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12/12/2019 | FRANCE | N°17BX01049

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 12 décembre 2019, 17BX01049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense des terres fertiles, M. B... C... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du conseil d'agglomération d'Agen du 17 septembre 2015 approuvant la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols (POS) de Sainte-Colombe-en-Bruilhois.

Par un jugement n° 1505106 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 31 mars 2017, M. C..., l'association de défense des terres fertiles et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense des terres fertiles, M. B... C... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du conseil d'agglomération d'Agen du 17 septembre 2015 approuvant la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols (POS) de Sainte-Colombe-en-Bruilhois.

Par un jugement n° 1505106 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2017, M. C..., l'association de défense des terres fertiles et M. F..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 janvier 2017 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil d'agglomération d'Agen du 17 septembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'agglomération d'Agen la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car rendu en méconnaissance du principe du contradictoire aux motifs que le mémoire en défense de la communauté d'agglomération d'Agen du 31 mai 2016 et la note en délibéré du 13 janvier 2017 ne leur ont pas été communiqués et que le rejet du moyen relatif au détournement de pouvoir ne se fonde sur aucune pièce ;

- le jugement est également irrégulier au motif que le juge a fait usage d'un moyen d'ordre public sans en informer les parties ;

- la consultation des personnes publiques associées au cours de la réunion du 9 avril 2015 a été irrégulière au regard des articles L. 300-6, L. 123-14-2 et L. 121-4 du code de l'urbanisme ; en effet, la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois était présente, par l'intermédiaire de son maire alors que celui-ci est directement intéressé à cette affaire, un organisme, NEOCITE, était irrégulièrement présent puisque sa qualité d'assistant à maîtrise d'ouvrage ne lui permet pas de participer à une réunion politique sur la mise en compatibilité, le syndicat mixte du pays de l'Agenais était représenté par un fonctionnaire et le département du Lot-et-Garonne était représenté par deux fonctionnaires qui n'avaient pas reçu de délégation pour représenter un élu conformément à l'article L. 3221-3 du code général des collectivités locales ; il appartenait au tribunal d'exiger de l'administration la communication des pièces permettant de justifier sa thèse ;

- l'enquête publique est irrégulière ; l'agglomération d'Agen a dissimulé à la population dans le dossier d'enquête le risque que le Technopole Agen-Garonne ne soit finalement pas desservi par la ligne de train à grande vitesse prévue entre Bordeaux et Toulouse ; en outre, la commission d'enquête sur la ligne LGV a donné un avis défavorable ; alors que le projet d'implantation de la Gare LGV est " l'élément central du projet ", l'absence d'information concernant l'éventuel abandon du projet dans le dossier d'enquête publique, a vicié la procédure ;

- le tribunal administratif a rejeté à tort l'exception d'illégalité des délibérations du 26 septembre 2013 portant création de la zone d'aménagement concerté, du 30 janvier 2014 approuvant le programme d'équipements publics et du 30 janvier 2014 approuvant le programme de réalisation de la zone d'aménagement concerté, dès lors que ces décisions forment une opération complexe ; en effet, la délibération d'approbation de la création de la ZAC " Technopole Agen Garonne " du 26 septembre 2013 et celle du 30 janvier 2014 sont des mesures préparatoires d'actes ultérieurs ; en outre, la délibération de mise en compatibilité du POS présente un lien direct avec la délibération créant la ZAC ; on ne peut donc appliquer le principe des législations indépendantes, sauf à refuser le droit à un recours effectif prévu par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les inconvénients excessifs du projet sont de nature à retirer à l'opération projetée son caractère d'intérêt général : le projet est disproportionné par rapport aux objectifs de développement économique ; il porte atteinte aux terres agricoles et aux propriétés privées et les projections en termes de création d'emplois sont très irréalistes ; le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du projet en l'absence de mesures compensatoires des atteintes à l'environnement ;

- en prenant une deuxième déclaration d'intérêt général dans le cas où l'expropriation est nécessaire et où, compte tenu de l'existence d'une déclaration d'intérêt général, une procédure de révision de plan local d'urbanisme devait être organisée, l'agglomération d'Agen a commis un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2017, la communauté d'agglomération d'Agen, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête présentée par l'association est irrecevable pour défaut de capacité à agir de son président à défaut d'habilitation du conseil d'administration ;

- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 23 janvier 2019, présenté pour M. B... C..., l'association de défense des terres fertiles et M. E... F... n'a pas été communiqué.

