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30/12/2019 | FRANCE | N°18BX01126,18BX01127

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 30 décembre 2019, 18BX01126,18BX01127


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti avec son épouse au titre des années 2005 à 2012.

Par deux jugements n° 1600832 et n° 1600833 du 31 janvier 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, sous le n° 18BX01126, M. A..., repr

ésenté par la SELARL Sol-Garnaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600832 du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti avec son épouse au titre des années 2005 à 2012.

Par deux jugements n° 1600832 et n° 1600833 du 31 janvier 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, sous le n° 18BX01126, M. A..., représenté par la SELARL Sol-Garnaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600832 du tribunal administratif de Bordeaux du 31 janvier 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration disposait, dans le délai général de reprise de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, à l'époque des années d'imposition, des renseignements lui permettant de remettre en cause les déductions, avant la communication des informations par l'autorité judiciaire ; elle devait dès lors procéder à des investigations dans le cadre du délai de reprise de droit commun mais ne pouvait, sauf à méconnaître le principe de sécurité juridique, fonder les redressements sur la procédure prévue à l'article L. 170 du livre des procédures fiscales pour rectifier des années prescrites ; à la date de la proposition de rectification le 4 juillet 2013, le délai de reprise ayant expiré au 31 décembre 2010, l'administration ne pouvait modifier les années antérieures ;

- lorsque le 10 novembre 2012 il a répondu à la demande d'information complémentaire de l'administration adressée le 16 octobre 2012, en indiquant l'absence de réception des travaux et les difficultés rencontrées par l'AFUL en la matière, l'administration devait considérer que l'affaire prendrait fin le 11 janvier 2013 en l'absence de nouveau courrier au-delà du délai de soixante jours suivant la réponse qu'il a donnée à la demande de renseignements du 16 octobre 2012 ; elle a pourtant fait parvenir une proposition de rectification le 4 juillet 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, sous le n° 18BX01127, M. A..., représenté par la SELARL Sol-Garnaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600833 du tribunal administratif de Bordeaux du 31 janvier 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration disposait, dans le délai général de reprise de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, à l'époque des années d'imposition, des renseignements lui permettant de remettre en cause les déductions, avant la communication des informations par l'autorité judiciaire ; elle devait dès lors procéder à des investigations dans le cadre du délai de reprise de droit commun mais ne pouvait, sauf à méconnaître le principe de sécurité juridique, fonder les redressements sur la procédure prévue à l'article L. 170 du livre des procédures fiscales pour rectifier des années prescrites ; à la date de la proposition de rectification le 5 juillet 2013, le délai de reprise ayant expiré au 31 décembre 2010, l'administration ne pouvait modifier les années antérieures ;

- lorsque le 10 novembre 2012 il a répondu à la demande d'information complémentaire de l'administration adressée le 16 octobre 2012 en indiquant l'absence de réception des travaux et les difficultés rencontrées par l'AFUL en la matière, l'administration devait considérer que l'affaire prendrait fin le 11 janvier 2013 en l'absence de nouveau courrier au-delà du délai de soixante jours suivant la réponse qu'il a donnée à la demande de renseignements du 16 octobre 2012 ; elle a pourtant fait parvenir une proposition de rectification le 5 juillet 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont acquis en 2005 et 2008 divers biens immobiliers au sein de l'Hôtel Courtois, situé dans le secteur sauvegardé de Beaucaire (Gard). Ils ont adhéré à l'association foncière urbaine libre (AFUL) constituée pour la restauration groupée du bâtiment sous le régime du 3° de l'article 156-I du code général des impôts dit " Loi Malraux " et ont porté en déduction de leurs revenus fonciers des années 2005 à 2012 les déficits résultant de dépenses de travaux et des intérêts d'emprunt exposés pour la réhabilitation de ces biens. Lors du contrôle sur pièces de leur dossier, l'administration a eu connaissance de renseignements de l'autorité judiciaire concluant à l'inachèvement des travaux et au défaut de mise en location des appartements et a réintégré les sommes déduites par les contribuables de leur revenu global des années 2010, 2011 et 2012. En application de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, elle a effectué des rectifications identiques sur les revenus des années 2005 à 2009. Ces rectifications ont été notifiées selon la procédure contradictoire par une proposition de rectification du 4 juillet 2013 au titre des années 2005 à 2007, et par une proposition de rectification du 5 juillet 2013 au titre des années 2008 à 2012. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti avec son épouse au titre des années 2005 à 2012. Par deux jugements n° 1600832 et n° 1600833 du 31 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. M. A... relève appel de ces jugements.

2. Les requêtes n° 18BX01126 et n° 18BX01127, présentées par M. A..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé le 16 octobre 2012 une demande de renseignements à l'appelant portant sur les revenus fonciers et la déduction de pensions alimentaires, à laquelle il a répondu le 10 novembre 2012. Il est constant que le courrier de demande de renseignements précité précisait qu'en l'absence de nouveau courrier dans le délai de 60 jours suivant la réponse du contribuable, le dossier pouvait être considéré comme clos.

