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10/12/2019 | FRANCE | N°17BX03664

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 10 décembre 2019, 17BX03664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Port Médoc a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la communauté de communes Médoc Atlantique et la commune du Verdon-sur-Mer à lui verser la somme de 4 180 269 euros en réparation des préjudices subis en sa qualité de délégataire du port de plaisance du Verdon-sur-Mer.

Par un jugement n° 1601635 du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et

des pièces, enregistrés les 24 novembre 2017, 21 février 2019 et 4 mars 2019, la société Port Mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Port Médoc a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la communauté de communes Médoc Atlantique et la commune du Verdon-sur-Mer à lui verser la somme de 4 180 269 euros en réparation des préjudices subis en sa qualité de délégataire du port de plaisance du Verdon-sur-Mer.

Par un jugement n° 1601635 du 25 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés les 24 novembre 2017, 21 février 2019 et 4 mars 2019, la société Port Médoc, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2017 ;

2°) de condamner solidairement la communauté de communes Médoc Atlantique et la commune du Verdon-sur-Mer à lui verser la somme de 4 180 269 euros en réparation des préjudices subis en sa qualité de délégataire du port de plaisance du Verdon-sur-Mer ;

3°) de mettre à leur charge solidaire une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a dû procéder à des travaux supplémentaires non prévus au contrat, consistant en la surélévation de la digue et le repositionnement de la zone commerce, s'élevant à la somme de 1 234 269 euros, dont elle doit obtenir l'indemnisation, la communauté de communes Médoc Atlantique ayant d'ailleurs admis le principe des travaux supplémentaires lors d'une négociation le 1er décembre 2011 ;

- la communauté de communes Médoc Atlantique et la commune ont commis une faute en renonçant à réaliser la zone d'aménagement concertée " quartier du port " prévue à l'occasion de la conclusion de la concession alors qu'elles s'étaient engagées notamment lors de l'appel d'offres dans le document de la consultation et même postérieurement par des décisions des organes délibérants ;

- la commune du Verdon-sur-Mer a commis une faute en autorisant la création d'un ensemble commercial concurrent et en refusant d'autoriser le projet immobilier de la société Nexity ;

- la communauté de communes Médoc Atlantique et la commune ont commis une faute en ne s'opposant pas à un projet de port méthanier ;

- ces fautes lui ont causé un préjudice financier tenant au faible nombre d'anneaux amodiés et à l'inoccupation de locaux commerciaux, évalués par l'expert à la somme de 2 946 000 euros ;

- la responsabilité sans faute de la commune du Verdon-sur-Mer est également engagée dès lors que son préjudice présente un caractère anormal et spécial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, la commune du Verdon-sur-Mer, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Port Médoc en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute, extra-contractuelle dès lors que la réalisation de la ZAC a été déléguée à la communauté de communes Médoc Atlantique, qu'elle n'a pris aucun engagement à l'égard de la société requérante sur cette ZAC, qu'elle n'a commis aucune faute en refusant le permis de construire à la société Nexity, ni en autorisant le centre commercial " Vert marine " qui en outre est distant de plusieurs kilomètres du port, ni encore en ne s'opposant pas au port méthanier ;

- la société Port Médoc a commis une faute de nature à 1'exonérer de sa responsabilité ou à l'atténuer en ne tenant pas compte des aléas dans la réalisation de la ZAC et en adoptant une stratégie commerciale inadaptée ;

- à titre subsidiaire, le préjudice de la société Port Médoc doit être ramené à de justes proportions.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 février 2019 et 20 mars 2019, la communauté de communes Médoc Atlantique, représentée par la SCP Noyer - B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la société Port Médoc en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de qualité pour agir, au nom de la société Port Médoc, de son président, et du fait de la cession de la délégation de service public à la société Port Adhoc ;

- les travaux supplémentaires n'ont pas été admis par le communauté de communes Médoc Atlantique, ils sont prescrits en application de l'article 2224 du code civil et enfin ils sont prévus par la délégation de service public qui n'est pas achevée ;

- elle ne s'est pas engagée fermement à la réalisation de la ZAC et le concessionnaire devait prendre en compte cet aléa alors que c'est un professionnel averti, en outre elle a déjà consenti à un allongement de la durée de la concession et à la baisse de la redevance, et enfin il n'y a pas de lien de causalité entre le déficit d'exploitation qui résulte de mauvais choix de gestion de la société requérante et l'absence de ZAC ou le port méthanier ;

- à titre subsidiaire, le préjudice de la société Port Médoc doit être ramené à de justes proportions.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 7 novembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal a prescrit une expertise, et le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 1er juillet 2015 ;

- l'ordonnance du 9 juillet 2015, par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 27 099,09 euros.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... F...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Port Médoc, de Me E..., représentant la commune du Verdon-sur-Mer, et de Me B..., représentant la communauté de communes Médoc Atlantique .