L'affaire a été appelée à l'audience publique du 5 février 2019.

M. C..., l'association de défense des terres fertiles et M. F... ont présenté une note en délibéré, enregistrée le 13 février 2019, qui a été communiquée.

Ils soutiennent qu'ils ont remis en cause l'ordonnance d'expropriation par la procédure de perte de base légale, ce qu'ils n'ont pu faire que dans le délai de deux mois de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 3 mai 2018 confirmant l'annulation de la déclaration d'utilité publique.

En réponse à la communication de cette note en délibéré, la communauté d'agglomération d'Agen a produit un mémoire, enregistré le 12 mars 2019. Elle conclut aux mêmes fins.

Elle soutient que :

- si la procédure d'évolution d'un document d'urbanisme ne peut intervenir, compte-tenu de son champ d'application matériel, que si le projet nécessitant la mise en compatibilité du document d'urbanisme ne justifie pas l'utilisation d'une procédure d'expropriation, en l'espèce, à la date à laquelle le conseil d'agglomération s'est prononcé sur la mise en compatibilité du POS de Sainte-Colombe-en-Bruilhois avec la déclaration de projet, à savoir le 17 septembre 2015, la collectivité maître d'ouvrage était propriétaire du foncier nécessaire à la réalisation de la première tranche de la Zac dite " Technopole Agen Garonne" ; l'ordonnance d'expropriation est intervenue le 26 juin 2015 et la collectivité maître d'ouvrage a immédiatement pris possession des parcelles concernées et entrepris les travaux de mise en oeuvre de la ZAC ;

- en l'espèce, le fait que les appelants aient formulé une demande de restitution devant le juge de l'expropriation ne saurait être qualifié de circonstance factuelle dont il ne pouvait être fait état plus tôt, ni de circonstance que le juge ne peut ignorer sans entacher sa décision d'erreur de droit dès lors que rien n'empêchait les appelants d'informer la cour qu'ils avaient engagé une nouvelle action auprès du juge de l'expropriation en vue de la restitution des parcelles dont ils ont été expropriés ;

- cette action en restitution ne remet pas en cause la logique d'expropriation et en tout état de cause le transfert de propriété lorsque le bien exproprié n'est pas en état d'être restitué comme en l'espèce où l'action de l'exproprié se résout en dommages intérêts sans qu'il y ait lieu de prononcer la restitution du bien.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités locales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue, rapporteur,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. L'agglomération d'Agen a décidé de procéder à la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols (POS) de Sainte-Colombe-en-Bruilhois, remis en vigueur par l'annulation du plan local d'urbanisme de cette commune par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 février 2015 devenu définitif, en utilisant la procédure de déclaration de projet prévue par les articles L. 300-6 et L. 123-14 du code de l'urbanisme. Le président de l'agglomération d'Agen a prescrit la mise en oeuvre de cette procédure par un arrêté du 5 mars 2015. La réunion d'examen conjoint concernant la déclaration de projet portant sur l'intérêt général du " Technopole Agen Garonne " et le dossier de mise en compatibilité du POS de Sainte-Colombe-en-Bruilhois s'est tenue le 9 avril 2015. Par arrêté du 19 mai 2015, le président de l'agglomération d'Agen a défini les modalités d'organisation de l'enquête publique préalable à la déclaration de projet, qui s'est déroulée du 17 juin 2015 au 17 juillet 2015. À l'issue de l'enquête publique, le commissaire-enquêteur désigné par le président du tribunal administratif a émis des conclusions favorables le 13 août 2015. Par délibération du 17 septembre 2015, le conseil de la communauté d'agglomération d'Agen a déclaré d'intérêt général le projet " Technopole Agen Garonne " et a approuvé la mise en compatibilité avec cette opération des dispositions du POS de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois. M. C..., l'association de défense des terres fertiles et M. F... relèvent appel du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération du 17 septembre 2015.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de l'association de défense des terres fertiles :

