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10/02/2020 | FRANCE | N°19BX02041

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 10 février 2020, 19BX02041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décision du 19 avril 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et a décidé de son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par une ordonnance n° 1900767 du 2 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté s

a demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décision du 19 avril 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et a décidé de son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par une ordonnance n° 1900767 du 2 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai et 16 décembre 2019, M. B... H..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion du 2 mai 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 19 avril 2019 du ministre de l'intérieur ;

4°) d'enjoindre au préfet de La Réunion d'organiser dans les meilleurs délais et aux frais de l'Etat son retour sur le territoire français, de lui délivrer un document destiné aux autorités sri lankaises et à la compagnie aérienne confirmant qu'il est autorisé à se rendre en France, de mettre fin aux mesures de privation de liberté et de lui délivrer un visa de régularisation de huit jours et une attestation de demande d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa requête était irrecevable. Il ressort de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que c'est la décision qui doit être notifiée et non la transcription de l'entretien. En l'absence de notification, le délai de recours n'a pas commencé à courir. En outre, il a pris connaissance de la décision sans être assisté d'un interprète alors qu'il ne comprend ni ne lit le français. Dès lors, eu égard à l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification ne peut être regardée comme régulière ;

- il n'a pas été mis en possession de la brochure d'information spécifique rédigée dans une langue qu'il comprend et n'a pas été informé de son droit de communiquer avec un membre du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en méconnaissance de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la transcription de l'entretien Office français de protection des réfugiés et apatrides ne lui a pas été communiquée en méconnaissance de l'article R. 723-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a donc pu exercer son droit à un recours effectif en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est transmis par télécopie ou par courrier électronique à des agents du ministère de l'intérieur qui ne sont pas spécialement et personnellement habilités. Les déclarations sont reprises dans la décision contestée qui est transmise en zone d'attente par télécopie sur un appareil à la portée de l'ensemble des agents de la police aux frontières caractérisant une méconnaissance de la confidentialité des éléments d'une demande d'asile. De plus, le compte rendu de son audition a été communiqué au ministre de l'intérieur ce qui caractérise une autre atteinte à la confidentialité des éléments d'une demande d'asile ;

- l'entretien a été sommaire avec une connexion Internet erratique, ce qui lui a empêché d'exposer avec détails sa situation personnelle et de produire tout document, ses documents ayant été saisis lors de son arrivée à La Réunion ;

- la décision est dépourvue de base légale dès lors qu'il est entré en France et ne pouvait donc faire l'objet d'un refus d'admission sur le territoire. Il a débarqué au port de Sainte-Rose qui n'est pas une zone d'attente pérenne. Or aucune zone d'attente élargie couvrant ce territoire n'a été créée. A supposer même qu'il exista une zone d'attente élargie par l'effet de la loi, il n'y a pas été placé mais a circulé puisqu'aucune décision de maintien en zone d'attente ne lui a été notifié ;

- la décision est également dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de placement en zone d'attente qui la fonde, cette décision étant entachée d'un détournement de procédure. Le maintien en zone d'attente a été notifié avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 13 avril 2019 créant une zone d'attente temporaire sur l'emprise du gymnase du parc ;

- la décision du ministre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ses allégations de craintes de persécutions étant crédibles, non dénuées d'éléments circonstanciés et sont chronologiquement vraisemblables. Il ressort d'un article de presse que son retour au Sri Lanka entraînerait son placement en détention ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 33 de la Convention de Genève et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la situation troublée du Sri Lanka et à la pratique de la torture ;

- le refus d'entrée est devenu caduc à la suite de l'attribution d'un visa de régularisation. Son objet a donc disparu ;

- la décision a été exécutée le 29 avril 2019, soit avant que le tribunal ne statue sur le recours à fin d'annulation. Dans ces conditions, l'exécution du réacheminement présente un caractère vexatoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le recours devant le tribunal administratif était tardif car il a été présenté au-delà du délai de quarante-huit heures prévu par l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les moyens invoqués par M. H... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 janvier 2020 à midi.

