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30/12/2019 | FRANCE | N°18BX01947

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 30 décembre 2019, 18BX01947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif DLE Outre-Mer a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la régie communautaire de l'eau et de l'assainissement de la communauté d'agglomération des communes du centre de la Martinique, Odyssi, à lui verser une somme de 230 000 euros, majorée des intérêts moratoires, au titre de l'allongement de la durée d'exécution du marché d'extension du réseau de collecte des eaux usées et de reprise du réseau d'eau potable sur la liaison Ravine Touza - Norley.<

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Par un jugement n° 1600373 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de la Ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif DLE Outre-Mer a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la régie communautaire de l'eau et de l'assainissement de la communauté d'agglomération des communes du centre de la Martinique, Odyssi, à lui verser une somme de 230 000 euros, majorée des intérêts moratoires, au titre de l'allongement de la durée d'exécution du marché d'extension du réseau de collecte des eaux usées et de reprise du réseau d'eau potable sur la liaison Ravine Touza - Norley.

Par un jugement n° 1600373 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2018 et un mémoire enregistré le 19 novembre 2019, la société DLE Outre-Mer, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 6 mars 2018 ;

2°) de condamner la régie communautaire de l'eau et de l'assainissement de la communauté d'agglomération des communes du centre de la Martinique Odyssi à lui verser une somme de 230 000 euros, majorée des intérêts moratoires en réparation du préjudice que lui a causé l'allongement de la durée d'exécution du marché d'extension du réseau de collecte des eaux usées et de reprise du réseau d'eau potable sur la liaison Ravine Touza - Norley ;

3°) d'annuler les pénalités de retard mises à sa charge, subsidiairement, d'en moduler le montant ;

4°) de mettre à la charge d'Odyssi une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est contractuellement fondée à demander l'indemnisation des préjudices que lui a causé l'ajournement des travaux dès lors que l'article 4.5 du CCAP ne lui est pas opposable, faute de figurer sur la liste récapitulative des stipulations dérogatoires au CCAG prévue par l'article 1er de ce cahier ;

- elle justifie du montant des préjudices qu'elle a subis à raison de cet ajournement et de l'imputabilité au maître d'ouvrage des retards pris dans l'exécution du marché ;

- le retard pris dans l'exécution du marché ne lui est pas imputable et en tout état de cause le montant des pénalités de retard mises à sa charge est manifestement excessif ;

- elle a contractuellement droit au paiement des intérêts moratoires à compter de la notification de son mémoire en réclamation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 janvier et 22 novembre 2019, Odyssi, représentée par Mes Especel et de Thoré, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société DLE Outre-Mer au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle fait valoir que :

- le mémoire de réclamation n'ayant pas été établi par la société appelante, le décompte général du marché est devenu définitif de sorte que la requête de la société DLE Outre-Mer est irrecevable ;

- les moyens invoqués par cette société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... D...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société DLE Outre-Mer, et de Me E..., représentant Odyssi.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 31 mai 2011, la régie communautaire de l'eau et de l'assainissement de la communauté d'agglomération des communes du centre de la Martinique Odyssi a confié l'exécution du marché d'extension du réseau de collecte des eaux usées et de reprise du réseau d'eau potable sur la liaison Ravise Touza - Norley à la société DLE Outre-Mer. Les travaux ont été réceptionnés avec effet au 27 août 2013, et, le 28 septembre 2015, Odyssi a notifié à la société le décompte général et définitif du marché, mentionnant des pénalités de retard d'un montant de 621 154 euros pour 39 semaines de retard, ramené à 582 030 euros par une décision du 24 décembre 2015. La société DLE Outre-Mer demande à la cour d'annuler le jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation des pénalités de retard qui lui ont été infligées et à la condamnation d'Odyssi à lui verser une somme de 230 000 euros au titre de l'allongement de la durée d'exécution de ce marché.

