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21/01/2020 | FRANCE | N°19BX03032

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (juge unique), 21 janvier 2020, 19BX03032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler les décisions des 17 novembre 2017 et 20 mars 2018 par lesquelles le centre hospitalier d'Albi lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, et d'enjoindre à ce centre de lui accorder cette protection ;

2°) de lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802149 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de

Toulouse a annulé les décisions contestées, enjoint au centre hospitalier d'Albi d'accor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler les décisions des 17 novembre 2017 et 20 mars 2018 par lesquelles le centre hospitalier d'Albi lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, et d'enjoindre à ce centre de lui accorder cette protection ;

2°) de lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802149 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions contestées, enjoint au centre hospitalier d'Albi d'accorder la protection fonctionnelle à Mme G..., et l'a condamné à verser à celle-ci la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2019 sous le n° 19BX03032, le centre hospitalier (CH) d'Albi représenté par Me B..., qui a fait appel de ce jugement par une requête enregistrée sous le n° 19BX03028, demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution et de mettre à la charge de Mme G... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses moyens sont sérieux et de nature à justifier le sursis tant sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative que sur celui de l'article R. 811-16 ;

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de communiquer son mémoire en défense n° 2, qui comportait des pièces nouvelles, notamment la décision du conseil de discipline rejetant la plainte contre le Dr Rezungles, et était arrivé avant la clôture de l'instruction ; il n'a pas pris en compte ces pièces, alors qu'il a statué en estimant que le CH n'apportait pas d'éléments permettant d'écarter la présomption de harcèlement moral dans le contexte de l'espèce ;

- le tribunal a également outrepassé les conclusions des parties en se prononçant sur l'existence d'un harcèlement moral alors qu'il ne lui était demandé que de se prononcer sur la légalité d'une décision refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ; une enquête pénale est en cours et il n'appartiendrait qu'au juge de plein contentieux de se prononcer ultérieurement ;

- le tribunal n'a pas caractérisé des faits permettant de présumer un harcèlement moral et a commis des erreurs d'appréciation ; le Dr G... a été destinatrice de toutes les invitations nécessaires au même titre que les autres professionnels du service pour toutes les réunions qui la concernaient ; l'attribution des bureaux après travaux, pendant le congé de maternité de Mme G..., ne révèle aucune brimade et l'intéressée, qui a d'ailleurs récupéré le bureau d'un autre médecin, ne démontre pas que celui qui lui avait été attribué n'aurait pas été fonctionnel ; elle a reconnu être isolée et s'exclut elle-même en étant peu présente ; les attestations sur la limitation supposée de son activité sont peu circonstanciées et non assorties des pièces d'identité des signataires ; en outre, les risques liés au service de médecine nucléaire justifient un contrôle plus étroit que dans d'autres disciplines ; aucun propos humiliant n'est établi, et pas davantage d'abus d'autorité ; l'enquête administrative n'a pas permis de confirmer des faits de harcèlement, qui ne peuvent résulter des propres courriers envoyés par la plaignante ;

- la direction du centre hospitalier a pris les mesures appropriées par la rédaction du protocole d'organisation médicale du service de médecine nucléaire, qui a bien abouti à une fluidification des relations entre les deux médecins ;

- l'état de santé du Dr G... ne peut être lié de façon certaine aux faits dénoncés ;

- en prononçant une injonction d'octroyer la protection fonctionnelle alors que la demande de Mme G... laissait au CH le choix des moyens pour remédier à la situation, le tribunal a commis une erreur de droit.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2020, Mme G..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du CH d'Albi d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que ni les conditions de l'article R.811-16, ni celles de l'article R.811-15 ne sont remplies en l'espèce :

- ses ressources lui permettraient de rembourser sans difficulté les sommes qui pourraient être mises à sa charge en cas d'annulation du jugement ;

- les pièces produites en fin d'instance par le CH ne comportaient aucun élément nouveau, dès lors qu'elle avait mentionné précédemment la décision de la chambre disciplinaire et indiqué qu'elle n'était pas définitive. Le tribunal n'a pas statué ultra petita ;

- enfin, les agissements consistant à la mettre systématiquement à l'écart, à limiter son activité libérale, à lui infliger des brimades et propos humiliants, et à multiplier les tracasseries administratives en abusant de sa position hiérarchique, notamment sur ses droits à congés et à formation, sont constitutifs de la part de son supérieur d'un harcèlement moral contre lequel le centre hospitalier est tenu de la protéger. Ils ont perduré après la mise en place d'un protocole régissant le service, lequel n'est pas respecté par le chef de pôle. Ces agissements ont retenti sur sa santé. Elle était donc fondée à demander au tribunal d'enjoindre au CH de prendre des mesures à l'encontre du Dr Rezungles, telles que changement d'affectation, éloignement ou suspension des fonctions.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 janvier 2020 :