5. Toutefois, aucun délai n'est prévu par l'article L. 10 précité ou toute autre disposition législative ou réglementaire pour exploiter les informations recueillies en réponse à une demande de renseignements. En outre, la demande de renseignements ne revêt aucun caractère contraignant, n'est pas assortie de sanctions et ne détermine en rien la procédure d'imposition.

6. Il en résulte que la mention de la clôture de l'examen au-delà du délai de 60 jours ne faisait pas obstacle à l'envoi d'une proposition de rectification les 4 et 5 juillet 2013. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière.

Sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 2005 à 2009 :

7. En vertu du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration s'exerce, pour l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Toutefois en vertu de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

8. Des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux au sens de cet article lorsque l'administration dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en oeuvre des procédures d'investigations dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Il en va également ainsi lorsque, à la date à laquelle l'administration dispose de ces informations, le délai prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales est expiré et qu'elle n'est plus en mesure, sur ce seul fondement, de réparer les insuffisances et omissions d'imposition.

9. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'un litige opposant devant le tribunal de grande instance de Saintes puis devant celui d'Agen, l'association foncière urbaine libre " Hôtel Courtois " et les entreprises intervenantes dans l'opération de réhabilitation menée par l'AFUL, l'administration fiscale a exercé le 5 décembre 2011 son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales. Les informations ainsi recueillies, et notamment les procès-verbaux des 21 juin 2010 et 2 décembre 2010 dont des extraits sont joints à la proposition de rectification, ont permis d'établir que les travaux de réhabilitation de l'immeuble n'ont jamais été réalisés, que le chantier a été interrompu et que les logements ainsi financés n'ont jamais pu être affectés à la location. En conséquence, le service a procédé à la réintégration des sommes déduites au titre des années 2005 à 2009 en faisant usage du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 170 précité du livre des procédures fiscales.

10. M. A... fait valoir qu'à la date de notification des propositions de rectification, le droit de reprise dont l'administration disposait en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales était expiré dès lors que les documents qu'il avait fournis en mai 2008 en réponse à la demande d'éclaircissements du 7 mars 2008 sur ses déclarations de revenus des années 2005 et 2006, qui révélaient que les travaux de réhabilitation des appartements n'étaient pas achevés et que les appartements n'avaient pas encore été mis en location, permettaient à l'administration de disposer d'éléments suffisants pour établir le redressement concerné et que le service aurait pu, par la seule utilisation de ses moyens propres d'investigation, obtenir les renseignements mis à jour ultérieurement par l'enquête pénale. Toutefois, d'une part, la circonstance que les travaux n'étaient pas achevés et que l'appartement n'avait pas encore été mis en location, ne permettait pas de présumer, par elle-même, de la remise en cause des déductions pratiquées. D'autre part, si l'administration a adressé une demande d'éclaircissements sur la déclaration de revenus des années 2005 et 2006 de M. et Mme A... le 7 mars 2008, leur demandant de communiquer les justificatifs concernant les dépenses spécifiques aux opérations de restauration immobilière du patrimoine confiées à l'AFUL " Hôtel Courtois " et d'indiquer notamment la date d'achèvement des travaux ou la justification des retards, les contribuables ont indiqué le 2 mai 2008 que le retard pris dans la réalisation des travaux était justifié par le fait que tous les copropriétaires n'avaient pas encore adhéré à l'association. Ainsi, ni cette lettre ni les pièces qui y étaient annexées ne mentionnaient l'existence de problèmes liés à la défaillance des entreprises en charge de la réalisation des travaux, n'indiquait la caducité du permis, ni que ces travaux pourraient demeurer inachevés et l'administration ne disposait pas de renseignements de nature, par eux-mêmes, à révéler les insuffisances de M. et Mme A... quant à l'accomplissement de leurs obligations fiscales, ni à lui ouvrir la possibilité de mettre en oeuvre les pouvoirs d'investigation dont elle dispose pour les établir. L'administration, qui n'avait ainsi pas connaissance avant le mois de décembre 2011 de l'interruption du chantier, ne disposait pas en 2008 d'éléments qui lui auraient permis, en mettant en oeuvre ses pouvoirs de contrôle et d'investigation, de connaître, et de déterminer, le cas échéant, le caractère imposable de ces sommes au regard de l'impôt sur le revenu. Dans ces conditions, les insuffisances d'imposition à l'origine de ces redressements ont été révélées, au sens des dispositions précitées de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, par la procédure judiciaire engagée à l'encontre de l'AFUL Hôtel Courtois suite à la communication d'informations par l'autorité judiciaire en 2011. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'à la date des redressements litigieux, le délai de reprise était expiré.

Sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 2010 à 2012 :

11. Si M. A... soutient que l'administration ne pouvait appliquer le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 170 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les années 2010 à 2012, il est constant que le délai de reprise de trois ans ouvert à l'administration sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales était seul applicable et courait encore au jour où est intervenue la proposition de rectification en date du 5 juillet 2013.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 18BX01126 et n° 18BX01127 de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme E..., présidente,

Mme C... D..., premier conseiller,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2019.

Le rapporteur,

Florence D...

La présidente,

E...

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01126-18BX01127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01126,18BX01127
Date de la décision : 30/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL SOL - GARNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-30;18bx01126.18bx01127 ?
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