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03/12/2019 | FRANCE | N°17BX04098

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 décembre 2019, 17BX04098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vaincre l'Autisme a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 juillet 2015 par laquelle la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) de Midi-Pyrénées a refusé à la structure " Futuroschool " la qualification d'institut médico-éducatif (IME) ou de service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), ainsi que la décision du 17 juillet 2015 par laquelle la même autorité a fixé

la dotation globale de soins de cette structu

re pour l'exercice budgétaire de l'année 2015.

Par un jugement n° 1504150 du 19 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Vaincre l'Autisme a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 juillet 2015 par laquelle la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) de Midi-Pyrénées a refusé à la structure " Futuroschool " la qualification d'institut médico-éducatif (IME) ou de service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), ainsi que la décision du 17 juillet 2015 par laquelle la même autorité a fixé

la dotation globale de soins de cette structure pour l'exercice budgétaire de l'année 2015.

Par un jugement n° 1504150 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse

a transmis au tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux

la contestation relative à la fixation de la dotation globale de soins et rejeté le surplus de

la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017, l'association Vaincre l'Autisme, représentée par la SELARL Alcya Conseil-Associations, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 16 juillet 2015 par laquelle la directrice générale de l'ARS de Midi-Pyrénées a refusé à la structure " Futuroschool " la qualification d'IME ou de SESSAD ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la substitution de base légale n'était pas explicitement demandée par l'ARS ;

- la motivation en droit de la décision est irrégulière dès lors que les dispositions

des articles L. 313-14 et L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles étaient inapplicables aux faits de l'espèce ; en tout état de cause, une substitution de base légale ne pouvait compenser l'absence de motivation en droit, qui l'a privée d'une garantie ; la décision est insuffisamment motivée en fait ;

- alors que la décision retire ou abroge une décision créatrice de droits, elle n'a pas été invitée à présenter ses observations préalables sur la décision elle-même et non sur le rapport

de l'IGASS, en méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ARS, qui n'a ni sollicité l'avis du procureur de la République, ni pris un arrêté

de fermeture, n'a pas respecté la procédure prévue par les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles, ce qui révèle un détournement de la procédure de fermeture des structures expérimentales ;

- l'ARS a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur les " positionnements " de l'association Vaincre l'Autisme et le taux d'occupation en constante diminution

de l'établissement, qui ne figurent pas parmi les motifs de fermeture limitativement énumérés par les dispositions de l'article L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles ; en outre, les motifs tirés du taux d'occupation et de l'instabilité du personnel sont entachés d'erreurs de fait, et les autres motifs sont infondés ou, en tout état de cause, insuffisamment caractérisés pour justifier la décision ;

- la décision, prise pour des motifs étrangers à toute considération de danger immédiat et de santé publique, et sans tenir compte ni des améliorations intervenues, ni de la nécessité de l'accompagnement apporté par la structure " Futuroschool ", est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par l'association Vaincre l'Autisme ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant l'association Vaincre l'Autisme.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de

Midi-Pyrénées du 21 décembre 2010, l'association Léa pour Samy, devenue Vaincre l'Autisme, a été autorisée à créer à Toulouse, à compter du 1er juillet 2010, une structure expérimentale de douze places destinée à la prise en charge d'enfants ou adolescents atteints d'autisme ou de troubles envahissants du développement, pour une durée de trois ans prorogée

jusqu'au 31 juillet 2014, puis jusqu'au 31 juillet 2015. En juillet 2012, une inspection de l'ARS a conduit au constat de dysfonctionnements graves, relatifs notamment à l'accueil d'un nombre d'enfants inférieur à l'agrément, à une confusion des dépenses liées à l'activité associative avec celles afférentes à l'accompagnement des enfants, à la gestion directe de l'établissement par le président de l'association sans délégation à un directeur qualifié, et à un dialogue social défectueux. Au début de l'année 2013, la situation financière très critique de l'association Vaincre l'Autisme a été signalée par son président à la ministre de tutelle. Cette dernière a chargé l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'une mission d'inspection dont le rapport définitif, rendu en juin 2014, confirme le caractère répétitif et durable des mêmes dysfonctionnements. Par lettre du 29 août 2014, la directrice générale de l'ARS a enjoint au président de l'association d'y remédier et l'a informé qu'une nouvelle mission de l'IGAS serait diligentée à partir du 1er octobre suivant afin de s'assurer de la mise en oeuvre de ces injonctions, notamment en ce qui concerne le respect du cahier des charges des structures expérimentales et le projet d'établissement. L'inspection a eu lieu dans l'établissement le 17 novembre 2014.

Eu égard aux conclusions de son rapport définitif, la directrice générale de l'ARS a pris,

le 16 juillet 2015, la décision de ne pas procéder à la qualification en institut médico-éducatif (IME) ou en service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) de la

structure " Futuroschool " de Toulouse à l'expiration de la période d'autorisation

à titre expérimental. L'association Vaincre l'Autisme relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

3. Le refus de qualification en IME ou SESSAD de la structure " Futuroschool " prononcé par la décision du 16 juillet 2015 vise les dispositions des articles L. 313-14 et

L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles, lesquelles sont relatives à la fermeture

des établissements ou services médico-sociaux de droit commun autorisés pour une durée de quinze ans sur le fondement de l'article L. 313-1 du même code. Toutefois, la directrice générale de l'ARS a fait valoir, dans son mémoire en défense devant le tribunal, que le fondement de cette décision refusant de transformer une structure expérimentale en un établissement médico-social dont l'autorisation relève de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles était en réalité l'article L. 313-7 du même code, relatif à l'autorisation d'une durée maximale de cinq ans accordée aux établissements et services à caractère expérimental. Ainsi, l'association requérante a été mise en mesure de discuter le nouveau fondement proposé. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur la légalité de la décision du 16 juillet 2015 :

4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que c'est à bon droit que le tribunal a procédé à la substitution de base légale.

