La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2019 | FRANCE | N°16BX02903;16BX03124

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 décembre 2019, 16BX02903 et 16BX03124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1400072 du 13 juillet 2016 et une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 29 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme E... et à M. H..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., la somme de 641 725,70 euros au titre de ses préjudices ainsi qu'une somme de 72 euros par jour due au prorata du nombre d

e jours qu'A... H... aura passés au domicile familial et sous déduction de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1400072 du 13 juillet 2016 et une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 29 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme E... et à M. H..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., la somme de 641 725,70 euros au titre de ses préjudices ainsi qu'une somme de 72 euros par jour due au prorata du nombre de jours qu'A... H... aura passés au domicile familial et sous déduction de la prestation de compensation du handicap.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 24 août 2016 sous le n° 16BX02903, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 juin 2017, l'ONIAM, représenté par Me C..., a demandé à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016, subsidiairement d'ordonner une expertise médicale, très subsidiairement de réformer ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme E... et M. H..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., des indemnités au titre de son préjudice esthétique temporaire, des dépenses de santé actuelles et futures ainsi que des frais d'adaptation de logement et de véhicule, de réduire à de plus justes proportions les indemnités qu'il a été condamné à leur verser au titre des autres chefs de préjudices après déduction de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap et de débouter les demandeurs de leurs conclusions nouvelles en appel.

Il a soutenu que :

- les conditions d'engagement de sa responsabilité au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies dès lors que les choix thérapeutiques effectués caractérisent une faute du centre hospitalier universitaire de Bordeaux (CHU) et que le dommage subi par le jeune A... ne pouvait être regardé comme anormal au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de cet état et du caractère indispensable mais risqué de l'intervention ;

- l'expertise réalisée à la demande de la CRCI ne lui est pas opposable et il produit des éléments permettant d'en remettre en cause les conclusions ;

- faute d'éléments permettant de ventiler les postes de préjudice indemnisés par l'allocation d'éducation d'enfant handicapé et par la prestation de compensation du handicap, le montant de cette allocation et de cette prestation, qui ne peuvent donner lieu à remboursement, doivent être déduites, à concurrence respectivement, de 130,12 euros et de 327,27 euros par mois des frais d'assistance par une tierce personne et des frais d'aménagement de logement et de véhicule ;

- il appartient aux parents d'A... de justifier des sommes qu'ils perçoivent au titre de cette allocation ainsi que de la prestation de compensation du handicap ;

- le mémoire par lequel les demandeurs ont sollicité l'indemnisation des dépenses de santé qu'ils ont exposées ne lui a pas été communiqué avant le premier jugement et ne lui a pas été communiqué au cours de la présente instance ;

- il convient, en tout état de cause, de prendre en compte une somme mensuelle de 11,20 euros perçue par les demandeurs au titre de la prestation de compensation du handicap pour des " charges spécifiques mensuelles " ;

- les demandeurs ne peuvent demander, pour la première fois en appel, l'application du taux de rente issu du barème édité par la " Gazette du palais " le 28 avril 2016.

Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2017, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, représenté par Me G..., a conclu au rejet de la requête.

Il a soutenu qu'il n'a pas été partie à la première instance et que, dès lors, il ne saurait être attrait à une expertise judiciaire, au demeurant inutile, pour la première fois en appel, et qu'il n'a commis aucune faute dans la prise en charge d'A... H....

Par un arrêt du 6 novembre 2018, la cour a décidé, avant de statuer sur les conclusions de la requête de l'ONIAM, de procéder à une expertise aux fins de pouvoir se prononcer, en toute connaissance de cause, sur l'indemnisation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des préjudices subis par M. A... H....

Le rapport de l'expertise ordonnée avant dire droit et commune aux requêtes n° 16BX02903 et 16BX03124, a été déposé au greffe de la cour le 2 juillet 2019.

Par un mémoire, enregistré le 23 août 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime indique à la cour qu'elle n'entend pas intervenir à l'instance et que ses débours définitifs s'élèvent à la somme de 38 345,54 euros.

Par un mémoire du 7 octobre 2019, le CHU de Bordeaux persiste dans ses conclusions tendant à sa mise hors de cause.

Il ajoute que :

- le rapport d'expertise complémentaire ne retient aucun manquement de l'établissement ;

- M. A... H... n'a présenté aucune conclusion à son encontre.

Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2019, l'ONIAM demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de :

1°) réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016 s'agissant du montant des indemnisations allouées à M. A... H... au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation, des frais de protection après consolidation, de l'assistance par une tierce personne après consolidation, du préjudice esthétique permanent, des frais d'aménagement du logement et des frais d'aménagement du véhicule ;

2°) de réduire les indemnisations allouées au titre de ces différents postes de préjudices à de plus justes proportions et de confirmer le montant des indemnisations allouées s'agissant des autres chefs de préjudices indemnisés par le tribunal administratif ;

3°) de rejeter la requête d'appel de M. H... présentée sous le n° 16BX03124.

L'Office ajoute qu'il sollicite, désormais, uniquement la réformation du jugement s'agissant du montant des indemnités allouées et ne conteste plus devoir prendre en charge l'indemnisation des préjudices subis par A... H... au titre de la solidarité nationale.

Sur l'évaluation des préjudices subis :

- l'indemnisation allouée en réparation des préjudices de M. H... doit être calculée déduction faite de la créance de l'organisme social d'assurance maladie ;

- s'agissant de l'assistance par tierce personne à titre temporaire : c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles pour considérer que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ne pouvait être déduite du montant à verser, dès lors que cette allocation relève des articles L. 541-1, R. 541-1 et R. 541-2 du code de la sécurité sociale et n'est nullement soumise à condition de ressources ; elle ne peut donner lieu à remboursement en cas de retour à meilleure fortune comme l'a jugé le tribunal ; il convient donc de réformer le jugement sur ce point et de déduire le montant perçu par les consorts H... au titre de l'AEEH pour la période du 1er août 2010 au 2 octobre 2012, date de la consolidation de l'état de santé d'A..., soit la somme de 3 383,12 euros ; la somme allouée à ce titre ne saurait ainsi excéder 51 768,88 euros ;

- s'agissant des protections urinaires au titre des dépenses de santé actuelles : le jugement devra être réformé sur ce point dès lors que le montant alloué à ce titre repose sur des pièces qui n'ont pas été communiquées à l'ONIAM en première instance, ce qui est contraire au principe du procès équitable énoncé à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; à défaut de justification en cause d'appel, le montant alloué de 528,96 euros ne pourrait être mis à sa charge ;