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les appelants soutiennent que les premiers juges ne pouvaient, pour écarter leur moyen tiré du détournement de procédure, se fonder d'office sur un moyen de défense sans en avertir les parties au préalable afin de leur permettre de présenter leurs éventuelles observations, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Toutefois, dans ses motifs, le tribunal s'est borné à expliquer que le moyen de détournement de procédure dont il était saisi, au vu de l'argumentation des demandeurs et des pièces du dossier, ne lui apparaissait pas fondé. Ce faisant, il n'a pas relevé d'office un moyen qui aurait dû être soumis au préalable au contradictoire des parties et n'a, partant, pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité sur ce point.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire [...] ". Le caractère contradictoire de l'instruction fait obligation de communiquer à toutes les parties l'ensemble des mémoires et pièces soumis au débat contradictoire. Ne sont toutefois pas soumis à une telle exigence les répliques et autres mémoires, observations ou pièces par lesquels les parties se bornent à réitérer des éléments de fait ou de droit qu'elles ont antérieurement fait valoir au cours de la procédure.

4. D'une part, les appelants ne sauraient utilement faire valoir que certains de leurs propres mémoires n'auraient pas été communiqués à leur adversaire. D'autre part, pour écarter le moyen de détournement de procédure invoqué par les demandeurs, le tribunal s'est contenté de juger peu convaincante l'argumentation que lui présentaient les demandeurs. Pour ce faire, il ne s'est pas fondé sur le mémoire en défense non communiqué de la communauté d'agglomération, enregistré le 31 mai 2016. Par suite, les moyens tirés de ce que le jugement attaqué aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure contentieuse ainsi que les droits de la défense et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

5. En troisième lieu, les premiers juges n'étaient tenus de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré de la communauté d'agglomération enregistrée le 13 janvier 2017 que si elle avait contenu l'exposé, soit d'une circonstance de fait dont les appelants n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que les premiers juges n'auraient pu ignorer sans fonder leur décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le tribunal administratif aurait dû relever d'office. Toutefois, les éléments contenus dans la note en délibéré produite par la communauté d'agglomération d'Agen n'entraient dans aucune de ces hypothèses. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché de l'irrégularité invoquée.

6. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 31 janvier 2017 a été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 600-2 du même code : " L'annulation (...) d'un plan local d'urbanisme (...) a pour effet de remettre en vigueur (...) le plan d'occupation des sols (...) immédiatement antérieur ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ". Aux termes de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur : " L'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction. Les articles L. 122-15, L. 122-16-1, L. 123-14 et L. 123-14-2 sont applicables sauf si la déclaration de projet adoptée par l'État, un de ses établissements publics, un département ou une région a pour effet de porter atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durables du schéma de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, du plan local d'urbanisme ". Aux termes de l'article L. 123-14 du même code alors en vigueur : " Lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité publique ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, ce projet peut faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet. / Dans ce cas, l'enquête publique porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général du projet et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence. /La déclaration d'utilité publique ou la déclaration de projet d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue par l'article L. 123-14-2 ". Aux termes de l'article L. 123-14-2 du même code alors en vigueur : " I. - Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan prévue aux articles L. 123-14, L. 123-14-1 et L. 300-6-1 font l'objet d'un examen conjoint de l'État, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L.123-6, de la commune, et des personnes publiques associées mentionnées au premier alinéa du I et au III de l'article L. 121-4. / Lorsque la mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme intercommunal est nécessaire pour permettre la réalisation d'un projet, le maire de la ou des communes intéressées par ce projet est invité à participer à cet examen conjoint. / II.-Le projet de mise en compatibilité est soumis à une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement : / (...) 2° Par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-6, le maire, dans les autres cas. / Le procès-verbal de la réunion d'examen conjoint est joint au dossier de l'enquête publique. / III.- À l'issue de l'enquête publique, l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-6, la commune : / (...) / 2° Décide la mise en compatibilité du plan, lorsque la décision relève d'une personne publique autre que l'État. / IV.-La mise en compatibilité du plan local d'urbanisme éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier et du résultat de l'enquête, est approuvée : 3° Par la déclaration de projet lorsqu'elle est prise par l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-6, par la commune, dans les autres cas. (...) ".

