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14/01/2020 | FRANCE | N°19BX03194

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 janvier 2020, 19BX03194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 juillet 2017 du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'elle porte refus de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1704189 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jug

ement du tribunal administratif de Toulouse du 20 juin 2019;

2°) d'annuler la décision du préfet de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 juillet 2017 du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'elle porte refus de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1704189 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 juin 2019;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Haute-Garonne du 17 juillet 2017 en tant qu'elle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'État le paiement au profit de son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision du préfet de la Haute-Garonne est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable et que les observations complémentaires qu'elle a faites valoir postérieurement à l'édiction de cette décision n'ont pas été prises en compte ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son admission se justifie au regard de motifs exceptionnels ; en effet, elle est entrée en France en novembre 2013 avec son mari, de nationalité portugaise et dont elle a eu un enfant, A..., qui est né en mars 2014 ; elle est séparée de son époux depuis le mois d'avril 2015 et a déposé sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en septembre 2016 ; elle démontre sa présence continue en France depuis l'année 2014 ; bien que la résidence de son fils a été fixée à son domicile, son père, qui réside en France, est très présent dans la vie du jeune A... ; elle ne peut quitter la France dans la mesure où cela séparerait A... de son père et contreviendrait à la décision du juge aux affaires familiales ; elle produit plusieurs documents d'employeurs potentiels qui attestent ne pas pouvoir la recruter tant qu'elle n'est pas autorisée à travailler en France ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le titre de séjour " visiteur " qui lui a été délivré ne lui permet pas de travailler et elle ne peut donc subvenir à ses besoins et à ceux de son fils ; elle justifie de ses efforts d'intégration et de recherche d'emploi ;

- elle viole les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 dès lors qu'elle aurait pour effet de séparer son fils de l'un de ses deux parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2019.

Par une décision n° 2019/016489 du 10 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis Mme E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E..., ressortissante capverdienne née le 15 octobre 1993, est entrée en France au mois de novembre 2013, selon ses déclarations, en compagnie de son conjoint de nationalité portugaise. A la suite de sa séparation d'avec son époux et du prononcé d'une ordonnance de non conciliation, le 10 mars 2016, par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Toulouse, elle a sollicité, le 20 septembre 2016, la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa qualité de mère d'un enfant portugais, né en mars 2014 à Toulouse et dont le père vit et travaille en France. Par une décision du 17 juillet 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre sollicité et lui a délivré un titre de séjour portant la mention " visiteur ", valable un an du 21 août 2017 au 20 août 2018. Mme E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 juin 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 17 juillet 2017 en tant qu'elle porte refus de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à travailler, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 10 octobre 2019, Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Concernant la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée.

4. Mme E... fait valoir qu'elle est mère d'un jeune enfant A..., né le 4 mars 2014, qui est scolarisé en France et dont le père, de nationalité portugaise, y réside régulièrement, de même que ses grands-parents paternels. Elle soutient également, sans être utilement contredite, que, bien que séparée du père de A..., sa situation nécessite qu'elle puisse se maintenir sur le territoire français aux côtés de son fils afin que ce dernier puisse continuer de voir son père et que, par ailleurs, elle puisse être autorisée à travailler dès lors qu'elle doit pouvoir subvenir aux besoins de son enfant pour lequel le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Toulouse a, par un jugement du 23 octobre 2018, confirmé la fixation de la résidence habituelle chez sa mère et la contribution du père aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant à 50 euros par mois, tels qu'ils avaient déjà été déterminés dans l'ordonnance de non conciliation du 10 mars 2016. Le père de l'enfant dispose, en outre, d'un droit de visite et d'hébergement de A..., l'autorité parentale étant exercée conjointement par les deux parents. Dans ces conditions, compte tenu des motifs exceptionnels dont justifiait ainsi Mme E..., cette dernière est fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance du titre de séjour qu'elle sollicitait, le préfet de la Haute-Garonne a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de sa vie privée et familiale. Il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juillet 2017 du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'elle lui refuse la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'annulation de la décision contestée implique, eu égard au motif retenu, que le préfet délivre à Mme E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement au conseil de la requérante d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1704189 du 20 juin 2019 et la décision du préfet de la Haute-Garonne du 17 juillet 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de Mme E... une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur

M. Thierry C..., premier-conseiller,

Lu en audience publique, le 14 décembre 2020.

Le rapporteur,

Thierry C...Le président

Catherine Girault

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX03194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03194
Date de la décision : 14/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : GAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-14;19bx03194 ?
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