- s'agissant du préjudice scolaire : le montant de 1 000 euros alloué en première instance devra être confirmé ;

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire : le jugement devra être confirmé en ce qu'il alloue une somme de 9 700 euros, étant précisé que M. A... H... aurait subi, en l'absence de complications, un déficit fonctionnel total de trois mois du fait des interventions réalisées ;

- s'agissant du préjudice esthétique temporaire et permanent : le montant alloué globalement par le tribunal au titre de ces deux chefs de préjudice devra être ramené de 10 000 euros à 7 000 euros, en l'absence de préjudice temporaire ;

- s'agissant des souffrances endurées : l'indemnisation allouée ne saurait excéder 23 546 euros pour un préjudice évalué à 6 sur une échelle de 7, le jugement qui a alloué une somme de 35 000 euros devant être réformé sur ce point ;

- s'agissant des dépenses de santé futures : cette demande devra être rejetée, dès lors qu'elle repose sur des pièces qui n'ont pas été communiquées à l'ONIAM en première instance ; M. A... H... n'apporte aucun justificatif en appel à l'appui de sa demande sur ce point ; en toute hypothèse, aucune rente viagère ne saurait être allouée dès lors que l'intéressé a bénéficié d'une intervention, au mois de février 2019, ayant pour objet de traiter l'incontinence urinaire dont il était atteint ; enfin, il a perçu mensuellement une somme de 11,20 euros au titre de " charges spécifiques mensuelles " dans le cadre du versement de la prestation de compensation du handicap (PCH), de sorte que l'indemnisation éventuelle ne saurait excéder la somme de 635,84 euros ; le jugement devra être également réformé sur ce point ;

- s'agissant de l'assistance par une tierce personne à titre permanent : il convient de déduire l'aide allouée à M. H... au titre de l'AEEH, que le tribunal a omis de prendre en compte dans ses calculs, tant pour la somme versée pour la période comprise entre le 3 octobre 2012 et le 13 juillet 2016, qui sera réduite à 81 334,82 euros, que pour le versement de la rente trimestrielle de 72 euros par jour à compter du 13 juillet 2016 ;

- s'agissant de l'incidence professionnelle : le montant forfaitaire de 20 000 euros accordé par les premiers juges devra être confirmé ;

- s'agissant du déficit fonctionnel permanent : le montant alloué de 340 000 euros en première instance, pour un DFP de 75 %, devra être confirmé ;

- s'agissant du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement : le jugement devra être réformé en ce qu'il accorde une somme de 15 000 euros pour chacun de ces chefs de préjudices, l'indemnité accordée devant être ramenée à 5 000 euros pour chacun d'entre eux ;

- s'agissant du préjudice d'agrément : le montant de 10 000 euros alloué en première instance sera confirmé ;

- s'agissant des frais d'aménagement du logement : seuls les frais précisément justifiés par des factures, soit la somme de 2 199,55 euros, seront remboursés, le jugement de première instance accordant une somme de 3 044,55 euros devant être réformé sur ce point ;

- s'agissant des frais d'aménagement du véhicule : il sera, le cas échéant, sursis à statuer sur ce poste de préjudice dès lors que M. A... H... n'établit pas être apte à la conduite d'un véhicule depuis sa majorité.

Par une ordonnance du 11 octobre 2019, la clôture de l'instruction de l'affaire n° 16BX02903 a été reportée au 25 octobre 2019 à 12 heures.

II°) - Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2016 sous le n° 16BX03124, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 31 janvier 2017, 18 juillet 2017 et 18 janvier 2018, M. A... H..., qui a repris l'instance à sa majorité et est représenté par Me D..., a demandé à la cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016 en tant qu'il n'a pas condamné l'ONIAM à lui verser les sommes qu'il demandait de 3 395 605,73 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et de 920 420 euros au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux, assorties des intérêts légaux.

Il a soutenu que :

- les conditions de prise en charge de ses préjudices par l'ONIAM sont remplies dès lors, en particulier, que l'accident médical dont il a été victime présente un caractère très exceptionnel, qu'il n'est pas établi que l'aggravation de son état de santé, en l'absence d'intervention, aurait conduit à un handicap de la même ampleur et que cet accident n'est pas consécutif à une faute dans la mesure, en particulier, où la seconde intervention était indispensable ;

- une expertise judiciaire serait frustratoire ;

- il justifie de la réalité et du quantum de ses préjudices ;

- sa demande tendant à l'application du dernier barème publié par la Gazette du Palais ne constitue pas une demande nouvelle.

Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime a indiqué à la cour qu'elle n'entend pas intervenir à l'instance et que ses débours s'élèvent à la somme de 38 345,54 euros.

Par deux mémoires, enregistrés le 2 janvier et 26 juin 2017, l'ONIAM, représenté par Me C..., a réitéré les conclusions et moyens contenus dans sa requête n° 16BX02903 et dans les mémoires qui l'ont complétée.

Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2017, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux a demandé sa mise hors de cause et s'en est rapporté, pour le surplus, à ses écritures produites dans l'affaire n° 16BX02903.

Par un arrêt du 6 novembre 2018, la cour a décidé, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... H..., de procéder à une expertise aux fins de pouvoir se prononcer, en toute connaissance de cause, sur l'indemnisation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des préjudices subis par l'appelant.

Par des mémoires complémentaires enregistrés les 23 juillet 2019, 16 et 24 octobre 2019, en lecture du rapport d'expertise, M. A... H... demande, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016, rectifié par voie d'ordonnance le 29 juillet 2016, en ce qu'il a limité le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM au titre des préjudices subis à la somme de 641 725,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2014, et au versement d'une rente " assistance d'une tierce personne " de 72 euros par jour au prorata du nombre de jours passés au domicile de ses parents, sous déduction de la prestation de compensation du handicap perçue, cette rente étant versée par trimestres échus et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, les arrérages dus à compter du 13 juillet 2016 portant intérêt au taux légal à compter de leurs dates d'échéance ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement des sommes de 3 517 997,26 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et de 920 420 euros au titre de ses préjudices personnels, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter de la date du recours amiable ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM les frais de l'expertise et le paiement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il ajoute que :

- le rapport de l'expertise complémentaire ordonnée par la cour confirme que qu'il a été victime d'un accident médical, lors de la première intervention réalisée le 3 février 2010, que cet accident a eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de son évolution prévisible ; l'intervention n'avait pas pour objet d'éviter un risque imminent de paraplégie et n'a pas été réalisée en urgence ; elle confirme que la cyphoscoliose ne dégénère pas nécessairement vers la compression de la moelle épinière et qu'en l'espèce, rien ne permet de conclure à ce que son état de santé aurait évolué vers une paraplégie à court, moyen ou long terme ; enfin, la condition du caractère de gravité de cet accident est également remplie dès lors que les experts missionnés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ont retenu un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 75 % en lien direct et exclusif avec l'accident médical non fautif et le fait qu'aucun état antérieur n'est de nature à remettre en cause la gravité et l'anormalité de cet accident.