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de procédure :

8. Les appelants soutiennent que le projet de zone d'aménagement concerté, incluant dans son périmètre des terrains privés, rend nécessaire le recours à l'expropriation, et partant, conformément à l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, une déclaration d'utilité publique. Ils doivent ainsi être regardés comme contestant la procédure de déclaration de projet mise en oeuvre au titre des articles L. 300-6 et L. 123-14 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte des dispositions citées au point 7 que la déclaration de projet à l'initiative de la collectivité ou de l'établissement public responsable du projet en application de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme est limitée aux opérations d'intérêt général ne nécessitant pas l'adoption d'une déclaration d'utilité publique.

10. Il ressort des pièces du dossier que, par ordonnance du 26 juin 2015 du juge de l'expropriation du tribunal de grande instance d'Agen, les immeubles, portions d'immeubles et droits réels immobiliers situés dans l'emprise de la zone d'aménagement concerté ont été expropriés, et que l'agglomération d'Agen a été envoyée en possession. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu que l'autorité judiciaire, en application de l'article L. 223-2 du code de l'expropriation, aurait fait rétroactivement disparaître le transfert de propriété par l'annulation de l'ordonnance d'expropriation. Dans ces conditions, et contrairement à ce que les appelants soutiennent, le projet de zone d'aménagement concerté litigieux, au 17 septembre 2015, ne requérait pas une déclaration d'utilité publique. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le champ d'application de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme aurait été méconnu et que le conseil de la communauté d'agglomération d'Agen aurait commis un détournement de procédure.

En ce qui concerne la consultation des personnes publiques associées :

11. En vertu du I de l'article L. 123-14-2 du code de l'urbanisme, les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du document d'urbanisme doivent faire l'objet d'un examen conjoint de l'État, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et des personnes publiques associées. En vertu de l'article R. 123-23-2 du même code, applicable à la déclaration de projet contestée, cet examen conjoint doit avoir lieu avant l'ouverture de l'enquête publique.

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion et des convocations versés au dossier de l'instance, que le président de la communauté d'agglomération d'Agen a invité en tant que personnes publiques associées, le préfet de Lot-et-Garonne, les présidents du conseil régional d'Aquitaine et du conseil départemental de Lot-et-Garonne, le vice-président du syndicat mixte du pays de l'Agenais, le maire de Sainte-Colombe-en-Bruilhois, les présidents de la chambre de métiers et de l'artisanat de Lot-et-Garonne, de la chambre de commerce et d'industrie, de la chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne et le directeur départemental des territoires à se joindre à la réunion d'examen conjoint du projet de mise en compatibilité du POS de Sainte-Colombe-en-Bruilhois avec la déclaration de projet portant sur l'intérêt général du projet " Technopole Agen Garonne ", organisée le 9 avril 2015.

