sur une telle méconnaissance pour annuler l'arrêté en litige.

5. Il appartient toutefois à la cour, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C... devant le tribunal administratif et devant la cour à l'appui de sa demande.

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, en se bornant à faire valoir, sans autre précision, qu' " il n'est pas justifié que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait été régulièrement émis, soit conformément aux dispositions

des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", Mme C... ne met pas la cour à même de se prononcer sur le bien-fondé du moyen qu'elle aurait entendu soulever.

7. En deuxième lieu, à supposer même que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait mal apprécié les conséquences qu'un arrêt des soins aurait pour l'intéressée, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté, qui est fondé sur l'absence d'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie.

8. En troisième lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 3, le préfet a pu légalement se fonder sur le motif tenant à l'absence d'impossibilité de bénéficier effectivement

d'un traitement approprié en Albanie, et ce motif justifiait à lui seul le refus de délivrance du titre de séjour sollicité. Par suite, et alors même que, comme la requérante le soutient, un défaut de soins pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, et contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté en litige vise l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et mentionne, dans ses motifs, que les enfants de Mme C... sont âgés de 12 et 15 ans et qu'il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie. Le moyen tiré de ce que, faute de viser ces stipulations, l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée ne peut dès lors qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, il ressort de la rédaction de l'arrêté que le préfet s'est livré

à un examen complet de la situation de Mme C..., en particulier au regard de l'intérêt supérieur de ses enfants.

11. En troisième lieu, il résulte de ce qui été dit aux points 6 à 8 que Mme C... n'est pas fondée à invoquer une illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Mme C... fait valoir qu'elle vit en France depuis trois ans, qu'elle n'a plus d'attache en Albanie, que ses deux fils, âgés de 12 et 15 ans, sont scolarisés respectivement en classe de 6ème et en CAP cuisine, que le plus jeune de ses fils bénéficie d'une mesure d'assistance éducative et d'un suivi psychiatrique et qu'elle a fourni des efforts d'insertion malgré la fragilité de son état de santé. Toutefois, Mme C... est entrée récemment sur le territoire français, n'y dispose pas d'attache particulière et a vécu la majeure partie de son existence en Albanie. De plus, elle ne fait aucunement état d'obstacle à ce que ses enfants poursuivent leur scolarité dans son pays d'origine, ni encore à ce que son fils cadet y reçoive des soins adaptés à son état. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi pas méconnu les stipulations citées au point 12.

14. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, m'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

15. Ainsi qu'il a été dit, en se bornant à faire valoir que ses fils, âgés de 12 ans

et 15 ans à la date de l'arrêté, sont scolarisés en France, sans faire état d'obstacle avéré à ce qu'ils poursuivent leur scolarité en Albanie ou à ce que son fils cadet y bénéficie des soins que requiert son état de santé, la requérante n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations citées au point 14.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 15 que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas privée de base légale.

17. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " .

18. En se bornant à affirmer qu'elle a subi en Albanie des menaces et violences pour des motifs tenant à son appartenance à la communauté Rom et au défaut de paiement de dettes contractées par son époux, sans apporter aucune précision ni pièce à l'appui de ses allégations, la requérante n'établit pas que la décision fixant le pays de renvoi serait contraire aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. Il résulte de tout ce que qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 15 mars 2019, lui a enjoint de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement en la munissant dans l'attente

d'une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme

de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin de à sursis exécution :

20. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du préfet de

la Haute-Garonne, ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement ont perdu

leur objet.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

21. L'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais que Mme C... aurait exposés si elle n'avait pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903535 du 12 août 2019 du magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse et l'ensemble de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution

du jugement présentées par le préfet de la Haute-Garonne sous le n° 19BX03870.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Haute-Garonne et à Mme E... C....

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2020.

Le rapporteur,

Marie-Pierre Beuve B...Le président,

Catherine Girault

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03869-19BX03870
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : BARBOT - LAFITTE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-11;19bx03869.19bx03870 ?
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