En ce qui concerne la liquidation de ses préjudices, si les experts ont estimé que son état de santé était consolidé au 3 octobre 2012, son " état situationnel " reste évolutif et, par ailleurs, il a bénéficié au mois de février 2019 d'un implant d'un sphincter artificiel urinaire péri-prostatique compte tenu de l'aggravation de son incontinence urinaire.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires, il a droit au versement des sommes suivantes :

- 109 208,62 euros au titre de l'assistance par une tierce personne à raison de 7 heures par jour pendant 766 jours, incluant les vacances et les jours fériés, du 28 août 2010 au 2 octobre 2012, sur la base d'un montant horaire de 18 euros ; le montant mensuel de l'AEEH, à hauteur de 129,21 euros, n'est pas à déduire ;

- 528,96 euros au titre des frais divers s'agissant des protections pour incontinence, au titre de la période de mai 2010 à octobre 2012, soit 29 mois, à raison de 18,24 euros par mois ;

- 20 000 euros au titre du préjudice scolaire du fait de la perte d'une année scolaire entière en 2009/2010 ; il a par ailleurs perdu l'année scolaire 2018/2019 où il n'a pas pu passer son baccalauréat, en raison notamment de son état psychologique et de ses problèmes urinaires récurrents ; il a d'ailleurs bénéficié en février 2019 d'une opération chirurgicale à cet effet.

En ce qui concerne les préjudices personnels temporaires, il a droit au paiement des indemnités suivantes :

- 20 420 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total du 4 février au 27 août 2010 puis de 80 % jusqu'au 2 octobre 2012, date de consolidation ;

- 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, lié au fait qu'il a été placé en fauteuil roulant et équipé d'un corset pendant de longs mois ;

- 50 000 euros au titre des souffrances endurées que les experts ont évaluées à 6 sur une échelle de 7, en raison d'une hospitalisation prolongée, d'une rééducation douloureuse, de la pose d'un corset et d'une sonde urinaire, auxquels doit s'ajouter l'aspect moral de ce préjudice lié à la perte de l'usage de ses jambes et à l'éloignement de sa famille pendant plusieurs mois.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents, les montants suivants devront lui être alloués :

- 12 503,32 euros au titre des frais de protection urinaire, dont 1 579,56 euros échus du 3 octobre 2012 au 1er janvier 2020, et le solde au titre de la capitalisation des frais futurs à compter du 1er janvier 2020 en application de l'indice de référence extrait du barème établi par la Gazette du Palais pour 2018 ;

- 2 984 526,87 euros au titre de l'assistance par tierce personne à raison de 7 heures par jour et de 413 jours par an sur la base d'un montant horaire de 18 euros, soit 376 954,73 euros pour la période échue du 3 octobre 2012 au 31 décembre 2019 et 2 607 572,14 euros s'agissant de la capitalisation de cette indemnité à compter du 1er janvier 2020 selon le barème 2018 de la Gazette du Palais ; il n'y a pas lieu de déduire l'AEEH dont il bénéficie pour 129,21 euros mensuels ;

- 300 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, à raison de 625 euros par mois pendant 40 ans, compte tenu de la dévalorisation qu'il va subir sur le marché du travail et la perte d'opportunités professionnelles au regard de son handicap, qui ne présentait aucun caractère de certitude en l'absence du dommage dès lors que la cyphoscoliose ne dégénère pas nécessairement vers une paraplégie ;

- 94 468,94 euros au titre des frais d'aménagement d'un véhicule adapté depuis 2010 et de renouvellement de celui-ci en moyenne tous les six ans ; à titre subsidiaire, le montant alloué ne saurait être inférieur à 82 468,94 euros s'il était tenu compte d'un abattement au titre du coût d'acquisition d'un véhicule dans des conditions normales ;

- 6 760,55 euros à parfaire au titre des frais d'aménagement du logement de ses parents, main d'oeuvre comprise (portes d'accès extérieures, plan de travail, lavabo et douche de la salle de bain, portes intérieures du logement, terrasses avec rampes d'accès en fauteuil, agrandissement et aménagement de sa chambre).

En ce qui concerne les préjudices personnels permanents, il devra lui être alloué les sommes de :

- 600 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 75 % en lien direct avec le dommage, en ce compris les souffrances post-consolidation et la nécessité de renouvellement tous les 10 ans de l'appareillage d'un sphincter artificiel ;

- 30 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent évalué à 4 sur une échelle de 7 par les experts et qu'il y a lieu de réévaluer à 5 sur 7 ;

- 50 000 euros au titre du préjudice sexuel permanent dès lors qu'il est victime d'une altération définitive de la fonction génito-sexuelle ;

- 100 000 euros au titre du préjudice d'établissement en raison des difficultés auxquelles il va se heurter pour fonder une famille ;

- 60 000 euros au titre du préjudice d'agrément, compte tenu de l'arrêt de ses activités sportives et de loisir, notamment de la pratique du football, du roller et de la motocyclette.

Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, le CHU de Bordeaux persiste dans ses conclusions tendant à sa mise hors de cause.

Il ajoute que :

- le rapport d'expertise complémentaire ne retient aucun manquement de l'établissement ;

- M. A... H... n'a présenté aucune conclusion à son encontre.

Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2019, l'ONIAM demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de :

1°) réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016 s'agissant du montant des indemnisations allouées à M. A... H... au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation, des frais de protection après consolidation, de l'assistance par une tierce personne après consolidation, du préjudice esthétique permanent, des frais d'aménagement du logement et des frais d'aménagement du véhicule ;

2°) de réduire les indemnisations allouées au titre de ces différents postes de préjudices à de plus justes proportions et de confirmer le montant des indemnisations allouées s'agissant des autres chefs de préjudices indemnisés par le tribunal administratif ;

3°) de rejeter la requête d'appel de M. H... présentée sous le n° 16BX03124.

L'Office ajoute qu'il sollicite désormais uniquement que le jugement soit réformé s'agissant du montant des indemnisations allouées et ne conteste plus devoir prendre en charge l'indemnisation des préjudices subis par A... H... au titre de la solidarité nationale.