- le rapport de Mme F... E... ;

- les observations de Me B... représentant le centre hospitalier d'Albi, et celles de Me C..., représentant Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., épouse A..., médecin au pôle de médecine nucléaire du CH d'Albi depuis le 2 novembre 2010, titularisée au 1er juillet 2013, a rencontré des difficultés relationnelles avec le responsable de la structure interne de médecine nucléaire et chef du pôle médico-technique, à l'encontre duquel elle s'est plainte de harcèlement moral à partir de la décision de 2015 qui l'a autorisée à exercer une activité libérale. Si la plainte qu'elle avait déposée auprès du conseil de l'ordre des médecins a abouti à une relaxe par la chambre disciplinaire dans sa séance du 8 janvier 2019, dont le conseil de l'ordre a au demeurant relevé appel, sa plainte pénale déposée fin juillet 2017 a conduit à la mise en examen pour harcèlement moral de son chef de pôle. Mme G... a sollicité le 7 novembre 2017 du centre hospitalier d'Albi la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, et a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'annulation de la décision du 20 novembre 2017, confirmée sur son recours gracieux le 20 mars 2018, rejetant cette demande. Le CH d'Albi a relevé appel du jugement du 27 juin 2019 annulant cette décision et lui enjoignant d'accorder cette protection à Mme G..., et sollicite par la présente requête qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les conditions du sursis :

2. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif... ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code: " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 811-16 du même code : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies ". Enfin, aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

3. En premier lieu, au regard des revenus du docteur G..., le centre hospitalier d'Albi n'apporte aucun élément permettant de caractériser un risque que l'exécution du jugement l'expose à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. Ainsi, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 811-16 ne peuvent être accueillies.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 811-15 que la seule circonstance que le jugement soit entaché d'irrégularité, en l'espèce pour n'avoir pas communiqué le mémoire arrivé avant clôture par lequel le CH produisait notamment le rejet par la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins de la plainte contre le chef de pôle, ne suffirait pas à justifier qu'il soit sursis à son exécution. Par suite, il y a lieu d'examiner le bien-fondé des motifs par lesquels le tribunal administratif a annulé le refus d'accorder à Mme G... la protection fonctionnelle.

5. Pour contester le refus du bénéfice de la protection fonctionnelle, le fonctionnaire doit apporter à l'appui de ses dires un faisceau d'indices suffisamment probants pour faire présumer l'existence du harcèlement moral dont il se dit victime. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Le CH d'Albi n'apporte en l'état aucun élément permettant de démontrer l'erreur d'appréciation qu'aurait commise selon lui le tribunal en s'appuyant sur les nombreux documents produits par le docteur G... afin d'étayer ses griefs, pour estimer que le faisceau d'indices était suffisant pour justifier l'obtention de la protection fonctionnelle, nonobstant la signature d'un accord le 22 février 2016 entre les deux médecins du service de médecine nucléaire avec le chef d'établissement et le président de la commission médicale d'établissement, dont le respect n'est pas établi. La circonstance que la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins n'ait pas retenu de manquements aux obligations déontologiques du docteur Rezungles ne lie pas la juridiction administrative. Il ressort des pièces produites que le moyen tiré d'une absence de lien entre l'état de santé de Mme G... et les faits dénoncés ne peut davantage créer un doute sur la nécessité d'une protection. De même, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait outrepassé les conclusions présentées ou commis une erreur en enjoignant au CH d'accorder la protection fonctionnelle demandée n'apparait pas davantage sérieux ni de nature à entraîner le rejet des conclusions de Mme G... devant le tribunal. Enfin, le tribunal n'ayant pas défini les mesures à prendre au titre de la protection fonctionnelle qu'il a enjoint d'accorder, la critique du centre hospitalier est mal fondée sur ce point.

7. Il résulte de ce qui précède que les moyens présentés par le centre hospitalier ne paraissent pas de nature à entraîner le rejet des conclusions accueillies par le jugement. Le CH d'Albi n'est donc pas davantage fondé à demander sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CH d'Albi une somme de 1 500 euros à verser à Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le CH d'Albi étant la partie perdante, ses conclusions présentées au même titre ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Albi est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier d'Albi versera à Mme G... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier d'Albi, à Mme D... G... épouse A.... Copie en sera adressée au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

Le président de chambre,

Catherine E...Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19BX03032 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 19BX03032
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-06-02 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Avocat(s) : CONTIS MAÏALEN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-21;19bx03032 ?
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