Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 23 janvier 2019 par lesquels le préfet du Lot a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par deux jugements n° 1900670 et n° 1900671 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée, sous le n° 19BX02621, le 10 juillet 2019, Mme F... E..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1900671 du 13 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 23 janvier 2019 par laquelle le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Lot de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande en la munissant d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son admission au séjour répond tant à des considérations humanitaires qu'à des motifs exceptionnels ;
- le préfet a méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant A... garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle est fondée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2019, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 19 novembre 2019 à 12 h 00.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2019.
II- Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2019, M. C... E..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1900670 du 13 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 23 janvier 2019 par laquelle le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Lot de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- la procédure suivie par le préfet est irrégulière dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII et le rapport médical ne lui ont pas été communiqués durant la procédure ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite des soins médicaux ; il est atteint d'une paralysie cérébrale qui provoque un ensemble de troubles des mouvements et postures ainsi que des difficultés cognitives et sensorielles nécessitant des soins constants de kinésithérapie dont l'absence pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; le système de santé au Kosovo ne propose pas les soins adaptés à son état de santé ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du même code dès lors que son admission au séjour répond tant à des considérations humanitaires qu'à des motifs exceptionnels ;
- le préfet a méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant A... garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle est fondée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2019, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 19 novembre 2019 à 12 h 00.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... B... a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E..., ressortissants kosovares respectivement nés en 1978 et en 1980 sont, selon leurs déclarations, entrés en France le 24 juillet 2017 accompagnés de leur fils mineur né en 2014. Les demandes d'asile qu'ils ont déposées en août 2017ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 10 octobre 2017 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 13 mars 2018. M. E... a alors déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté en date du 23 janvier 2019, le préfet du Lot a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité, a obligé M. E... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du même jour, il a pris des mesures identiques à l'encontre de Mme E.... Par une requête enregistrée sous le n° 19BX02621, Mme E... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019. Par une requête enregistrée sous le n° 19BX02622, M. E... relève appel du jugement du même jour par lequel le même tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n° 19BX02621 et n° 19BX02622 concernent la situation d'un couple. Elles présentent ainsi à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions litigieuses et de l'insuffisance de motivation les entachant par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) ".
5. Premièrement, si comme le soutient M. E... aucune case n'est cochée dans les rubriques relatives aux éléments de procédure, pourtant prévues à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016, il résulte de leur libellé qu'elles n'ont à être cochées que s'il a été décidé de faire usage de ces mesures et que les cases sur leur réalisation doivent alors être renseignées pour faire état du résultat de la mesure. Or, en l'espèce, il n'est pas établi que l'examen de la situation de M. E... ait nécessité une convocation pour examen, une demande d'examens complémentaires ou une justification de son identité. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.
6. Deuxièmement, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'arrêté du 27 décembre 2016, ni aucun autre texte, ne prévoit la communication de l'avis du collège des médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration ou du rapport médical fondant cet avis. Dès lors, leur défaut de communication est sans incidence sur la régularité de l'avis et, par voie de conséquence, sur la légalité du refus de titre de séjour pris à l'encontre de M. E....
7. Troisièmement, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 29 novembre 2018 que l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, l'intéressé pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des documents médicaux produits par M. E... tant en première instance qu'en appel qu'il souffre d'une paralysie cérébrale qui, ainsi que cela résulte d'un certificat médical du Dr Marque daté du 2 mai 2018, l'expose " à une dégradation de ses performances au fil du temps en l'absence de soins en particulier de kinésithérapie " et pourrait nécessiter dans l'avenir " des soins spécifiques (...) par injection de toxine botulique ou traitement par BACLOFENE oral ", une chirurgie orthopédique n'étant pas exclue pour maintenir son capital articulaire. Ni ce certificat médical, ni l'ordonnance du 18 mars 2019 prescrivant des séances de kinésithérapie, ni les convocations au service de neurologie des Hôpitaux de Toulouse pour le 18 mars 2019 et au service de rhumatologie du centre hospitalier de Cahors pour le 5 avril 2019 ne sont de nature à infirmer l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si, par ailleurs, M. E... produit un rapport établi le 6 mars 2017 par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés qui indique que les soins de santé proposés au Kosovo sont insuffisants, que certains médicaments n'y sont pas disponibles et que le système d'assurance maladie défaillant entraîne des surcoûts pour les ressortissants kosovars ainsi qu'une attestation établie le 17 mai 2019 par le service hospitalier et clinique universitaire du Kosovo faisant état de l'absence de centre spécialisé ou de médecins spécialistes du traitement de la paralysie cérébrale, ces documents ne permettent pas d'établir que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.
9. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Lot a méconnu les dispositions citées au point 4 du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'il a entaché son refus de séjour d'une erreur d'appréciation de son état de santé.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. M. et Mme E... soutiennent qu'ils sont parfaitement intégrés en France où leur fils mineur est scolarisé en maternelle. Toutefois, il ressort des pièces des dossiers qu'ils sont entrés récemment en France et n'établissent pas, par les attestations qu'ils versent à l'instance, y avoir tissé des liens personnels particuliers. Les seuls faits de pendre des cours de français, d'effectuer du bénévolat au sein de l'association Emmaüs et, s'agissant de M. E..., de bénéficier d'une promesse d'embauche de cette association, ne suffisent pas à démontrer une intégration particulière dans la société française. M. et Mme E... faisant tous deux l'objet de mesures d'éloignement identiques, rien ne s'oppose à une reconstitution de la cellule familiale au Kosovo, où ils ont vécu durant la majeure partie de leur vie et où il n'est pas établi que leur fils, âgé de quatre ans, ne pourra y poursuivre sa scolarité.
12. Dans ces conditions, les décisions de refus de titre de séjour en litige n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des appelants une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'ont donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les refus litigieux ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".
14. En se prévalant des éléments et circonstances exposés au point 11, M. et Mme E... n'établissent pas que leur admission au séjour répondrait à des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'ils font valoir que leur situation répond à des motifs humanitaires dès lors qu'ils encourent des risques en cas de retour au Kosovo du fait des investigations menées par M. E..., en qualité de journaliste, sur le processus de recrutement de l'Etat islamique au Kosovo, ils n'établissent, par les pièces produites, ni la réalité des menaces subies par le passé ni les risques encourus pour l'avenir en cas de retour dans ce pays.
15. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
17. Ainsi qu'il a été dit au point 11, il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Kosovo ni que le fils des époux E... ne pourrait y poursuivre sa scolarité. La seule circonstance qu'il soit bien intégré au sein de son école maternelle ne suffit pas à établir que le préfet du Lot n'aurait pas porté l'attention requise à l'intérêt supérieur de cet enfant en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations ne peut être qu'écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
18. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions litigieuses.
19. En deuxième lieu, il résulte de tout ce qui précède que les décisions portant refus de titre de séjour ne sont pas entachées d'illégalité. Les appelants ne sont, en conséquence, pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient privées de base légale.
20. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré de ce que le préfet du Lot aurait entaché les mesures d'éloignement litigieuses d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de renvoi :
21. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions.
22. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 14, les documents produits par M. et Mme E... ne permettent pas d'établir la réalité des risques auxquels ils seraient personnellement exposés en cas de retour au Kosovo. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 23 janvier 2019 du préfet du Lot. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et en tout état de cause de l'article R.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., à M. C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... B..., présidente-assesseure,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Pierre Larroumec Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°s 19BX02621, 19BX02622 2