Sur l'évaluation des préjudices subis :

- l'indemnisation allouée en réparation des préjudices subis doit être calculée déduction faite de la créance de l'organisme social d'assurance maladie ;

- s'agissant de l'assistance par tierce personne à titre temporaire : c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles pour considérer que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ne pouvait être déduite du montant à verser dès lors que cette allocation relève des articles L. 541-1, R. 541-1 et R. 541-2 du code de la sécurité sociale et n'est nullement soumise à condition de ressources ; elle ne peut donc donner lieu à remboursement en cas de retour à meilleure fortune comme l'a jugé le tribunal ; il convient donc de réformer le jugement sur ce point et de déduire le montant perçu par les consorts H... au titre de l'AEEH pour la période du 1er août 2010 au 2 octobre 2012, date de la consolidation de l'état de santé d'A..., soit la somme de 3 383,12 euros ; la somme allouée à ce titre ne saurait donc excéder 51 768,88 euros ;

- s'agissant des protections au titre des dépenses de santé actuelles : le jugement devra être réformé sur ce point dès lors que le montant alloué à ce titre repose sur des pièces qui n'ont pas été communiquées à l'ONIAM en première instance, ce qui est contraire au principe du procès équitable énoncé à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; à défaut de justification en cause d'appel, le montant alloué de 528,96 euros ne pourrait être mis à sa charge ;

- s'agissant du préjudice scolaire : le montant de 1 000 euros alloué en première instance devra être confirmé ;

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire : le jugement devra être confirmé en ce qu'il alloue une somme de 9 700 euros, étant précisé que M. A... H... aurait subi, en l'absence de complication, un déficit fonctionnel total de trois mois du fait des interventions réalisées ;

- s'agissant du préjudice esthétique temporaire et permanent : le montant alloué globalement par le tribunal au titre de ces deux chefs de préjudice devra être ramené de 10 000 euros à 7 000 euros ;

- s'agissant des souffrances endurées : l'indemnisation allouée ne saurait excéder 23 546 euros pour un préjudice évalué à 6 sur une échelle de 7, le jugement qui a alloué une somme de 35 000 euros devant être réformé sur ce point ;

- s'agissant des dépenses de santé futures : cette demande devra être rejetée, dès lors qu'elle repose sur des pièces qui n'ont pas été communiquées à l'ONIAM en première instance ; M. A... H... n'apporte aucun justificatif en appel à l'appui de sa demande sur ce point ; en toute hypothèse, aucune rente viagère ne saurait être allouée dès lors que l'intéressé a bénéficié d'une intervention, au mois de février 2019, ayant pour objet de traiter l'incontinence urinaire dont il était atteint ; enfin, il a perçu mensuellement une somme de 11,20 euros au titre de charges spécifiques mensuelles dans le cadre du versement de la prestation de compensation du handicap (PCH), de sorte que l'indemnisation éventuelle ne saurait excéder la somme de 635,84 euros ; le jugement devra être également réformé sur ce point ;

- s'agissant de l'assistance par une tierce personne à titre permanent : il convient de déduire l'aide allouée à M. H... au titre de l'AEEH que le tribunal a omis de prendre en compte dans ses calculs, tant pour la somme versée pour la période comprise entre le 3 octobre 2012 et le 13 juillet 2016, qui sera réduite à 81 334,82 euros, que pour le versement de la rentre trimestrielle de 72 euros par jour à compter du 13 juillet 2016 ;

- s'agissant de l'incidence professionnelle : le montant forfaitaire alloué par les premiers juges de 20 000 euros devra être confirmé ;

- s'agissant du déficit fonctionnel permanent : le montant alloué en première instance de 340 000 euros, pour un DFP de 75 %, devra être confirmé ;

- s'agissant du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement : le jugement devra être réformé en ce qu'il accorde une somme de 15 000 euros pour chacun de ces chefs de préjudices, l'indemnité allouée devant être ramenée à 5 000 euros pour chacun d'entre eux ;

- s'agissant du préjudice d'agrément : le montant de 10 000 euros alloué en première instance sera confirmé ;

- s'agissant des frais d'aménagement du logement : seuls les frais justifiés par des factures, soit la somme de 2 199,55 euros, seront indemnisés, le jugement de première instance allouant une somme de 3 044,55 euros devant être réformé sur ce point ;

- s'agissant des frais d'aménagement du véhicule : il sera sursis à statuer sur ce poste de préjudice dès lors que M. A... H... n'établit pas être apte à la conduite d'un véhicule depuis sa majorité.

Par une ordonnance du 25 octobre 2019, la clôture de l'instruction de l'affaire n° 16BX03124 a été reportée au 8 novembre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... H... souffre, depuis sa naissance, le 9 avril 1999, d'anomalies squelettiques et a présenté, en 2007, une dysplasie spondylo-épyphisaire, compliquée, à compter de l'année 2008, d'une cypho-scoliose complexe avec dislocation vertébrale au niveau du rachis thoracique, due à la déformation majeure de deux vertèbres, déformation qui s'est elle-même ensuite aggravée de manière significative. Une intervention chirurgicale de correction, prévue en deux temps, a alors été décidée afin de réaliser une hémivertébrectomie trans-pédiculaire au niveau des vertèbres T4 et T6 avec arthrodèse postérieure. Au cours de la première des interventions prévues, le 3 février 2010, un saignement d'origine artérielle s'est produit. Ce saignement a été rapidement pris en charge par le personnel du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux mais a nécessité de modifier les conditions de l'intervention avec la pose de quatre crochets unis par deux tiges en titane et d'un corset rigide dans l'attente d'une intervention chirurgicale complémentaire. Cet appareillage s'est cependant révélé insuffisant pour stabiliser la cypho-scoliose de M. H..., laquelle s'est au contraire aggravée d'une déformation du rachis provoquant un étirement de la moelle épinière et l'apparition de troubles de la motricité des membres inférieurs en quelques semaines. Une seconde intervention a été réalisée, le 28 mai 2010, afin de corriger cette déformation et mettre en place un appareillage plus adapté. Enfin, une arthrodèse postérieure T1-T11 a été réalisée le 13 juillet 2010. Le jeune A... a quitté l'hôpital le 28 juillet 2010 en vue d'une phase de rééducation. Malgré une bonne correction de la déformation, il n'a cependant pas récupéré ses fonctions motrices et demeure atteint d'une paraplégie sensitivomotrice complète au niveau de la vertèbre T7, ce qui le rend dépendant du fauteuil roulant, associée à une abolition des réflexes, à des anomalies sensitives au niveau du membre supérieur gauche, et à des troubles sphinctériens.

