Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 21 décembre 2017 par laquelle le ministre du travail a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1800047 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 septembre 2018 et le 2 novembre 2018, M. E... G..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 juillet 2018 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail du 21 décembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'appel ayant été formé dans le délai mentionné à l'article R. 421-7 du code de justice administrative et dans le jugement attaqué, il n'est pas tardif. Il ne réside à Dieppe que depuis le 1er septembre 2018 ;
- il résulte des articles R. 751-5 et R. 811-7 du code de justice administrative que doit être joint à l'appel la copie du jugement attaqué, ce qui est le cas, et non le courrier de notification de ce jugement ;
- le ministre n'était pas compétent pour autoriser son licenciement puisqu'il ne peut être mis fin à un détachement d'un fonctionnaire que sur sa demande ou sur celle de l'organisme d'accueil ou sur celle de l'administration d'origine ;
- le contrat le liant au grand port maritime de la Guadeloupe (GPMG) est un contrat de droit privé. Dès lors, son licenciement ne pouvait être autorisé que si les fonctions d'agent de sûreté portuaire (ASP) figurent sur son contrat de détachement et sa fiche de poste, si aucune juridiction n'a été saisie en application de l'article 1152-2 du code du travail, s'il a commis une faute d'une gravité telle que son maintien en détachement n'était pas possible et si le ministre a vérifié que ses arguments pour justifier son refus d'exercer les fonctions d'ASP sont suffisant. Aucune de ces conditions n'est remplie.
- les fonctions d'ASP ne sont pas mentionnées dans son contrat et ne sont pas des fonctions dévolues par un texte au commandant de port ;
- la cause du licenciement étant une faute grave, il faut que soient réunis les éléments caractérisant une telle faute. Or le refus d'exercer les fonctions d'ASP ne constitue pas une faute grave au sens de la jurisprudence de la Cour de Cassation car il y avait deux agents de sûreté portuaire adjoints de sorte que la sécurité du port n'était pas compromise ;
- son refus était motivé par les entraves mises en place par le directeur du port qui a refusé de mettre aux normes les installations portuaires ;
- il a saisi la cour d'appel de Basse-Terre des faits de harcèlement moral dont il a été victime et avait produit au ministre les pièces s'y rapportant.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 24 octobre 2018 et le 27 novembre 2018, le grand port maritime de la Guadeloupe, représenté par le cabinet Richer et associés droit public, conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. G... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'appel est tardif, le délai supplémentaire prévu par l'article R. 421-7 du code de justice administrative n'étant pas applicable à l'espèce puisque M. G... réside en Guadeloupe dans le ressort de la cour administrative d'appel de Bordeaux ou, en tout état de cause, à Dieppe. Le courrier de notification du jugement attaqué fait d'ailleurs mention d'un délai d'appel de deux mois.
- l'appel est irrecevable car il manque le courrier de notification du jugement attaqué en méconnaissance des articles R. 751-5 et R. 811-7 du code de justice administrative ;
- les moyens invoqués par M. G... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.
Par ordonnance du 28 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2019 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H... A...,
- les conclusions de M. Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant Grand Port Maritime de la Guadeloupe.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., capitaine de port, a été détaché au grand port maritime de la Guadeloupe le 1er février 2014 pour y exercer les fonctions de commandant de port. Le 24 février 2016, M. G... a été désigné comme représentant de la section syndicale force ouvrière du grand port maritime de la Guadeloupe. Après avoir déjà exprimé le souhait de ne plus exercer les fonctions d'agent de sûreté portuaire, M. G... a, le 20 avril 2017, présenté sa démission desdites fonctions. Nonobstant le refus opposé à sa demande de démission, M. G... a refusé d'exercer ces fonctions. Face à ce refus persistant, le grand port maritime de la Guadeloupe a adressé le 2 juin 2017 à l'inspection du travail de la Guadeloupe une demande d'autorisation de licenciement. Par une décision du 2 août 2017, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. G.... En réponse au recours hiérarchique formé par le grand port maritime de la Guadeloupe, le ministre du travail a, le 21 décembre 2017, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 2 août 2017 et a autorisé le licenciement de M. G.... Ce dernier relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 juillet 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 21 décembre 2017.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite (...) Il est révocable. (...) Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, à l'exception des dispositions des articles L. 1234-9, L. 1243-1 à L. 1243-4 et L. 1243-6 du code du travail ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) ". Il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires détachés sont soumis aux règles régissant la fonction qu'ils exercent par l'effet de leur détachement. Lorsqu'ils sont employés par une entreprise soumise au droit privé, ils sont liés à celle-ci par un contrat de travail de droit privé et régis par le code du travail, à la seule exception de certaines dispositions de ce code relatives aux contrats de travail à durée déterminée et aux indemnités de licenciement.
