La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2020 | FRANCE | N°18BX00402

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 11 février 2020, 18BX00402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler

la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Gironde lui a demandé de restituer

la carte nationale d'identité délivrée le 14 octobre 2015 à sa fille F..., ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 10 février 2016.

Par un jugement n° 1602067 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif

de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête enregistrée le 1er février 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler

la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Gironde lui a demandé de restituer

la carte nationale d'identité délivrée le 14 octobre 2015 à sa fille F..., ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 10 février 2016.

Par un jugement n° 1602067 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif

de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Gironde du 20 janvier 2016, ensemble

la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- il a déclaré la naissance de sa fille F... au cours de la procédure d'instruction de sa demande de naturalisation, et c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'apportait pas la preuve que l'enfant résidait alternativement chez lui et chez sa mère depuis sa naissance ; au demeurant, il vit actuellement avec la mère de l'enfant, qu'il a épousée le 2 juillet 2016 ; ainsi, le décret lui conférant la nationalité française méconnaît

les dispositions de l'article 22-1 du code civil et de l'article 37-1 du décret du 30 décembre 1993 en ce qu'il ne porte pas mention de sa fille ; par suite, la décision du 20 janvier 2016

est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le préfet se trouvait en situation de compétence liée dès lors que le nom de l'enfant F... n'était pas mentionné dans le décret de naturalisation ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, par les pièces produites, M. E... n'apportait pas la preuve que l'enfant résidait de manière habituelle, depuis sa naissance, alternativement chez son père et chez sa mère.

M. E... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 15 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... ayant acquis la nationalité française par un décret n° 025/370 du

24 juin 2015, publié au Journal officiel du 26 juin 2015, une carte nationale d'identité lui a été délivrée le 14 octobre 2015 pour sa fille F... née le 21 janvier 2015. Toutefois,

par une décision du 20 janvier 2016, implicitement confirmée à la suite d'un recours gracieux,

le préfet de la Gironde lui a ordonné la restitution de ce document au motif que l'enfant n'avait pas bénéficié de l'effet collectif attaché à sa naturalisation. M. E... relève appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

2. D'une part, aux termes de l'article 22-1 du code civil : " L'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. / Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret ou dans la déclaration ". Aux termes de l'article 373-2-9 du même code relatif à l'intervention du juge aux affaires familiales : " (...) la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. / A la demande de l'un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l'enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. (...) ". D'autre part, l'article 37-1 du décret du 30 décembre 1993, applicable aux demandes de naturalisation et de réintégration dans la nationalité, prévoit

au 5°, parmi les pièces que le demandeur doit fournir, " (...) la copie intégrale des actes de naissance de ses enfants mineurs étrangers qui résident avec lui de manière habituelle ou alternativement dans le cas de séparation ou de divorce ainsi que les pièces de nature à établir cette résidence. ". Il résulte de ces dispositions qu'un enfant mineur ne peut devenir français de plein droit par l'effet du décret qui confère la nationalité française à l'un de ses parents qu'à condition, d'une part, que ce parent ait porté son existence, sauf impossibilité ou force majeure,

à la connaissance de l'administration chargée d'instruire la demande préalablement à la signature du décret, et, d'autre part, qu'il ait, à la date du décret, résidé avec ce parent de manière stable

et durable sous réserve, le cas échéant, d'une résidence en alternance avec l'autre parent en cas

de séparation ou de divorce.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la naissance de sa fille, M. E... résidait en région bordelaise et la mère de l'enfant en région parisienne. Le requérant n'établit

ni même n'allègue avoir justifié, à l'appui de sa déclaration de changement de situation présentée le 3 mars 2015, postérieurement au dépôt de sa demande d'acquisition de la nationalité française, exercer un droit de garde alternée de l'enfant. En se bornant à produire devant le tribunal deux attestations identiques, l'une de sa compagne d'alors du 30 décembre 2015 et l'autre de la mère de l'enfant du 25 janvier 2016, qui se bornent à indiquer que " F... E... née

le 21 janvier 2015 est en garde alternée chez son père depuis sa naissance ", M. E... n'a pas démontré la réalité de telles modalités de résidence au 24 juin 2015, date du décret de naturalisation, à laquelle l'enfant était âgée de cinq mois. Ni l'attestation tout aussi stéréotypée produite devant la cour, émanant d'un tiers et datée du 29 janvier 2018, ni la circonstance que l'enfant est rattachée depuis sa naissance à la caisse d'assurance maladie et à la mutuelle de son père, ni le fait qu'elle a été prise en compte en avril 2015 pour le calcul des droits du foyer

de M. E... aux prestations versées par la caisse d'allocations familiales de la Gironde,

ne sont de nature à remettre en cause la situation de fait relative à la résidence de l'enfant existant à la date du décret de naturalisation. L'évolution de la situation familiale postérieurement à ce décret ne peut être utilement invoquée. Par suite, M. E... n'est pas fondé invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du décret lui conférant la nationalité française en tant qu'il ne mentionne pas sa fille F....

4. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision lui demandant de restituer la carte d'identité de sa fille. Par suite,

ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent

être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2020.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00402
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : LEDOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-11;18bx00402 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award