13. D'une part, ainsi que le relève le tribunal, les dispositions précitées du code de l'urbanisme prévoient de recueillir l'avis du maire de la commune dont le document d'urbanisme est mis en compatibilité. La présence du maire de Saint-Colombe-en-Bruilhois, commune membre de l'agglomération d'Agen, ne saurait donc avoir vicié la procédure non plus que l'absence du maire de la commune de Brax (Lot-et-Garonne), qui n'est pas concernée par la mesure de mise en compatibilité.

14. D'autre part, la délibération contestée ne décide ni du périmètre de la zone d'aménagement concerté, ni de sa création et consiste seulement en la déclaration d'intérêt général d'un projet, afin d'assurer la mise en compatibilité du règlement local d'urbanisme. Au demeurant, les appelants admettent que cette mise en compatibilité ne concerne pas des parcelles dont le maire de Sainte-Colombe-en-Bruilhois ou ses proches seraient propriétaires. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la participation du maire de Sainte-Colombe-en-Bruilhois aux travaux de la réunion d'examen conjoint ait pu entacher la délibération contestée d'une violation du principe d'impartialité.

15. De troisième part, les circonstances que le président de l'agglomération d'Agen ait invité à participer à la réunion d'examen conjoint le vice-président du syndicat mixte du pays de l'agenais et non son président, et que ce syndicat comme le département de Lot-et-Garonne étaient représentés à la réunion par des fonctionnaires placés sous l'autorité de leurs hiérarchies respectives, sont sans incidence sur la régularité de la réunion d'examen conjoint, dès lors que le syndicat mixte du pays de l'Agenais et le département de Lot-et-Garonne étaient régulièrement représentés lors de cette réunion.

16. Enfin, la présence du bureau d'études, assistant du maître d'ouvrage en charge d'élaborer le dossier de mise en compatibilité n'est, en tout état de cause, pas de nature à préjudicier au bon déroulement de cette réunion dès lors qu'il n'a pas pris part aux débats.

17. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'examen conjoint serait entachée d'irrégularité au regard des dispositions des articles L. 123-14-2 et R. 123-23-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :

18. Les appelants font valoir qu'alors que le projet d'implantation de la gare LGV est " l'élément central du projet ", l'absence d'information dans le dossier d'enquête publique concernant l'éventuel abandon du projet de la ligne de train à grand vitesse entre Bordeaux et Toulouse aurait vicié la procédure.

19. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'un dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de ce dossier, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

20. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les pièces du dossier ne montrent pas de corrélation entre le lancement du projet de " Technopole Agen Garonne " initié en 2005 et la création de la ligne à grande vitesse (LGV) reliant Bordeaux à Toulouse, ni davantage que la création de cette ligne constituerait l'élément essentiel du projet de ce technopole. Les éléments du dossier font apparaître, au contraire, que le site a été choisi en raison de la proximité de l'autoroute A 62 et des caractéristiques des lieux, favorables à la création d'une zone d'activité. En outre, le dossier d'enquête publique comportait, sur la perspective de ladite LGV des informations exactes et complètes à l'époque à laquelle l'enquête publique a été conduite. Dans ces conditions, ni la population, ni l'autorité administrative n'ont été induits en erreur par le défaut d'évocation, dans le dossier d'enquête publique, de l'hypothèse de l'absence de desserte de la zone par une nouvelle gare.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité des délibérations du conseil d'agglomération d'Agen créant la zone d'aménagement concertée :

21. En vertu de l'article R. 311-7 du code de l'urbanisme, la personne publique qui a pris l'initiative de la création de la zone d'aménagement concertée constitue un dossier de réalisation qui doit être approuvé par son organe délibérant. Ce dossier de réalisation doit comprendre, en particulier, le projet de programme des équipements publics à réaliser dans la zone ainsi que : " lorsque celui-ci comporte des équipements dont la maîtrise d'ouvrage et le financement incombent normalement à d'autres collectivités ou établissements publics, le dossier doit comprendre les pièces faisant état de l'accord de ces personnes publiques sur le principe de la réalisation de ces équipements ". Le dossier de réalisation doit également comporter les modalités prévisionnelles de financement de l'opération d'aménagement, échelonnées dans le temps.