2. Au regard du rapport établi le 28 décembre 2012 par les deux experts qu'elle avait désignés, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Aquitaine a considéré que le dommage résultait d'un accident médical non fautif et a émis un avis favorable à la demande d'indemnisation formée par les parents de M. H.... Par une lettre du 23 juillet 2013, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) leur a présenté une offre d'indemnisation d'un montant de 340 562 euros, qui n'a pas été acceptée. Par un jugement du 13 juillet 2016 rectifié par ordonnance le 29 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a mis à la charge de l'ONIAM le versement à Mme E... et à M. H..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., de la somme de 641 725,70 euros au titre de ses préjudices ainsi que d'une somme de 72 euros par jour au prorata du nombre de jours que M. A... H... aura passés au domicile familial et sous déduction de la prestation de compensation du handicap.

3. Par une première requête, sous le n° 16BX02903, l'ONIAM a demandé à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux, subsidiairement d'ordonner une expertise médicale et très subsidiairement de réformer le jugement en tant qu'il a mis à sa charge, au titre de la solidarité nationale, la somme précitée à verser à Mme E... et à M. H... en réparation des préjudices subis par leur fils. Par une seconde requête, enregistrée sous le n°16BX03124, M. A... H..., qui a repris à sa majorité l'instance engagée pour son compte par ses parents, a demandé à la cour de réformer ce même jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires présentées à l'encontre de l'ONIAM. Par un arrêt du 6 novembre 2018, la cour estimant ne pas disposer des éléments d'information nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause sur l'indemnisation par l'ONIAM des préjudices subis par M. H..., a ordonné, avant dire droit sur les deux affaires, qu'elle a jointes, une expertise aux fins, notamment, de lui permettre d'apprécier quelle aurait été, en l'absence d'intervention chirurgicale, l'évolution, à court, moyen et long terme, de la pathologie dont était déjà atteint M. H... et quelle probabilité de survenance présentait le dommage consécutivement à l'intervention chirurgicale du 3 février 2010 au regard de l'état de santé initial de l'intéressé et des conditions dans lesquelles l'acte chirurgical a été accompli.

4. En lecture de l'expertise, dont le rapport a été déposé au greffe de la cour le 2 juillet 2019, l'ONIAM, dans le dernier état de ses écritures, ne conteste plus devoir prendre en charge l'indemnisation des préjudices subis par M. A... H... au titre de la solidarité nationale et demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016 s'agissant du montant d'une partie des indemnisations allouées à la victime, au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation, des frais de protection après consolidation, de l'assistance par une tierce personne après consolidation, du préjudice esthétique permanent, des frais d'aménagement du logement et des frais d'aménagement du véhicule. M. A... H..., pour sa part et dans le dernier état de ses écritures, demande de réformer le jugement du tribunal et de mettre à la charge de l'ONIAM le versement des sommes actualisées de 3 517 997,26 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et de 920 420 euros au titre de ses préjudices personnels, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter de la date du recours amiable.

Sur la régularité du jugement :

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, pour statuer sur les conclusions de la demande des parents de M. H... relative aux dépenses de santé qu'ils indiquaient avoir engagées avant consolidation de son état de santé, les premiers juges se sont fondés sur des pièces nouvelles produites par les intéressés, enregistrées le 6 mai 2015 au greffe du tribunal, mais qui n'ont pas été communiquées aux autres parties. Il suit de là que l'ONIAM est fondé à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'une irrégularité sur ce point qui justifie qu'il soit annulé en tant qu'il statue sur les dépenses de santé du jeune A... avant consolidation.

Sur la prise en charge du dommage au titre de la solidarité nationale :

6. Il résulte des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède l'un des seuils définis à l'article D. 1142-1 du même code, en particulier un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 24 %.

7. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

8. Il résulte, en premier lieu, de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI d'Aquitaine soumise au contradictoire des parties en première instance et utilement complétée par l'expertise ordonnée par la cour, que la paraplégie dont souffre M. A... H... a pour origine une blessure d'une artère radiculaire participant à la vascularisation de la moelle, survenue au cours de l'intervention du 3 février 2010. Cette blessure a entraîné une hémorragie épidurale qui a pu être contrôlée mais qui a contraint l'équipe médicale à simplifier l'opération et à mettre en place du matériel d'ostéosynthèse différent de ce qui avait été prévu initialement afin de diminuer la durée de l'intervention. Les deux expertises soulignent, de manière concordante, que l'atteinte de l'artère radiculaire, dont l'origine ne peut pas être déterminée, n'était pas prévisible. Les experts désignés par la CRCI ajoutent sans être contredits que le repérage par artériographie avant l'intervention n'était pas justifié eu égard, d'une part, au risque de complication qu'aurait fait courir un tel examen invasif et, d'autre part, au fait que la visualisation de cette artère de fin calibre n'était pas certaine. Dans les jours qui ont suivi l'intervention, un effondrement du corps vertébral a été constaté malgré les précautions prises par l'équipe médicale. Les experts précisent que l'ostéosynthèse qui devait assurer une stabilité satisfaisante de la colonne vertébrale s'étant révélée insuffisante, la déformation du rachis et la souffrance de la moelle épinière dans le canal vertébral ont majoré l'ischémie et contribué à la dégradation progressive des capacités de motricité. Ils indiquent également que l'ischémie est devenue complète et définitive au décours de la troisième intervention chirurgicale prévue pour la correction de la déformation. Il résulte aussi de l'instruction, notamment du rapport d'expertise de la CRCI, et n'est d'ailleurs plus contesté, que toutes les précautions nécessaires ont été prises par l'équipe médicale spécialisée qui a opéré M. H... et a mis en place un long suivi pluridisciplinaire, qu'aucune faute ne peut être imputée à l'établissement et qu'il n'existait aucun autre moyen que ceux employés pour éviter la survenue de ce risque inhérent à l'acte chirurgical, l'expert désigné par la cour soulignant que les complications d'hémorragie et d'ischémie de la moelle sont connues mais rares et représentent 1% des accidents neurologiques.

