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06/02/2020 | FRANCE | N°18BX00264

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 06 février 2020, 18BX00264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 279 464 euros qui lui a été notifiée par quatre avis à tiers détenteur du 4 avril 2016.

Par un jugement n° 1600488 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme de 279 464 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 et 2007 dont le

recouvrement a été poursuivi par quatre avis à tiers détenteur émis le 4 avril 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 279 464 euros qui lui a été notifiée par quatre avis à tiers détenteur du 4 avril 2016.

Par un jugement n° 1600488 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme de 279 464 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 et 2007 dont le recouvrement a été poursuivi par quatre avis à tiers détenteur émis le 4 avril 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 janvier, 26 septembre et 26 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique et de remettre à la charge de M. B... la somme de 279 464 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007.

Il soutient que :

- le sursis de paiement est de droit et n'est pas conditionné à la constitution de garanties ; ainsi, le fait que le contribuable ne fournisse pas de garanties ne peut remettre en cause le sursis de paiement, lequel a été accordé dès sa demande régulière, avant même la production des garanties, et est maintenu jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue, comme le prévoit l'alinéa 2 de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

- par conséquent, le délai de prescription de l'action en recouvrement des impositions complémentaires mises à la charge de M. B... n'a pas été suspendu du 26 septembre 2011, date de réception, par l'administration, de sa réclamation préalable assortie d'une demande de sursis de paiement, jusqu'au rejet le 10 décembre 2015, date du rejet de cette réclamation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mai 2018 et le 25 octobre 2018, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête du ministre et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir, à titre principal, que le recours est sans objet dès lors que la demande de sursis n'était pas recevable, et, à titre subsidiaire qu'il est mal fondé dès lors que le courrier du 26 septembre 2011 ne peut constituer une réclamation contentieuse avec demande de sursis de paiement et que par conséquent, les créances sont prescrites.

Par ordonnance du 13 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 et 2007, mises en recouvrement le 31 décembre 2009. Le 4 avril 2016, le comptable du centre des finances publiques de Saint Esprit a notifié des avis à tiers détenteurs pour avoir paiement d'une somme totale de 328 602,10 euros correspondant à plusieurs impositions dues par M. B..., à savoir des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des cotisations de taxe foncière pour 2010, dont M. B... a accusé réception le 13 avril 2016. Par jugement du 24 octobre 2017 le tribunal administratif de la Martinique, saisi par M. B..., à la suite du rejet partiel de l'opposition formée le 25 avril 2016 contre ces actes de poursuite, a déchargé l'intéressé de l'obligation de payer les sommes visées par les avis à tiers détenteur litigieux se rapportant aux cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales des années 2006 et 2007. Le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique.

2. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ".

3. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable après le 1er janvier 2002 : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (...). A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) ". Aux termes de l'article R. 277-1 du même livre : " Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l'article L. 277. Le contribuable dispose d'un délai de quinze jours à compter de la réception de l'invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu'il s'engage à constituer. (...) Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes par le contribuable parce qu'elles ne répondent pas aux conditions prévues au deuxième alinéa, il lui notifie sa décision par lettre recommandée ".

4. Le ministre soutient que le tribunal a fait une application erronée de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales en vertu duquel le délai de prescription de l'action en recouvrement est suspendu jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent et que le sursis de paiement est de droit et ce alors même que le redevable n'a pas constitué de garanties.

5. M. B... fait valoir en défense que le courrier du 26 septembre 2011 ne peut constituer une réclamation contentieuse avec demande de sursis de paiement et que par conséquent, en 1'absence de sursis, les créances sont prescrites.

6. Toutefois, l'objet même du courrier du 26 septembre 2011 est clairement identifié par la mention " contentieux et demande de sursis de paiement ", cette demande intervient après la mise en recouvrement des impositions à l'issue du contrôle fiscal et M. B... y sollicite expressément le bénéfice du sursis de paiement. Par conséquent, ce courrier ne peut être regardé comme un élément de dialogue du contrôle fiscal mais constitue une réclamation assortie du sursis de paiement.

7. Contrairement à ce que soutient M. B..., cette réclamation mentionne l'imposition contestée, contient 1'exposé sommaire des moyens et des conclusions en indiquant que 1'envoi des pièces de procédures du contrôle a été effectué à une adresse autre que son adresse habituelle et que par conséquent, il n'a pas pu se présenter aux convocations et porte sa signature manuscrite conformément aux dispositions de l'article R 197-3 du livre des procédures fiscales. Les circonstances que les avis d'imposition n'étaient pas joints ou que ce courrier n'a pas été adressé au service territorial dont dépend l'imposition, ne sont pas de nature à entacher la recevabilité de la réclamation dès lors que le service instructeur peut obtenir les avis d'imposition auprès de la brigade de vérification et que le service, saisi d'une réclamation qui ne lui est pas destinée, est tenu de la transmettre au service compétent.

8. La circonstance que l'administration n'a pas accusé réception de cette réclamation en adressant un récépissé au contribuable, conformément aux dispositions de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, est sans incidence sur la nature du courrier.

9. Enfin, la circonstance que l'administration n'a pas statué sur la réclamation de M. B... dans les délais prévus à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur sa régularité.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... a déposé une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement le 26 septembre 2011, reçue par le centre des finances publiques le 18 octobre 2011. Eu égard aux dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales issues de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002, entrées en vigueur le 1er janvier 2002, cette demande a eu pour effet de suspendre l'action en recouvrement à compter du 18 octobre 2001 et jusqu'à la notification, le 10 décembre 2015, du rejet de cette réclamation. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la circonstance que M. B... n'a pas constitué de garanties dans le délai de quinze jours qui lui a été imparti pour le faire par courrier du trésorier en date du 1er décembre 2011 est sans incidence, dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales applicables à partir du 1er janvier 2002 qu'en cas de défaut de constitution de garanties, l'exigibilité de la créance et, partant, la prescription de l'action en recouvrement, restent suspendues, jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. Ainsi, à la date d'établissement des avis à tiers détenteur litigieux du 4 avril 2016, le délai de quatre ans, qui avait recommencé à courir à la date à laquelle la décision du 10 novembre 2015 rejetant sa réclamation du 26 septembre 2011 a acquis un caractère définitif, n'était pas écoulé et la prescription n'était pas acquise au contribuable. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a déchargé M. B... de l'obligation de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales des années 2006 et 2007 au motif que l'action en recouvrement était prescrite.

11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués par M. B... tant devant le tribunal administratif de la Martinique que devant la cour.

12. M. B... soutient que les avis à tiers détenteurs n'ont pas été régulièrement notifiés aux motifs, d'une part, que l'administration n'a produit qu'un seul avis de réception pour les quatre notifications et, d'autre part, qu'il n'est pas le signataire de l'avis postal. Toutefois, les actes de poursuites ayant la même date et ayant été adressés au même redevable, ont été envoyés sous un pli recommandé unique avec avis de réception postal à 1'adresse connue de l'administration et la référence de l'avis de réception postale apparaît sur les notifications d'avis à tiers détenteur litigieux. En outre, il n'est pas établi que la personne ayant signé l'accusé de réception n'avait pas qualité pour représenter M. B....

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander que l'obligation de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 soit remise à sa charge et que le jugement attaqué soit réformé en ce sens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1600488 du 24 octobre 2017 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : L'obligation de payer la somme de 279 464 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 est remise à sa charge.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics (direction régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde) et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme D... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Florence E...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX00264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00264
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CHAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-06;18bx00264 ?
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