2. En premier lieu, la société DLE Outre-Mer soutient qu'elle serait contractuellement fondée à demander l'indemnisation des préjudices que lui a causé l'ajournement des travaux, au motif que l'article 4.5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), qui exclut une telle indemnisation, ne lui serait pas opposable, faute de figurer sur la liste récapitulative des stipulations dérogatoires au cahier des clauses administratives générales (CCAG) prévue par l'article 1er de ce cahier. Toutefois, la société appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

3. En second lieu, les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

4. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

5. D'une part, si la société DLE Outre-Mer fait valoir que l'avenant de remplacement du maître d'oeuvre n'a été signé que le 28 janvier 2014, postérieurement à l'achèvement des travaux, et soutient que le marché s'est poursuivi sans maître d'oeuvre à compter de la fin de l'année 2011, cette allégation est directement contredite par les comptes-rendus de chantiers établis au cours des années 2012 et 2013 et elle a elle-même reconnu, dans la lettre accompagnant son projet de décompte final ainsi que dans son mémoire en réclamation, qu'Odyssi s'était substituée au maître d'oeuvre initial dès la fin de l'année 2011. En outre, la société appelante n'établit aucunement que ce changement de maître d'oeuvre aurait affecté de manière significative le déroulement des travaux.

6. D'autre part, la société DLE Outre-Mer soutient également que le retard pris dans l'exécution des travaux serait dû à une défaillance d'Odyssi dans la gestion de la fuite d'eau survenue rue Albert Celestin. Il résulte toutefois du compte-rendu de chantier du 9 janvier 2012 que l'existence de cette fuite était connue au plus tard à cette date et que le maître d'oeuvre a ordonné à la requérante d'en rechercher l'origine mais que celle-ci s'est abstenue de procéder à ces recherches avant l'ajournement des travaux intervenue le 5 mars 2012. Aux termes de l'ordre de service n°7 du 26 novembre 2012, l'exécution des travaux a repris le même jour et la nécessité de procéder à la recherche et à la réparation de la canalisation fuyarde a, à nouveau, été rappelée à la société appelante lors de la réunion de chantier du 3 décembre 2012. Toutefois, celle-ci n'avait toujours pas réalisé les travaux correspondants le 24 avril 2013, date à laquelle le maître d'oeuvre lui a demandé de refaire l'enrobé bitumineux définitif quand-bien même la fuite n'aurait pas été réparée. Par ailleurs, si la société DLE Outre-Mer soutient que Odyssi lui a, précédemment, imposé de procéder à la recherche de fuite en utilisant de l'hélium afin de ne pas abimer lesdits enrobés alors que le territoire de Martinique était confronté à une pénurie d'hélium puis que la durée trop brève d'interruption de la circulation au cours du mois d'avril 2013 ne lui a pas permis de réaliser l'enrobé définitif avant le mois d'août suivant, elle ne justifie pas de ces allégations. Enfin, si cette société fait également valoir que les travaux étaient en voie d'achèvement à la fin du mois de mars 2012, cette circonstance demeure sans incidence sur la computation des délais de retard dès lors que l'existence d'une fuite d'eau faisait obstacle à une réception totale de l'ouvrage, même assortie de réserves. Dans ces conditions, la société appelante doit être regardée comme seule responsable du retard avec lequel cette fuite a été réparée.

7. Enfin et ainsi que l'ont dit les premiers juges, le montant de ces pénalités ne présentait pas un caractère manifestement excessif au regard du montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société DLE Outre-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation ou à la modulation des pénalités de retard mises à sa charge et à ce qu'Odyssi soit condamnée à lui verser une somme de 230 000 euros, majorée des intérêts moratoires, au titre de l'allongement de la durée d'exécution du marché. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société DLE Outre-Mer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société DLE Outre-Mer est rejetée.

Article 2 : La société DLE Outre-Mer versera à Odyssi une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif DLE Outre-Mer et à la régie communautaire de l'eau et de l'assainissement de la communauté d'agglomération des communes du centre de la Martinique Odyssi.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme F..., présidente,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

M. A... D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2019.

Le rapporteur,

Manuel D...

La présidente,

F...La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°18BX01947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01947
Date de la décision : 30/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CHEYSSON MARCHADIER et ASSOCIES SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-30;18bx01947 ?
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