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10/02/2020 | FRANCE | N°19BX02867

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 10 février 2020, 19BX02867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 26 novembre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1900684 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un bordereau de production de pièces, enregistrés le 26 juillet 201

9 et le 14 octobre, Mme B... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 26 novembre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1900684 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un bordereau de production de pièces, enregistrés le 26 juillet 2019 et le 14 octobre, Mme B... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 26 novembre 2018;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de produire les extraits Thémis concernant son dossier ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de l'admettre provisoirement au séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5 °) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté ne fait pas mention de sa date d'entrée en France et de son dépôt d'une demande d'asile en 2016. Le refus de titre de séjour est ainsi insuffisamment motivé ;

- ces omissions révèlent un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il n'est pas établi que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant émis l'avis sur lequel se fonde le refus de titre de séjour ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été émis à la suite d'une délibération collégiale comme le révèle la production " d'extraits Thémis " concernant d'autres procédures, le rapport d'activité de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de 2017, le fait que les médecins composant le collège n'exercent pas dans la même région et le fait que l'avis a été rendu un samedi ;

- il ressort des termes de l'arrêté que le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de fait sur l'existence d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Elle souffre d'un syndrome dépressif qui sera aggravé par son retour dans son pays d'origine eu égard aux circonstances de son départ de ce pays et aux évènements vécus durant son voyage pour rejoindre l'Europe. Il n'est pas établi que le suivi médical pourra être effectué dans de bonnes conditions au Cameroun eu égard au faible nombre de psychiatres. Elle doit subir une nouvelle opération chirurgicale. En outre, elle ne pourra pas bénéficier d'un soutien dans son pays d'origine car sa mère est mise à l'écart du fait de sa séropositivité. Son père est décédé et elle n'a aucun contact avec ses trois demi-frères ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la motivation de la décision fixant le pays de destination est stéréotypée car elle ne mentionne aucune considération propre à sa situation alors qu'elle a déposé une demande d'asile en 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- sous réserve de la production de la décision du bureau d'aide juridictionnel, l'appel est tardif et donc irrecevable ;

- pour le surplus, il s'en remet à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

Par ordonnance du 6 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2019 à midi.

Mme B... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. G... A..., a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante camerounaise née le 16 août 1981, est, selon ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 7 mai 2016 et y a demandé l'asile. Au regard du résultat de la consultation du fichier Eurodac, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 15 novembre 2016, prononcé son transfert aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile. Après l'exécution de cet arrêté, Mme E... est revenue en France et elle a déposé le 21 juin 2017 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Mme E... relève appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si Mme E... soutient que le préfet de la Gironde a omis de mentionner sa date d'entrée sur le territoire national ainsi que sa demande d'asile, le préfet n'est pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de la situation de l'étranger mais uniquement ceux fondant sa décision. Dès lors, ces omissions, qui ne fondent pas le refus de titre de séjour litigieux, sont sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. En l'espèce, et comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, l'arrêté contesté fait mention des textes et des motifs fondant le refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, Mme E... soutient que les omissions mentionnées au point précédent révèlent un défaut d'examen particulier de sa situation. Il ressort toutefois de la motivation de l'arrêté litigieux, qui se prononce sur son état de santé et examine sa situation familiale, que le préfet de la Gironde a procédé à un examen particulier de la situation de Mme E....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 dudit code : " (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". En vertu de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ".

5. En première part, Mme E... reprend en appel le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration eu égard à l'interdiction pour le médecin ayant établi le rapport médical de siéger au sein du collège du médecin sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer sérieusement la réponse apportée par les premiers juges, notamment en ce qui concerne l'identité du médecin ayant établi le rapport médical. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

6. En deuxième part, Mme E... soutient que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été émis collégialement. Cependant, d'une part l'avis du collège de médecins, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, fait état d'une délibération. D'autre part, en se bornant à produire des captures d'écran anonymisées de l'application " Themis ", un extrait du rapport d'activité de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de 2017 mentionnant le nombre de demandes reçues et le nombre d'avis émis, une décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 septembre 2018 dont l'annexe I recense les médecins siégeant au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la requérante n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de son allégation dont le bien-fondé ne ressort pas davantage des pièces versées au dossier. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production sollicitée, ce moyen doit donc être écarté.

7. En troisième part, Mme E... n'établit ni même n'allègue avoir adressé au préfet de la Gironde, préalablement à l'arrêté litigieux, des documents lui permettant d'apprécier son état de santé. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde ne pouvait que se fonder sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, la reprise des termes de l'avis dans l'arrêté en litige et l'emploi, pour regrettable qu'il soit, de l'adverbe " ainsi " ne permettent pas d'établir que le préfet se serait estimé lié par celui-ci et aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

8. En quatrième lieu, il ressort de l'avis émis le 9 juin 2018 que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si Mme E..., qui souffre notamment d'un syndrome dépressif, soutient que son état de santé se dégradera en cas de retour dans son pays d'origine, aucune des pièces produites au soutien de son allégation se prononce sur la gravité des conséquences induites par une absence de prise en charge médicale. Dès lors, en l'absence d'éléments de nature à infirmer l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En cinquième lieu, Mme E..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne fait état d'aucune attache familiale en France alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Cameroun où résident à tout le moins sa mère et trois demi-frères. A supposer même que, comme elle le soutient, elle n'aurait plus de contact avec ses demi-frères, elle est encore en contact avec sa mère malade. Dès lors, eu égard à sa situation familiale, à la brève durée de son séjour en France et à son état de santé décrit au point précédent, le préfet de la Gironde a pu refuser de délivrer un titre de séjour à Mme E... sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, et comme indiqué au point précédent pour l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'arrêté litigieux énonce les considérations de droit et de fait fondant la décision fixant le pays de destination. Si Mme E... soutient que la motivation est stéréotypée, elle n'établit ni même n'allègue avoir fait état d'une circonstance particulière dans sa demande. Dès lors, la motivation de la décision fixant le pays de destination doit être regardée comme étant suffisante.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 26 novembre 2018. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. G... A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 février 2020

Le rapporteur,

Paul-André A...

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02867
Date de la décision : 10/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BOYANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-10;19bx02867 ?
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