Considérant ce qui suit :

1. Par convention du 18 octobre 2001, le district de la Pointe du Médoc, devenu communauté de communes de la Pointe du Médoc puis communauté de communes Médoc Atlantique, a confié à la société Port Médoc la réalisation et l'exploitation, pour une durée de quarante années, d'un port de plaisance de 800 places sur la commune du Verdon-sur-Mer. Selon cette convention, la collectivité met à disposition du délégataire l'emplacement de la concession, s'engage à réaliser les travaux de VRD primaires, et contribue aux aménagements du port en abondant un fonds de concours de 4,88 millions d'euros. Le délégataire perçoit auprès des usagers le montant des loyers et les charges d'exploitation, selon les tarifs prévus par la convention et verse une redevance annuelle au délégant. Les travaux, évalués dans la convention à la somme de 21,23 millions d'euros, ont été réceptionnés avec effet au 1er mars 2004, et le port a été mis en service le 1er juillet 2004. Par un avenant du 27 décembre 2007, la durée de la concession a été allongée de onze années et demi, la capacité du port a été portée à 1 200 places, et le montant de la redevance due par le concessionnaire a été abaissé pour ne porter que sur les places louées et à un tarif plus bas. Toutefois, la persistance d'un déficit d'exploitation a conduit les cocontractants à solliciter du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, une expertise ordonnée le 7 novembre 2012, afin de déterminer notamment les causes du déficit d'exploitation constaté lors des premières années d'exécution de la convention. Le rapport d'expertise a été déposé le 9 juillet 2015. La société Port-Médoc a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux et lui a demandé de condamner solidairement la communauté de communes Médoc Atlantique et la commune du Verdon-sur-Mer à lui verser la somme de 2 946 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du déficit d'exploitation et de condamner la communauté de communes à lui verser la somme de 1 234 269 euros au titre de travaux non prévus par la concession. La société Port-Médoc relève appel du jugement du 25 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité de la communauté de communes Médoc Atlantique:

2. La société Port Médoc demande à être indemnisée par la communauté de communes Médoc Atlantique de travaux supplémentaires non prévus au contrat et du déficit d'exploitation dû à sa carence dans la réalisation de la ZAC qui devait jouxter le port objet de la convention, dans la création d'un centre commercial concurrent à proximité du port et dans l'absence d'opposition de sa part à l'installation d'un port méthanier.

En ce qui concerne le déficit d'exploitation :

3. La société requérante, liée à la communauté de communes Médoc Atlantique par contrat, ne peut exercer d'autre action que celle procédant du contrat. La société Port Médoc soutient que le contrat qui la lie à la communauté de communes Médoc Atlantique prévoyait de façon impérative la création par les collectivités concernées d'une ZAC, qui aurait permis le développement du port et notamment l'obtention d'un taux d'occupation des anneaux plus important. Toutefois, et ainsi que l'ont décidé les premiers juges, si les différents projets de port de plaisance retenaient l'hypothèse de la création d'un pôle touristique comprenant hôtels et logements, et si deux études réalisées en août 1994 et mars 1995, ainsi que les avis rendus par le conseil général de la Gironde et l'Etat, insistaient sur la nécessité d'accompagner la construction du port de celle d'un ensemble immobilier, il ne résulte d'aucune stipulation de la convention de délégation que la communauté de communes Médoc Atlantique se soit engagée à la réalisation d'un tel ensemble. Dès lors, faute d'un engagement contractuel de la communauté de communes Médoc Atlantique quant à la réalisation d'une ZAC, sa responsabilité contractuelle ne peut être recherchée.

En ce qui concerne la rémunération de travaux supplémentaires :

4. La société Port Médoc fait valoir qu'elle doit être indemnisée des travaux supplémentaires non prévus au contrat, consistant en des travaux de protection du port et en des travaux liés au repositionnement de la zone commerce, et s'élevant à la somme de 1 234 269 euros. Toutefois la réalité et le caractère indemnisable de ces travaux ne sauraient être démontrés par la seule production d'un simple document de travail, au demeurant confidentiel et dont la communauté de communes Médoc Atlantique n'a pas autorisé la diffusion, qui a été établi dans un contexte de négociation et qui, en tout état de cause, n'ayant pas recueilli l'accord des parties ne peut valoir acquiescement, par la communauté de communes Médoc Atlantique, à l'existence de travaux supplémentaires indemnisables. En outre, il résulte de l'instruction que l'expert initialement désigné judiciairement a été dans l'incapacité de déterminer les travaux réalisés par le délégataire et non compris dans la convention en raison de la défaillance de la société appelante dans la production des documents sur l'avancement des travaux lors des réunions de chantier, de l'absence de plan final des travaux et de l'absence du descriptif et détail estimatif qui aurait dû être fourni par le délégataire dans les 3 mois suivant la signature de la convention. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société Port Médoc aurait réalisé des travaux supplémentaires, non prévus au contrat et résultant d'un aléa imprévisible ou d'une demande du délégant. Par suite, sa demande tendant à l'indemnisation de travaux supplémentaires doit être rejetée.

