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21/01/2020 | FRANCE | N°19BX02809

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (juge unique), 21 janvier 2020, 19BX02809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, des provisions de 19 610 euros et de 8 000 euros en réparation des préjudices qu'il imputait au refus fautif de l'établissement de le réintégrer à la suite de sa demande en ce sens, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis

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Par une ordonnance n° 1604802 du 7 novembre 2016, le juge des r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, des provisions de 19 610 euros et de 8 000 euros en réparation des préjudices qu'il imputait au refus fautif de l'établissement de le réintégrer à la suite de sa demande en ce sens, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1604802 du 7 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. M. D... a relevé appel de cette ordonnance.

Par une ordonnance n° 16BX03762 du 16 mars 2017, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'ordonnance du tribunal administratif et a condamné le CHU de Toulouse à verser à M. D... une provision de 12 751 euros, et a mis à la charge du CHU de Toulouse la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

M. A... D... a ensuite demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une somme totale de 27 610 euros, assortie des intérêts de droit, en réparation des préjudices subis du fait du refus illégal de réintégration qui lui a été opposé par le centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner le CHU de Toulouse à lui verser les allocations chômage auxquelles il pouvait prétendre pour la période allant du 20 novembre 2015 au 24 mai 2016 ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603834 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédures devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2019 sous le n° 19BX02809, M. D..., représenté par Me F..., qui a fait appel de ce jugement du tribunal administratif de Toulouse par une requête enregistrée sous le n° 19BX01254, demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution et de mettre à la charge du CHU une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête remplit les conditions posées par l'article R.811-17 du code de justice administrative;

- l'exécution du jugement le rendrait redevable de la somme de 13 951 euros, qui lui a été réglée par le CHU intimé à titre de provision après annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

- l'exécution du jugement lui causerait un préjudice irréversible, dès lors qu'il n'aurait pas d'autre choix que de demander à être placé en état de surendettement ;

- il est dans une situation financière très délicate, rendant impossible le remboursement de la somme en question, car il dispose d'une rémunération mensuelle de 1961,74 euros ; il a dû demander l'aide de ses proches pour pallier au manque de revenus de substitution et/ou de rémunération à défaut de réintégration à première vacance et a emprunté auprès d'eux pour pouvoir vivre ; il a remboursé ses dettes auprès de ses proches dès réception des fonds réglés à titre de provision par le centre hospitalier, et a reversé à sa compagnie de protection juridique les fonds versés au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de sorte qu'il ne dispose plus de la somme qu'il a obtenue, dont il lui est demandé le remboursement immédiat ;

- il existe des moyens sérieux d'annulation à l'encontre du jugement du tribunal administratif, développés dans sa requête au fond ;

- le tribunal a mal interprété les faits qui lui étaient soumis en considérant qu'il avait demandé à être réintégré sur un poste de brancardier dans son courrier en date du 17 novembre 2015, alors que celui-ci n'avait émis aucune exigence sur sa réintégration à un poste de brancardier, et en considérant que le CHU ne pouvait donc lui proposer un poste d'aide-soignant pourtant disponible immédiatement à la date de sa première demande ;

- le tribunal s'est contredit en jugeant qu'il n'aurait donc pas accepté un poste d'aide-soignant pour cette raison, et en constatant ensuite qu'il n'avait pas précisé souhaiter une réintégration dans les fonctions de brancardier ;

- le tribunal a retenu l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice financier direct et certain en rapport avec la circonstance qu'il ne souhaitait qu'une réintégration sur des fonctions de brancardiers alors qu'il a accepté un poste en hématologie qui était vacant en janvier 2016 et ne lui a été proposé qu'en décembre 2016;

- à supposer qu'il aurait fait savoir d'emblée qu'il privilégiait une réintégration sur un poste de brancardier avant son entretien du 23 mai 2016, l'administration aurait dû lui proposer un poste d'aide-soignant parmi ceux disponibles dès lors qu'ils correspondaient à son grade, ce qui n'a été fait qu'en mai et décembre 2016, alors que des postes étaient vacants depuis janvier 2016 ;

- il a été illégalement maintenu d'office en disponibilité et a subi un préjudice financier direct et certain, imputable au CHU ;

- il a été informé tardivement de ses droits à bénéficier d'allocations de chômage lors de la décision de le maintenir en disponibilité en mai 2016 et n'a pas pu les faire valoir pour bénéficier de ces revenus de substitution ;

- le tribunal a rejeté sans motivation ses demandes complémentaires au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2019, le CHU de Toulouse, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête de M. D... et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition tenant à ce que l'exécution du jugement risquerait d'entraîner des conséquences difficilement réparables n'est pas remplie, car un jugement de rejet n'entraîne en tant que tel aucune mesure d'exécution ;- M. D... ne se plaint pas de l'exécution du jugement du 7 février 2019 mais de celle du titre de recette n°1318197 ;- M. D... ne fournit aucune indication concernant le montant des aides dont il aurait bénéficié, aucun justificatif de leur versement, et aucun autre élément permettant de retenir qu'il aurait effectivement procédé au remboursement de ces aides, et ne fournit pas d'indication permettant de savoir s'il a exercé une activité rémunérée au cours de l'année 2016 ;

- M. D... ne justifie pas qu'il serait exposé à solliciter une procédure de surendettement par le seul effet du jugement, et qu'il ne pourrait pas rembourser sa dette, notamment au vu du fait qu'il exerce désormais à nouveau une activité rémunérée depuis plus de 30 mois ;

- les moyens énoncés dans la requête ne satisfont pas à la condition de sérieux au sens des dispositions de l'article R.811-17 du code de justice administrative ;

- M. D... n'avait pas droit à être réintégré à la première vacance de poste car il n'a pas sollicité sa réintégration à l'expiration de la période de disponibilité ;