3. M. G... semble soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une décision autorisant son licenciement dès lors qu'il pouvait être mis fin à son détachement soit à sa demande, soit à la demande de son administration d'origine, soit à la demande de son employeur dans le cadre du détachement. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. G..., fonctionnaire de l'Etat a été détaché auprès de la société du grand port maritime de la Guadeloupe par contrat signé le 20 janvier 2014. Etant lié à cette entreprise par un contrat de droit privé et étant représentant de la section syndicale force ouvrière du grand port maritime de la Guadeloupe, il résulte des dispositions citées au point précédent que la société du grand port maritime de la Guadeloupe ne pouvait mettre un terme au détachement de M. G..., et donc procéder à son licenciement, sans obtenir préalablement l'autorisation de l'inspecteur du travail, ou, à la suite d'un recours hiérarchique, du ministre chargé du travail. Dès lors, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision en litige doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail : " Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. ".
5. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
6. M. G... semble soutenir que la circonstance que l'action intentée contre le grand port maritime de la Guadeloupe pour des agissements répétés de harcèlement moral soit encore pendante fait obstacle à son licenciement et par conséquent à l'autorisation de son licenciement. Cependant le licenciement litigieux est motivé par le refus de M. G... d'exécuter les missions d'agent de sûreté portuaire et non pour avoir relaté des agissements répétés de harcèlement moral dont il aurait été victime. Dès lors, la décision du ministre ne fait pas obstacle à ce que M. G... fasse valoir devant les juridictions compétentes les droits résultant d'un manquement de son employeur, le grand port maritime de la Guadeloupe, et ne méconnaît donc pas, contrairement à ce que soutient le requérant, l'article L. 1152-2 du code du travail.
7. En troisième lieu, M. G... soutient que le manquement qui lui est reproché n'est pas fautif dès lors qu'il concerne des missions ne figurant pas dans son contrat de détachement. Si le contrat de détachement ne détaille pas les missions attribuées mais se borne à indiquer qu'il " exercera les fonctions de Commandant de port, sous l'autorité du Président du Directoire, Directeur Général ", la fiche de poste, actualisée le 1er juillet 2015, prévoit que le commandant de port doit garantir " la mise en oeuvre de la réglementation sur les différents sites portuaires " et manager " les services placés sous son contrôle (Sûreté portuaire (...)) " et qu'il doit donc élaborer, actualiser et mettre " en oeuvre les plans et dispositif de sûreté et de sécurité des biens et des personnes ". Si la fiche de poste a été modifiée postérieurement à la conclusion du contrat de détachement, il n'est pas contesté qu'elle a été annexée à ce contrat. Ainsi, M. G... n'a pas exercé une partie des missions figurant sur sa fiche de poste et a donc commis une faute.
8. En quatrième lieu, pour contester la gravité de ce manquement, le requérant soutient, à l'instar de ce qu'avait retenu l'inspectrice du travail, que ce refus n'a pas porté atteinte à la sécurité du port en raison de la présence de deux agents de sûreté portuaires adjoints chargés d'assurer la continuité du service. Toutefois son absence a nécessairement porté préjudice au bon exercice de cette mission dans la mesure où M. G... était chargé, en vertu de la fiche de poste, de manager ces deux agents. Dès lors, et nonobstant les difficultés alléguées par M. G... dans l'exercice des fonctions d'agent de sûreté portuaire, le refus répété d'exercer ces missions figurant sur sa fiche de poste et dont il avait sollicité l'attribution par un courriel du 19 mars 2015 constitue, en l'espèce et eu égard à sa position hiérarchique, une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le grand port maritime de la Guadeloupe, que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 21 décembre 2017.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du grand port maritime de la Guadeloupe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. G... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. G... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le grand port maritime de la Guadeloupe et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : M. G... versera au grand port maritime de la Guadeloupe une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G..., au ministre du travail et au grand port maritime de la Guadeloupe. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
M. H... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03467