Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1902787 du 24 juin 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions du 21 mai 2019 du préfet de la Haute-Garonne refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet 2019 et 15 octobre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 24 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français en date du 21 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour salarié dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il est titulaire d'un titre de séjour longue durée délivré par les autorités italiennes et qu'il aurait dû faire l'objet d'une décision de transfert vers l'Italie ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est titulaire d'un titre de séjour valable cinq ans en Italie et qu'il travaille en France depuis octobre 2017 où il est titulaire d'un domicile fixe ; son frère et ses amis se vivent en France ; pour les mêmes motifs cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement en tant qu'il a annulé les décisions refusant d'accordant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que les décisions refusant d'accordant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans sont justifiées.
Par ordonnance du 11 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 29 octobre 2019 à midi.
Le préfet de la Haute-Garonne a produit un mémoire complémentaire le 31 octobre 2019 qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, né le 1er février 1992 à Kayes, entré en France, selon ses déclarations, en novembre 2018, relève appel du jugement en date du 24 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse n'a fait que partiellement droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 mai 2019 en prononçant l'annulation des décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et en rejetant le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le préfet, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement en tant qu'il a annulé les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur l'appel principal :
2. En premier lieu, par un arrêté du 27 mai 2019 régulièrement publié le 28 mai 2019 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, Mme G... D..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne, a reçu délégation du préfet pour signer " (...) les décisions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-3-2 du CESEDA (...). ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde. Par ailleurs, cette décision mentionne les circonstances de fait propres à la situation de M. A..., notamment qu'il a déclaré être entré en France depuis sept mois en étant muni d'un titre de séjour italiens d'une durée de validité de cinq ans et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour en France. Par suite, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée en droit et en fait.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ". Aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire (...) ". Aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à (...) / (...) l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. (...) ".
5. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.
6. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3.
7. M. A... soutient qu'il est titulaire d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité délivré par les autorités italiennes faisant obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de son audition par un officier de police judiciaire en date du 21 mai 2019, que M. A... est titulaire d'un permis de séjour italien valable du 28 juillet 2016 au 25 juillet 2021 portant la mention " protection subsidiaire " qui ne constitue pas un titre de résident de longue durée-UE au sens des dispositions de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003. Ainsi à la date de la décision contestée, les autorités italiennes s'étaient prononcées sur sa demande de protection internationale et lui avaient accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. Dans ces conditions, M. A... qui séjournait en France depuis plus de trois mois sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré, n'était pas insusceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Il ressort également des pièces du dossier que, M. A... a indiqué lors de son audition vouloir demeurer en France et ne pas retourner en Italie. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il était insusceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français mais pouvait seulement être remis aux autorités italiennes doit être écarté.
8. En dernier lieu, si M. A... se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le mois d'octobre 2018 en qualité de plongeur polyvalent, et justifie avoir travaillé comme agent de nettoyage et ouvrier du bâtiment à Paris entre les mois de juillet 2017 et septembre 2018, puis sur un poste de manutentionnaire à Toulouse en octobre 2018, il ressort toutefois des pièces du dossier que son entrée en France est récente à la date de la décision contestée. En outre, si le frère de M. A... réside en France sous couvert d'un titre de séjour salarié, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiale et personnel en Italie où il a déclaré être entré en 2014 et où il est titulaire d'un permis de séjour valable cinq années qui lui a été délivré le 28 juillet 2016. Dans ces conditions, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... s'est maintenu sur le territoire français plus de trois mois sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, il était titulaire à la date de décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par les autorités italiennes, d'un contrat de travail à durée indéterminé depuis le 6 octobre 2018 et qu'il justifiait être locataire d'un logement à son nom situé à Toulouse. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que l'intéressé a déclaré vouloir se maintenir en France en indiquant qu'il y était titulaire d'un emploi et d'un logement, c'est à bon droit que le premier juge s'est fondé sur ces motifs pour annuler la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., et par conséquent, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. L'exécution du présent arrêt n'implique pas que la cour ordonne au préfet de la Haute-Garonne de délivrer un titre de séjour salarié à M. A.... Par suite, les conclusions présentées par M. A... aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. L'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance, et pour l'essentiel, partie perdante, une somme à verser à M. A....
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et les conclusions incidentes du préfet de la Haute-Garonne sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre H..., président,
Mme D... C..., présidente-assesseure
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
La présidente-assesseure,
Karine C...
Le président,
Pierre H...
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02548