9. Il résulte en second lieu de l'instruction, en particulier des rapports d'expertise précités, que si, en l'absence d'intervention, le patient était exposé, compte tenu de l'anomalie congénitale rare du squelette dont il est affecté ainsi que d'une déformation progressive du rachis, à des risques de troubles de la statique et à des troubles neurologiques, la gravité du handicap dont il est atteint, entraînant une incapacité permanente d'un taux évalué par les experts de la CRCI à 75 %, est sans rapport avec la malformation congénitale de l'intéressé et l'évolution normale de celle-ci. L'expert judiciaire ajoute qu'au regard des éléments de biomécanique et de physiologie de l'enfant, en 2010, il n'existait aucun élément pouvant conduire, en l'absence d'intervention, à une compression médullaire entraînant une paraplégie. Les deux expertises concluent ainsi, de manière concordante, que la paraplégie sensitivo-motrice, l'effondrement et l'aggravation de la cyphoscoliose présentées par M. H... sont en rapport direct et exclusif avec l'acte chirurgical réalisé le 3 février 2010, ce qui correspond à une évolution anormale par rapport à la pathologie initiale et a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles l'enfant aurait été exposé de manière suffisamment probable en l'absence d'intervention. Au demeurant, il résulte également de l'instruction que la réalisation du risque à l'origine du dommage subi par M. A... H... présentait une très faible probabilité de survenance, les experts soulignant que le risque d'accident neurologique dans la chirurgie des scolioses est inférieur à 1% et que la combinaison de la dysplésie spondylo-épyphisaire qui est une affection très rare, avec un accident neurologique, comme en l'espèce, est " très exceptionnelle ". Dans ces conditions, et alors que l'ONIAM ne conteste au demeurant plus que les conditions prévues par les dispositions précitées sont réunies, c'est à bon droit que le tribunal a retenu le principe d'une indemnisation à la charge de l'ONIAM.

Sur l'évaluation des préjudices :

10. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

11. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts désignés par la CRCI d'Aquitaine que l'état de santé de M. A... H... en lien avec le dommage qu'il a subi dans les suites de l'intervention du 3 février 2010 doit être regardé comme consolidé à la date du 3 octobre 2012.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial temporaires :

S'agissant des dépenses de santé avant consolidation :

12. Il n'est pas contesté que la paraplégie sensitivo-motrice complète associée à des anomalies sensitives au niveau du membre supérieur gauche et à des troubles sphinctériens que présente M. A... H... l'a rendu incontinent et a nécessité l'utilisation de protections urinaires. Au regard des pièces versées en appel par M. H..., notamment des factures d'achat produites, dont l'ONIAM ne conteste plus la matérialité non plus que le bien-fondé de la demande, il convient de fixer à 18,24 euros le coût mensuel d'achat de ces protections qui est resté à la charge des parents d'A..., soit pour la période allant de mai 2010, où la paraplégie est devenue complète, au 2 octobre 2012, date de la consolidation de son état de santé, une somme de 528,96 euros qui doit être mise à la charge de l'ONIAM.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne jusqu'à la consolidation :

13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise ordonné par la CRCI que l'état d'infirmité motrice et de dépendance dans lequel se trouve M. A... H... depuis l'intervention du 3 février 2010 a rendu nécessaire l'assistance régulière d'une tierce personne pour la plupart des gestes de la vie courante pendant la journée. En dehors des périodes où il a été hospitalisé, soit du 4 février 2010 au 27 août 2010, et des temps scolaires où il était à l'extérieur du domicile familial et a d'ailleurs bénéficié d'un accompagnement par un assistant de vie scolaire, cette aide a été effectivement assurée par ses parents. Au regard des éléments versés au dossier, notamment dans le cadre de l'expertise diligentée par la CRCI, et de l'avis émis par la commission, le nombre d'heures où A... est pris en charge au domicile par sa famille peut être évalué en moyenne et compte tenu d'une aide accrue hors période scolaire, à 7 h par jour tous les jours entre le 28 août 2010 et le 2 octobre 2012, soit pendant 25 mois. Le coût d'une telle assistance active doit être déterminé sur la base d'un taux horaire de 13 euros, correspondant au montant horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance charges sociales incluses, dès lors que M. H... ne justifie pas de la nécessité d'une aide spécialisée, et de 412 jours par an compte tenu de la prise en compte des congés annuels et des jours fériés. Il sera, dans ces conditions, fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, qui peut être indemnisé indépendamment de la circonstance que cette aide a été assurée par les parents de la victime, en fixant son montant à la somme de 78 108,33 euros.

14. L'ONIAM fait néanmoins valoir qu'il convient de tenir compte de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) perçue par les parents d'A... auprès de la caisse d'allocations familiales. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire d'une indemnisation allouée à la victime du dommage dont l'ONIAM doit assurer la prise en charge dans le cadre de la solidarité nationale, au titre de l'assistance par tierce personne, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet, hors le cas où une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune. Or, il résulte des dispositions de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale que si l'AEEH est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et qu'elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges. Il suit de là que le montant de cette allocation et de son complément éventuel doit être déduit d'une rente ou d'une indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites en première instance, que les parents d'A... H... ont perçu au titre de l'AEEH une somme mensuelle de 130,12 euros du 27 août 2010 au 2 octobre 2012, soit la somme totale de 3 253 euros au regard de ces 25 mois avant consolidation, somme qui doit donc être déduite du préjudice indemnisable.

15. Il suit de là que le montant qui peut être alloué à M. A... H... au titre de l'assistance par une tierce personne jusqu'à la date de consolidation de son état de santé doit être fixé à la somme de 74 855,33 euros.

S'agissant des frais divers liés au handicap :

16. Il résulte de l'instruction qu'en dehors des périodes où il a été hospitalisé, M. A... H... a été constamment hébergé et pris en charge au domicile familial dans des conditions imposant certains aménagements du logement qui ont été reconnus nécessaires par les experts. Au regard des seules factures produites en première instance comme en appel par les parents de M. H... et dont la matérialité et le bien-fondé ne sont pas sérieusement contestés, M. H... est fondé à solliciter le versement de la somme de 2 199,55 euros, au titre des frais d'aménagement du logement familial résultant directement de son handicap et qui doivent être mis à la charge de l'ONIAM, correspondant à l'aménagement des portes extérieures du logement et aux travaux induits. En revanche, il n'établit pas que les autres aménagements invoqués ont été réalisés, en l'absence de toute facture justificative de frais effectivement engagés, non plus que des coûts de main d'oeuvre allégués.