M. B... H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. G... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., ressortissant sri lankais, a sollicité le 14 avril 2019 l'accès au territoire français en présentant une demande d'asile. Après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a émis un avis de non-admission le 19 avril 2019, le ministre de l'intérieur a, le jour même, rejeté sa demande d'entrée en France et a prescrit son réacheminement vers le Sri Lanka ou tout autre pays où il sera légalement admissible. M. H... relève appel de l'ordonnance du 2 mai 2019 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision comme étant irrecevable en raison de sa tardiveté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 9 janvier 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de M. H... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur l'étendue du litige :

3. M. H... semble faire valoir que le refus d'entrée sur le territoire national est devenu caduc à la suite de la délivrance d'un visa de régularisation délivré le 20 avril 2019 et qu'ainsi les conclusions tendant à son annulation seraient devenues sans objet. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'avant la délivrance de ce visa, au demeurant intervenue antérieurement à l'introduction de l'instance, ce refus d'entrée sur le territoire national a été exécuté et a ainsi produit des effets. Par suite, les conclusions tendant à son annulation ne sont pas privées de leur objet.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et, le cas échéant, d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de ces décisions, en demander l'annulation au président du tribunal administratif (...) le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée (...) rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ou entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance (...) ". Aux termes de l'article R. 213-6 de ce code : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1. Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre. ".

5. Le requérant soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée. Pour établir la notification de cette décision, le ministre de l'intérieur se borne à produire un procès-verbal de clôture des opérations du 20 avril 2019 en vertu duquel il a été procédé aux dernières notifications des différents actes de procédure concernant les ressortissants sri lankais placés en zone d'attente au gymnase de Duparc. Ce procès-verbal à lui seul, qui ne fait pas mention du nom des personnes concernées, est insuffisant pour établir la notification de la décision en litige. Dès lors, le délai de recours contentieux n'a pas commencé à courir et la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la demande doit être rejetée. Par suite, l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée.

6. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de La Réunion.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 avril 2019 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile doit être informé du déroulement de la procédure dont il fait l'objet et des moyens dont il dispose pour satisfaire à son obligation de justifier du bien-fondé de sa demande. Ces dispositions impliquent notamment que l'étranger soit informé de la possibilité de communiquer avec un représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR).

8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 14 avril 2019 paraphé et signé par l'intéressé et signé par l'interprète en langue tamoule, que, contrairement à ce que soutient le requérant, il a été avisée, par le truchement de cet interprète, de la possibilité de prendre contact avec un représentant du HCR et des informations prévues par l'article R. 213-2, lequel n'impose pas la remise d'une brochure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre. ".

10. Si le requérant soutient que la transcription de l'audition par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne lui a pas été communiquée en méconnaissance de l'article R. 723-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit être regardé comme invoquant les dispositions précitées de R. 213-6 du même code. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité la communication de cette transcription. En tout état de cause, l'absence de communication de la transcription de l'audition, qui ne conditionne que l'opposabilité du délai de recours contentieux, est sans influence sur la légalité de la décision contestée.

11. En troisième lieu, la confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes sollicitant l'asile en France constitue une garantie essentielle du droit d'asile, lequel est un principe de valeur constitutionnelle. Si le requérant soutient que l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la décision du ministre seraient accessibles à des agents du ministère de l'intérieur non habilités, il ne produit aucun élément au soutien de son allégation, laquelle consiste au demeurant en une simple éventualité. Si le requérant soutient également que la transcription de son audition par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été communiquée au ministre de l'intérieur, d'une part, la garantie de confidentialité ne fait pas obstacle à ce que les agents habilités à mettre en oeuvre le droit d'asile, lesquels sont astreints au secret professionnel, aient accès à ces informations et, d'autre part, il n'est ni établi ni même allégué que le ministre de l'intérieur, à qui il appartient de se prononcer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'asile de l'étranger, aurait communiqué ce document ou des informations y figurant aux autorités sri lankaises. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de la confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes sollicitant l'asile en France doit être écarté.