Sur la responsabilité de la commune du Verdon-sur-Mer :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

5. En premier lieu, la société Port Médoc soutient que la commune du Verdon-sur-mer aurait commis une faute en ne respectant pas son engagement quant à la création de la ZAC qui devait jouxter le port de plaisance et apporter une clientèle qui fait défaut. Toutefois, s'il résulte de l'instruction, et notamment des études demandées à la SEM Gironde Développement et du courrier du maire de la commune du Verdon-sur-mer du 4 juin 2002 que la création d'une ZAC à proximité immédiate du port de plaisance a été envisagée dès 1997 comme étant un élément central de l'aménagement du secteur, d'une part aucun engagement précis et ferme n'a été adressé à la société Port Médoc, d'autre part, cette société ne pouvait ignorer les aléas nécessairement attachés à une opération aussi importante et aussi complexe, ni, par voie de conséquence, les risques qu'elle prenait en s'engageant sur la base de simples études et déclarations alors qu'aucune démarche administrative ou juridique n'avait alors été engagée.

6. En deuxième lieu, si la société Port Médoc fait grief à la commune du Verdon-sur-mer de s'être opposée au projet de la société Nexity de construction d'immeubles d'habitation à proximité du port, elle ne conteste pas la circonstance que ce projet ne respectait pas les dispositions du plan local d'urbanisme de la commune du Verdon-sur-Mer. Dès lors, la commune n'a pas commis de faute en refusant de délivrer un permis de construire pour ce projet.

7. En troisième lieu, la commune du Verdon-sur-Mer n'a pas commis de faute en autorisant la création d'un ensemble de commerces dénommé "Vert marine" sur son territoire qui, selon la société requérante aurait créé une concurrence dommageable au secteur commercial du port, dès lors qu'il n'est pas allégué ni établi que ce projet ne respectait pas les règles d'urbanisme de la commune.

8. Enfin, en quatrième lieu, et ainsi que l'ont décidé les premiers juges, la commune du Verdon-sur-Mer est totalement étrangère au projet de port méthanier jouxtant le port de plaisance et elle n'était pas tenue à une obligation d'information de la société gestionnaire du port de plaisance sur ce projet.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

9. La responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, au cas où une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner au détriment d'une personne physique ou morale un préjudice spécial et d'une certaine gravité. Toutefois, il n'en est pas ainsi en l'espèce dès lors que la société Port Médoc, en sa qualité de professionnelle de l'immobilier et des travaux publics, ne pouvait ignorer les aléas qui pèsent nécessairement sur la réalisation d'un programme immobilier tel que celui qui était projeté en l'espèce et pour la réalisation duquel elle devait normalement envisager l'éventualité de l'abandon du projet de ZAC, alors en outre qu'aucune démarche administrative ou juridique n'avait été réalisée pour la création de cette zone. Ayant assumé ce risque en toute connaissance de cause, elle ne saurait utilement soutenir qu'elle a subi un préjudice anormal et que la commune doit supporter les conséquences onéreuses résultant pour elle de la renonciation au projet.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir et l'exception de prescription opposées par la communauté de communes Médoc Atlantique, que la société Port Médoc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les dépens et frais d'instance :

11. Il y a lieu de maintenir à la charge définitive de la société Port Médoc les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 27 099,09 euros par ordonnance du 9 juillet 2015 du président du tribunal administratif de Bordeaux.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes Médoc Atlantique et de la commune du Verdon-sur-Mer au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société Port Médoc dès lors que ces collectivités ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Port Médoc la somme de 1 500 euros à chacune des collectivités.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Port Médoc est rejetée.

Article 2 : La société Port Médoc versera la somme de 1 500 euros à la communauté de communes Médoc Atlantique et la somme de 1 500 euros à la commune du Verdon-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Port Médoc, à la communauté de communes Médoc Atlantique et à la commune du Verdon-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.

La rapporteure,

Fabienne F... Le président,

Dominique NAVES Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX03664


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