S'agissant du préjudice scolaire :

17. Il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites en première instance par ses parents comme en appel, que la scolarité de M. A... H... a été perturbée par la survenue de sa paraplégie dans les suites de l'intervention pratiquée le 3 février 2010. L'intéressé, alors âgé de 11 ans et élève en classe de cours moyen 2ème année (CM2) a ainsi dû renoncer à poursuivre son année scolaire à compter du mois de février 2010 et ne l'a reprise qu'en septembre 2010. Si A... a pu poursuivre, ensuite, sa scolarité, il n'est pas contesté redoublé la classe de CM2, comme en attestent les bulletins scolaires produits pour l'année scolaire 2009/2010. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'incidence scolaire du dommage corporel subi par l'intéressé en fixant le montant de ce poste de préjudice temporaire, avant consolidation, à la somme de 1 000 euros dès lors que, même sans complications et ainsi que cela résulte de l'expertise diligentée par la CRCI, l'intervention chirurgicale aurait entraîné une interruption de la scolarité d'au moins trois mois, de sorte que ce préjudice indemnise la perte de chance de ne pas redoubler l'année scolaire en question.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial permanents :

S'agissant des dépenses de santé :

Quant à la période du 3 octobre 2012 au mois de février 2019 :

18. Il sera fait une exacte appréciation de la somme à laquelle M. H... peut prétendre au titre des frais de protections urinaires, pour cette période de 77 mois depuis la date de consolidation de son état et dès lors que leur nécessité n'est pas remise en cause, sur la base précitée de 18,24 euros par mois, en la fixant à 1 404,48 euros. Toutefois, il y a lieu de déduire le montant de la prestation spécifique de la PCH qu'il a perçue, à hauteur d'un montant mensuel de 11,20 euros, soit 862,40 euros au total, qui a vocation à compenser de tels frais. Il suit de là que le montant de ce poste de préjudice doit être fixé à la somme de 542,08 euros.

Quant à la période postérieure au mois de février 2019 :

19. Il résulte de l'instruction et des propres écrits de M. H... qu'il a bénéficié, au mois de février 2019, d'une intervention chirurgicale consistant en la pose d'un sphincter artificiel et dont l'objet est, ainsi que le souligne l'ONIAM sans être contredit, de traiter précisément l'incontinence urinaire chez l'homme. Dans ces conditions et en l'absence de tout élément de nature à établir la nécessité de protections urinaires pour l'avenir, à l'issue de cette intervention, M. H... n'est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre.

S'agissant des frais futurs d'assistance par tierce personne :

Quant à la période du 3 octobre 2012 au 30 décembre 2019 :

20. Ainsi qu'il a déjà été dit, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime du dommage dont l'ONIAM doit assurer la prise en charge dans le cadre de la solidarité nationale, au titre de l'assistance par tierce personne, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet, hors le cas où une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.

21. Il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites en première instance à la demande du tribunal, que les parents de M. H... ont indiqué percevoir, depuis le 1er juillet 2013, la prestation de compensation du handicap (PCH) pour un montant mensuel de 327,75 euros. En application de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, la prestation de compensation du handicap et son éventuel complément, versés par le département de la Charente-Maritime au profit d'A..., ont notamment pour objet de couvrir les frais d'assistance d'une tierce personne. En vertu des dispositions de l'article L. 245-7 du même code, cette prestation ne peut donner lieu à remboursement en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire, de sorte que, pour évaluer la somme susceptible d'être allouée au titre des frais d'assistance d'une tierce personne pour la période du 3 octobre 2012 au 30 décembre 2019, date de lecture du présent arrêt, il y a lieu de déduire cette aide perçue au titre de compensation de ces frais d'assistance par tierce personne. Il en va de même, ainsi qu'il a été dit plus haut, de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) perçue auprès de la caisse d'allocations familiales à hauteur d'un montant mensuel de 130,12 euros à compter du mois d'octobre 2012 et jusqu'au 9 avril 2019, date à laquelle A... ayant atteint l'âge de vingt ans, le versement de cette prestation a pris fin, en application de l'article R. 512-2 du code de l'action sociale et des familles.

22. Compte tenu du nombre d'heures de présence de M. A... H... au domicile de ses parents tel qu'il a pu être évalué précédemment et du taux horaire retenu, et dès lors qu'il est constant qu'il y réside toujours, le montant de cette assistance peut être évalué à 271 817 euros pour une période de 87 mois, dont il convient de déduire, d'une part, la somme de 25 564,50 euros versée par le département, au titre de la PCH, au cours de la période du 1er juillet 2013 au 30 décembre 2019, soit pendant 78 mois, d'autre part, la somme de 10 149,36 euros au titre de l'AEEH perçue de la caisse d'allocations familiales pour la période du 3 octobre 2012 au 9 avril 2019, soit 78 mois. Ainsi, il y a lieu de fixer à la somme de 236 103,14 euros l'indemnité que l'ONIAM doit prendre en charge à ce titre.

Quant à la période postérieure au 30 décembre 2019 :

23. Le préjudice subi par M. H... doit, à compter de la date de lecture du présent arrêt, être indemnisé sous forme d'une rente viagère dès lors que l'ONIAM s'est opposé au versement d'un capital. L'indemnité due par l'ONIAM au titre de l'assistance par tierce personne sera égale, à chaque trimestre échu, à la somme représentative de sa prise en charge déterminée sur la base d'un taux quotidien, qu'il y a lieu de fixer, compte tenu du montant de 13 euros de l'heure et de la durée nécessaire de 7 heures de présence par jour aux côtés de l'intéressé, à 91 euros par jour à la date du présent arrêt, au prorata du nombre de jours passés au domicile familial ou personnel durant chaque trimestre écoulé. Ce montant sera revalorisé par la suite, à compter de la date de lecture du présent arrêt, par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée sous déduction de la PCH perçue par M. H..., dont il lui appartiendra de justifier des montants.

S'agissant des frais divers d'aménagement d'un véhicule adapté au handicap de M. H... :

24. M. H... a demandé que lui soit allouée une somme de 29 790 euros au titre des frais d'acquisition d'un véhicule familial et de son adaptation à son état paraplégique et dépendant du fauteuil roulant, ainsi qu'une somme de 64 678,94 euros au titre des frais futurs pour ce même poste de préjudice. Toutefois, l'acquisition initiale d'un véhicule ne saurait être indemnisée en elle-même, seul le surcoût pouvant l'être. Par ailleurs, et d'une part, sur la base du coût réel des aménagements nécessaires du véhicule de ses parents à son handicap, qui peut être évalué à 7 530 euros à partir du devis du 12 mars 2015 produit au dossier de première instance par les intéressés, et d'un renouvellement tous les 7 ans du véhicule à compter de cette date, à laquelle l'aménagement peut être regardé comme ayant été réalisé alors que l'intéressé avait atteint l'âge de 16 ans, d'autre part d'une capitalisation sur la base d'un prix de l'euro de rente viagère à vingt-trois ans de 47,954 conformément au barème actualisé précédemment cité, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. H... la somme globale de 59 115 euros . La circonstance que M. H... ne soit pas actuellement détenteur du permis de conduire est, à cet égard, sans incidence sur le bien-fondé de cette demande, dès lors que cet aménagement du véhicule restera nécessaire même si M. H... n'est pas amené à le conduire. Par suite, l'Office n'est pas fondé à ce qu'il soit sursis à statuer sur ce point.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

