Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la collectivité territoriale de Martinique sur sa demande indemnitaire préalable et, d'autre part, de condamner ladite collectivité territoriale à lui verser la somme de 308 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi lors d'un échange de parcelle.
Par un jugement n° 1600478 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, Mme E... D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 décembre 2017 en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire ;
2°) de condamner la collectivité territoriale de Martinique à lui verser la somme de 308 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi lors d'un échange de parcelle ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Martinique la somme de 5 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le département a commis une faute en lui vendant un terrain inconstructible en toute connaissance de cause ;
- le département n'a pas respecté l'engagement de la dédommager de la valeur de sa maison d'habitation ;
- elle a droit à la réparation du préjudice correspondant à la valeur de la construction actuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, la collectivité territoriale de Martinique, représentée par Me C..., conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de celle-ci. Elle sollicite la mise à la charge de Mme D... de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable en ce qu'elle n'a pas été présentée par un avocat, qu'elle n'est pas signée et qu'elle ne comporte pas de moyens d'appel ;
- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés ;
- à supposer que le jugement attaqué soit censuré, elle entend faire valoir l'ensemble des moyens soulevés en première instance auxquels elle ajoute que la requête présentée aux premiers juges est irrecevable pour défaut de liaison du contentieux et qu'elle ne peut être satisfaite dès lors que les préjudices allégués ne sont pas justifiés.
Par une ordonnance du 7 août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2019 à 12 h 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A... ;
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du relogement des habitants de la zone du barrage de la Manzo, le conseil général de la Martinique a autorisé divers échanges de parcelles entre le département et les riverains dont les habitations ont subi des dégradations ou présentent un risque de contamination pour le plan d'eau. Par des délibérations des 9 janvier 2003 et 16 juin 2005, la commission permanente du conseil général de la Martinique a ainsi autorisé l'échange entre, d'une part, une parcelle issue de la division de la parcelle cadastrée section AH n° 1 et, d'autre part, la parcelle cadastrée section AH n° 66 appartenant aux consorts D... ainsi que la cession à Mme D... de la parcelle nouvellement cadastrée section AH n° 292 issue de la division de la parcelle cadastrée section AH n° 66, d'une contenance de 1444 m2, sur laquelle est implantée la maison d'habitation de l'intéressée. L'acte de vente a été signé le 26 août 2010. Par un courrier du 2 février 2016, Madame D... a demandé à la collectivité territoriale de Martinique, venant aux droits du département, de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de cet échange de parcelles. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et à la condamnation de la collectivité territoriale de Martinique à lui verser la somme de 308 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la requête de Mme D.... Celle-ci relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Mme D..., qui soutient que le département a commis une faute en lui cédant la parcelle qu'il savait inconstructible section AH n° 292 et n'a pas respecté l'engagement qu'il avait pris de la dédommager de la valeur de la maison y étant implantée, doit être regardée comme recherchant la responsabilité pour faute de la collectivité territoriale de Martinique venant aux droits du département à raison de la cession d'une parcelle inconstructible et de promesses non tenues.
En ce qui concerne l'engagement de responsabilité pour cession d'une parcelle inconstructible :
3. Il résulte de l'instruction que la parcelle cadastrée section AH n° 292, issue de la division de la parcelle cadastrée section AH n° 66, sur laquelle a été implantée la maison de Mme D... à la suite d'un permis de construire délivré en avril 1975, a été classée en zone naturelle par le plan d'occupation des sols de la commune du François et qu'un certificat d'urbanisme négatif indiquant que n'y étaient autorisées ni les constructions nouvelles, ni la restauration, ni la rénovation des bâtiments existants, lui a été délivré le 13 août 1997. Il ressort tant du courrier du 16 octobre 2000 par lequel Mme D... a proposé au président du conseil général de la Martinique d'acquérir cette parcelle que du compte rendu d'une audience accordée le 8 juillet 2004 à la délégation du comité Manzo que l'intéressée connaissait le caractère inconstructible du terrain.
4. Dès lors, le département n'a pas induit Mme D... en erreur sur les possibilités de construire sur la parcelle cadastrée section AH n° 292 acquise par l'intéressée le 26 août 2010 et n'a, par suite, pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. Il suit de là que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis à raison de la cession d'une parcelle inconstructible.
En ce qui concerne l'engagement de responsabilité pour promesses non tenues :
5. Si Mme D... soutient en appel que le département n'a pas respecté l'engagement qu'il avait pris de la dédommager de la valeur de la maison implantée sur la parcelle cadastrée section AH n° 292, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du compte-rendu de la séance de travail qui s'est déroulée le 21 janvier 1998 en l'étude du notaire en charge du dossier, qu'un tel engagement ait jamais été pris. Il ressort au contraire du compte-rendu de l'audience accordée le jeudi 8 juillet 2004 à la délégation du comité Manzo que la demande d'indemnisation de la maison de Mme D... n'a fait l'objet d'aucune décision au cours de cette audience ni d'ailleurs, ainsi que le compte-rendu en atteste, lors de la réunion de la commission ad hoc de Manzo du 22 décembre 2004 au cours de laquelle il a été indiqué par le département que, faute de figurer sur la liste des attributaires, les consorts D... n'étaient pas éligibles au dispositif de relogement résultant de la délibération n° 126-83 du 2 décembre 1983. La circonstance, à la supposer établie que, lors de l'audience du 8 juillet 2004, ait été donnée à Mme D... " l'assurance (...) qu'elle pourrait disposer si nécessaire, d'un document autorisant des réparations dans sa maison ", aucun engagement de dédommagement n'en résulte.
6. Dès lors, Mme D... n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis à raison de promesses non tenues.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :
8. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Martinique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... réclame sur le fondement de ces dispositions. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la collectivité territoriale de Martinique et non compris dans les dépens.
9. D'autre part, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de Mme D... tendant à l'application de l'article R. 761-1 du même code ne peuvent être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera à la collectivité territoriale de Martinique la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et à la collectivité territoriale de Martinique.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme B... A..., présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac. premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 janvier 2020.
Le rapporteur,
Karine A...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX00564 2