22. Les appelants ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 17 septembre 2015 approuvant la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols (POS) de Sainte-Colombe-en-Bruilhois, l'illégalité des délibérations du 26 septembre 2013 portant création de la zone d'aménagement concerté, du 30 janvier 2014 approuvant le programme d'équipements publics et du 30 janvier 2014 approuvant le programme de réalisation de la zone d'aménagement concerté, dès lors que la délibération contestée de 2015 n'a pas été prise pour l'application de ces délibérations de 2013 et 2014, que celles-ci ne constituent pas la base légale de celle de 2015 et qu'elles ne forment pas une opération complexe avec cette dernière.

En ce qui concerne le caractère d'intérêt général du projet :

23. Les appelants font valoir que le projet est disproportionné par rapport aux objectifs de développement économique annoncés, lesquels seraient, selon eux, modestes et incertains, que l'atteinte aux terrains agricoles et aux propriétés privées est excessive du fait de la surface requise, et, enfin, que les projections concernant les créations d'emplois sont surévaluées.

24. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet en litige vise à permettre la réindustrialisation du bassin agenais, le développement économique et la création d'emplois. L'objectif est ainsi de revitaliser des territoires situés sur la rive gauche de la Garonne, dont la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois, en périphérie des parties centrales de l'agglomération, et de répondre, par la mobilisation de surfaces significatives, aux demandes diversifiées d'implantation d'entreprises, dans un contexte, qui n'est pas sérieusement contesté, de diminution de terrains disponibles exempts de risques naturels. Le projet, implanté dans un site d'envergure départementale à proximité de l'autoroute A 62 entre Bordeaux et Toulouse, est susceptible de tirer parti des projets majeurs d'infrastructure de communication attendus en rive gauche de la Garonne, dont notamment un nouvel échangeur routier et l'achèvement de la voie sud-est de contournement de l'agglomération agenaise. Il résulte du compte-rendu de la réunion d'examen conjoint que, de l'avis de la chambre de commerce et d'industrie et de la chambre des métiers et de l'artisanat de Lot-et-Garonne, la création du Technopole Agen Garonne est de nature à moyen terme à stimuler l'activité économique, notamment celle des petites entreprises, et ainsi à favoriser la création d'emplois dans le bassin agenais. Alors que le site a été choisi compte tenu de l'objectif de préserver l'activité agricole environnante, et alors que la chambre d'agriculture est favorable au projet, de même que la commission départementale de la consommation des espaces agricoles, l'atteinte que le projet emporte pour les espaces agricoles ne ressort pas du dossier. La circonstance que le projet serait incompatible avec l'exigence de prévention des inondations, alors qu'il a fait l'objet le 7 avril 2014 d'une autorisation préfectorale au titre de la loi sur l'eau, n'est pas établie. Enfin, la déclaration d'intérêt général n'induit par elle-même aucune privation de propriété. Dans ces conditions, les inconvénients dénoncés par les appelants ne peuvent être regardés comme excessifs et ne sont pas de nature à retirer à l'opération projetée le caractère d'intérêt général qui résulte de ses objectifs.

25. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., M. F... et l'association de défense des terres fertiles ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération d'Agen, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... C..., de M. E... F... et de l'association de défense des terres fertiles une somme au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération d'Agen et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C..., de M. F... et de l'association de défense des terres fertiles est rejetée.

Article 2 : La demande de la communauté d'agglomération d'Agen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à M. E... F..., à l'association de défense des terres fertiles, à la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois et à la communauté d'agglomération d'Agen.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. G..., président,

Mme H..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.

Le rapporteur,

Florence Madelaigue

Le président,

M. G...

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 17BX01049
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Opérations d'aménagement urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS TETE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-12;17bx01049 ?
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