25. Tout d'abord, M. H... ne saurait utilement invoquer le fait qu'il aurait dû renoncer à passer ses examens du baccalauréat au titre de l'année scolaire 2018/2019 dès lors qu'il n'est pas établi de lien direct entre l'interruption alléguée de ces études en cours d'année 2019 et le dommage qu'il a subi en 2010. Au demeurant, il résulte de la dernière pièce produite par l'intéressé qu'il atteste avoir effectivement passé son baccalauréat en juin 2018, sans succès, mais indique également, sans autre précision et sans faire aucun lien avec son handicap, " réfléchir à une suite de ses études ". Par ailleurs, si M. A... H... n'était pas entré dans la vie active lorsque les dommages dont il demande la réparation sont apparus, comme l'ont justement souligné les premiers juges, tant ses chances d'accéder à certaines des professions auxquelles il aurait pu prétendre que ses chances de progression de carrière professionnelle sont rendues plus réduites eu égard à son état de santé et à son handicap. Enfin, sa situation peut conduire à une dévalorisation sur le marché du travail et à une augmentation de la pénibilité d'exercice de certaines activités. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en portant son indemnisation à la somme globale et forfaitaire de 30 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices personnels (ou extrapatrimoniaux) temporaires :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

26. Il résulte de l'instruction, et notamment du premier rapport d'expertise, que l'accident médical dont a été victime M. A... H... a entraîné pour lui, avant la consolidation de son état de santé, un déficit fonctionnel total durant 204 jours du 4 février 2010 au 27 août 2010 correspondant aux hospitalisations et à des soins avec immobilisation, dont il convient de déduire, comme l'ont justement relevé les premiers juges, une période de 90 jours qui aurait dû être supportée même en l'absence de complication. M. H... a également enduré une incapacité temporaire partielle de 80 % durant 766 jours, soit 25,5 mois, du 28 août 2010 au 2 octobre 2012. Il sera, dans ces conditions, fait une juste appréciation des dommages ayant résulté pour l'intéressé de cette période de déficit fonctionnel temporaire en lui allouant, sur une base de 500 euros par mois pour un taux plein, une somme de 12 200 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

27. M. H... a subi des souffrances physiques et psychiques directement causées par son accident médical, qui ont été évaluées par les experts de la CRCI à 6 sur une échelle de 7, lesquelles prennent en compte son hospitalisation prolongée, son admission en réanimation, sa longue période d'immobilisation et une phase de rééducation douloureuse. Dès lors, ce chef de préjudice peut être justement porté à la somme de 25 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

28. Le préjudice esthétique temporaire subi par M. A... H..., en relation avec la paraplégie et l'utilisation d'un fauteuil roulant peut, à la suite des experts, être justement évalué à 4 sur une échelle de 1 à 7. Dans ces conditions, il en sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices personnels permanents :

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

29. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise de la CRCI, que M. A... H... demeure atteint, depuis la consolidation de son état de santé le 3 octobre 2012, à l'âge de 13 ans, d'un déficit fonctionnel permanent de 75 % résultant d'une paraplégie complète avec des troubles sphinctériens et une atteinte partielle de son bras gauche. Les premiers juges ont, par suite, fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 340 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique :

30. Le préjudice esthétique subi par M. A... H..., à titre définitif, au regard de la modification de son allure générale en relation avec la paraplégie et l'utilisation d'un fauteuil roulant, peut être justement évalué à 4 sur une échelle de 1 à 7. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM, au titre de ce chef de préjudice, la somme de 8 000 euros.

S'agissant du préjudice d'établissement et du préjudice sexuel :

31. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'établissement ainsi que du préjudice sexuel supportés par A..., en raison d'une altération définitive de la fonction génito-sexuelle et des répercussions sur sa vie personnelle et familiale, en lui allouant, au regard de son âge à la date de consolidation, une somme globale de 50 000 euros pour ces deux postes de préjudices, compte tenu de leur importance.

S'agissant du préjudice d'agrément :

32. Il résulte de l'instruction que M. A... H... pratiquait, avant l'accident médical qu'il a subi, le football, le roller, les bains de mer et la motocyclette. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi par le jeune homme du fait de l'impossibilité pour lui de continuer à pratiquer ces activités sportives et de loisir en l'évaluant à la somme de 15 000 euros.

En ce qui concerne le montant total de l'indemnisation allouée :

33. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... H... est fondé à demander que l'indemnité totale mise à la charge de l'ONIAM soit portée à la somme de 856 544,06 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il a supportés ainsi que le versement d'une rente de 91 euros par jour au titre de l'assistance par une tierce personne dans les limites énoncées au point 23 du présent arrêt, à compter du 31 décembre 2019, les indemnités ainsi allouées restant globalement inférieures au montant total demandé devant les premiers juges.

En ce qui concerne les intérêts :

34. M. H... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 856 544,06 euros à compter du 8 janvier 2014, date d'enregistrement de la requête de ses représentants légaux devant le tribunal administratif et à laquelle, pour la première fois, ceux-ci ont demandé réparation à l'ONIAM, comme l'ont à bon droit relevé les premiers juges.

Sur les dépens de l'instance :

35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM les frais de l'expertise ordonnée avant dire-droit, taxés et liquidés à la somme de 3 684,07 euros par une ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel du 29 juillet 2019.

Sur frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

36. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros, au bénéfice de M. A... H..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2016 est annulé en tant qu'il a statué sur les dépenses de santé de M. A... H... avant consolidation de son état de santé.

Article 2 : Le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au bénéfice de M. A... H... est porté à la somme totale de 856 544,06 euros en réparation des préjudices subis. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2014.

Article 3 : L'ONIAM versera, à compter de la date de lecture du présent arrêt, une rente pour assistance d'une tierce personne d'un montant de 91 euros par jour due au prorata du nombre de jours que M. A... H... aura passés au domicile familial ou personnel, sous déduction de la prestation de compensation du handicap éventuellement perçue. Cette rente sera versée par trimestres échus et son montant, tel que fixé à la date de lecture du présent arrêt, sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée avant dire-droit, liquidés et taxés à la somme de 3 684,07 euros, sont mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. A... H... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par les parties dans les requêtes n° 16BX02903 et 16BX03124 est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. A... H..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

M. Thierry B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2019.

Le rapporteur,

Thierry B...

Le président,

Catherine GiraultLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX02903, 16BX03124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16BX02903;16BX03124
Date de la décision : 30/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-30;16bx02903 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award