12. En quatrième lieu, si le requérant soutient que l'entretien s'est déroulé dans des conditions matérielles insatisfaisantes en raison notamment d'une connexion internet erratique, il n'invoque au soutien de ce moyen la méconnaissance d'aucun texte et n'assortit donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Le présent titre s'applique également à l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, le temps strictement nécessaire pour vérifier (...) si sa demande n'est pas irrecevable ou si elle n'est pas manifestement infondée (...) ". Aux termes de l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche. La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 18 avril 2019, que M. H... est arrivé à La Réunion par voie maritime et a débarqué dans le port de Sainte-Rose le 13 avril 2019 à 18h25 en compagnie de 122 autres ressortissants sri lankais puis a été conduit dans l'enceinte du gymnase Sainte-Marie à 20h25 avant d'être placé en zone d'attente à 22h30. Le groupe comprenant plus de dix étrangers, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles la zone d'attente s'étend du lieu de la découverte des intéressés, en l'espèce le port de Sainte-Rose, jusqu'au point de passage frontalier le plus proche, soit l'aéroport de La Réunion, et aux lieux dans lesquels l'intéressé devait se rendre dans le cadre de la procédure en cours, lesquels incluent l'enceinte du gymnase Sainte-Marie. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, il n'a donc pas quitté la zone d'attente depuis son débarquement sur le port de Sainte-Rose, sans qu'il puisse utilement se prévaloir de l'illégalité, à la supposer même établie, de l'arrêté du 13 avril 2019 du préfet de La Réunion portant création d'une zone d'attente temporaire dans l'enceinte du gymnase Sainte-Marie.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...)3° Ou la demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves (...) ".

16. M. H... fait valoir que sa famille fournissait une aide alimentaire à des membres des Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE), que son frère qui était membre de cette organisation est décédé en 1999, qu'à la suite d'une dénonciation sa famille a été identifiée par les services de renseignements sri lankais, qu'il a alors été arrêté et détenu pendant quatre jours durant lesquels il a été victime de mauvais traitements, qu'après avoir quitté le pays il a été convoqué par les autorités à son retour, que son fils a été arrêté et qu'il a donc quitté son pays pour éviter de nouvelles mesures de rétorsion. Cependant le requérant ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations. De même, l'article de presse, au demeurant non traduit, qui se borne à indiquer que huit ressortissants sri lankais revenant de La Réunion ont été placés en détention provisoire, ne permet pas davantage d'établir l'existence d'un tel risque. Dès lors, le ministre de l'intérieur, en estimant que la demande formulée par M. H... apparaissait comme dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves et devait être considérée comme manifestement infondée au sens de l'article L. 213-8-1 précité, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

17. En septième lieu, en se bornant à se prévaloir de rapports en vertu desquels la police sri lankaise aurait recours à la torture, en dépit de son interdiction, et à des violences sexuelles, M. H... ne fait état d'aucun risque personnel et actuel de mauvais traitements en cas de retour au Sri Lanka. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève par la décision fixant le pays de destination ne peuvent qu'être écartés.

18. En dernier lieu, M. H... fait valoir que la décision litigieuse a été exécutée le 29 avril 2019 et semble se prévaloir du caractère déloyal de cette exécution, laquelle est antérieure à la décision du premier juge sur son recours. Cependant, l'exécution de cette décision est sans incidence sur sa légalité.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 19 avril 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. H... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'ordonnance n° 1900767 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion en date du 2 mai 2019 est annulée.

Article 3 : La demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de La Réunion et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. B... H... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... D..., présidente-assesseure,

M. G... C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 février 2020.

Le rapporteur,

Paul-André C...

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02041
Date de la décision : 10/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-10;19bx02041 ?
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