- M. D... n'a eu de cesse depuis la formulation de sa demande du 17 novembre 2015 d'exiger une réintégration exclusivement sur un poste de brancardier, et fait preuve de mauvaise foi en instrumentalisant le motif tiré de la sécurité des patients pour refuser un poste d'aide-soignant, alors que, menacé de licenciement, il a finalement accepté le dernier poste d'aide-soignant proposé ;

- M. D... ne saurait se prévaloir d'un quelconque droit au versement de l'allocation de retour à l'emploi à compter du 13 juin 2016 car son maintien en disponibilité au-delà de cette date ne résulte plus de motifs indépendants de sa volonté ;

- pour la période antérieure au 13 juin 2016, il ne peut lui être fait grief d'avoir tardé à instruire une prétendue demande de versement des allocations chômage, dont M. D... ne justifie pas l'existence, et aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'employeur public d'un fonctionnaire de l'informer sur ses droits à percevoir le revenu de remplacement constitué par les allocations d'assurance chômage.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n°86-33 du 6 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n°88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... B... a été entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... a été recruté en 2001 en qualité d'aide-soignant titulaire par le centre hospitalier universitaire de Toulouse, où il a occupé des fonctions de brancardier. Par arrêté du 2 octobre 2012, il a obtenu sa mise en disponibilité pour convenance personnelle pour une durée de deux ans. Par un arrêté du 12 novembre 2014, il a été fait droit à sa demande de prolongation de sa mise en disponibilité pour une durée de deux années supplémentaires à compter du 1er janvier 2015. M. D... a sollicité sa réintégration anticipée par courrier du 20 novembre 2015. Le 12 mai 2016, le centre hospitalier l'a informé de son maintien d'office en disponibilité, faute de poste vacant. Le 24 mai 2016, deux postes vacants d'aides-soignants ont été proposés à M. D..., qui a décliné ces offres. M. D... a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 février 2019 rejetant ses demandes indemnitaires à l'encontre du CHU de Toulouse. Par la présente requête, il sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les conditions du sursis :

2. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif... ". Aux termes de l'article R.811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ". Enfin, aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

S'agissant des conséquences difficilement réparables :

3. Aux termes de l'article L.11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". Alors même qu'un jugement de rejet d'une demande indemnitaire, faisant suite à une provision versée par une ordonnance de référé, n'entraînerait en lui-même aucune mesure d'exécution particulière, son caractère exécutoire aurait pour conséquence de rendre une somme réglée à titre de provision directement exigible par la personne publique l'ayant versée. M. D... ayant perçu la provision que le CHU de Toulouse avait été condamné à lui verser par une ordonnance du 16 mars 2017, le jugement rejetant sa requête au fond a pour effet de rendre exigible la somme versée à la suite de cette décision.

4. Il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que M. D... a vécu plusieurs mois sans revenus, et qu'il a subsisté grâce à des revenus versés par ses proches, dont il fournit les attestations. Il soutient avoir remboursé ses proches grâce à la somme qui lui a par la suite été versée à titre de provision par le CHU de Toulouse, et qui lui est désormais réclamée par ce dernier par un titre de recette du 10 avril 2019, et justifie avoir rétrocédé à son assureur la somme correspondant à l'indemnité au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

5. M. D..., qui a accepté la troisième proposition de poste qui lui a été faite en décembre 2016, a été réintégré dans un emploi d'aide-soignant depuis le mois de janvier 2017 et perçoit un revenu mensuel de 1 961,74 euros. Ayant été plus d'un an sans emploi, et ayant vécu grâce aux subsides versés par ses proches, qu'il était fondé à rembourser, il n'est pas sérieusement contestable que la demande du CHU de restituer la somme qu'il avait versée en exécution d'une ordonnance du juge des référés de la cour, laquelle est une conséquence directe du jugement de rejet de sa demande, comporte pour lui des conséquences difficilement réparables.

S'agissant du sérieux des moyens :

6. Aux termes de l'article 37 du décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers : " Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres, à la date d'expiration de la période de disponibilité. Sous réserve des dispositions des troisième et quatrième alinéas ci-dessous, la réintégration est de droit à la première vacance lorsque la disponibilité n'a pas excédé trois ans. Le fonctionnaire qui refuse l'emploi proposé est maintenu en disponibilité. Le fonctionnaire qui ne peut être réintégré faute de poste vacant est maintenu en disponibilité jusqu'à sa réintégration et au plus tard jusqu'à ce que trois postes lui aient été proposés. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la réintégration d'un fonctionnaire sollicitée deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours est de droit à la première vacance si la disponibilité n'a pas excédé 3 ans, nonobstant le fait qu'elle ait été demandée pour convenances personnelles, et que la réintégration soit demandée à titre anticipé. M. D... ayant demandé sa réintégration plus de deux mois avant l'expiration de sa période de disponibilité, qui n'excédait alors pas trois ans, il avait droit à être réintégré à la première vacance. Il ressort des pièces du dossier que des postes d'aide-soignants étaient disponibles dès décembre 2015 et la prétendue préférence de l'intéressé pour un poste de brancardier ne dispensait pas le CHU de lui proposer les postes disponibles, quand bien même ils auraient nécessité une formation préalable, alors qu'il ne saurait être présumé que l'intéressé les aurait refusés. Ce moyen paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier le sursis à l'exécution du jugement attaqué.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à obtenir qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1603834 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions exposées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le CHU de Toulouse soient mises à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce que la cour statue sur l'appel formé par M. D... à l'encontre du jugement n° 1603834 du tribunal administratif de Toulouse, il est sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

Le président de chambre,

Catherine B...Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19BX02809


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 19BX02809
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-06-02 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Avocat(s) : SABATTE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-21;19bx02809 ?
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