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...) / refusent une autorisation (...). ". En refusant la qualification en IME ou en SESSAD à la structure expérimentale " Futuroschool ", la décision du 16 juillet 2015 met fin, à compter du 1er août 2015, à la possibilité pour cette structure d'accueillir des enfants orientés vers un établissement ou un service médico-social et de recevoir des crédits de l'assurance maladie. A cette date, la durée maximale autorisée de l'expérimentation était expirée, et les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'action sociale et des familles ne confèrent aucun droit ni à son renouvellement, ni à l'octroi d'une autorisation en qualité d'établissement ou de service médico-social de droit commun. Ainsi, la décision attaquée n'a pour effet ni de retirer, ni d'abroger une décision créatrice de droits. Elle doit cependant être motivée dès lors qu'elle refuse l'autorisation de droit commun prévue par l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles pour les établissements ou services médico-sociaux.

6. L'association Vaincre l'Autisme soutient que la décision est dépourvue de motivation en droit dès lors que la référence aux articles L. 313-14 et L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles est inadéquate. Cependant, cette critique est relative au bien-fondé de la décision, et non à sa motivation formelle, et n'est donc pas susceptible d'être utilement invoquée au titre de la légalité externe de la décision. S'agissant de la motivation en fait, la décision détaille les non-conformités, constatées par le rapport définitif de l'inspection réalisée le 14 novembre 2014, de l'organisation, du fonctionnement et de la gestion de la structure " Futuroschool " aux dispositions du cahier des charges nationales et à celles du projet d'établissement.

Elle relève ensuite que, dans sa réponse au rapport provisoire, l'association Vaincre l'Autisme a indiqué ne pouvoir appliquer l'ensemble des règles du " système médico-social " qu'elle avait toujours critiqué comme inadapté à la prise en charge des enfants atteints d'autisme, et conclut qu'au regard de ces positionnements et de ces non-conformités, il est décidé de ne pas procéder à la qualification en IME ou en SESSAD à l'issue de l'autorisation en qualité de structure expérimentale. Cette motivation est ainsi suffisante.

7. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'action sociale et des

familles : " Les autorisations des établissements et services à caractère expérimental mentionnés au 12° du I de l'article L. 312-1 sont accordées pour une durée déterminée, qui ne peut être supérieure à cinq ans. Elles sont renouvelables une fois au vu des résultats positifs d'une évaluation. Au terme de la période ouverte par le renouvellement et au vu d'une nouvelle évaluation positive, l'établissement ou le service relève alors de l'autorisation à durée déterminée mentionnée à l'article L. 313-1 ". Aux termes de l'article 24 de la loi

du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable : " Exception faite sur le cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. / (...). ". Ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision en cause devait être regardée comme un refus de l'autorisation de droit commun prévue par l'article L. 313-1, et par suite, soumise à une procédure contradictoire. Dès lors que la délivrance d'une autorisation en qualité d'établissement ou de service médico-social de droit commun est subordonnée à la réalisation d'une évaluation positive de l'établissement ou du service autorisé à titre expérimental, c'est dans le cadre de cette évaluation que le responsable de ce dernier doit être mis à même de présenter ses observations. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le président de l'association Vaincre l'Autisme a présenté des observations détaillées sur les dysfonctionnements relevés par le pré-rapport d'inspection. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit, en tout état de cause, être écarté.

8. Les dispositions relatives à la procédure de fermeture des établissements et services médico-sociaux prévues par les articles L. 313-14 et L. 313-16 du code de l'action sociale et des familles étant inapplicables en l'espèce, leur méconnaissance ne peut être utilement invoquée, et il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'ARS n'avait pas à engager une procédure de fermeture d'établissement médico-social pour prendre la décision attaquée à l'expiration de l'autorisation à titre expérimental de la structure " Futuroschool ". Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure ne peut qu'être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'évaluation positive mentionnée à l'article L. 313-7 du code de l'action sociale et des familles, permettant soit de renouveler une autorisation accordée à titre expérimental, soit d'accorder une autorisation en qualité d'établissement ou de service médico-social, reposait sur le respect des critères fixés dans un cahier des charges national, ainsi que des engagements figurant dans le projet d'établissement. En l'espèce, les inspecteurs ont constaté une méconnaissance de ces critères et de ces engagements caractérisée, notamment, par un taux d'occupation en constante diminution depuis l'ouverture alors que la dotation de fonctionnement avait été maintenue à son niveau initial, par l'absence de prise en compte de la dimension thérapeutique des projets des enfants, par un manque de stabilité du personnel imputable à une politique salariale et à une gestion des ressources humaines inadaptées, par le non-respect des décisions des autorités tarifaires en ce qui concerne les charges de personnel et les charges indirectes, et par le surdimensionnement de la fonction administrative, qui ne parvient pas pour autant à inscrire l'établissement dans son environnement territorial et à fidéliser les équipes. Ces carences, qui avaient donné lieu à des observations, puis à des injonctions de l'ARS depuis 2011, perduraient lors de l'inspection

du 14 novembre 2014. La structure " Futuroschool " ne présentait aucune garantie d'adaptation aux modalités d'organisation et de fonctionnement dont le respect lui était demandé dès lors que, dans ses observations sur le rapport provisoire qui lui a été communiqué, l'association Vaincre l'Autisme a exprimé sans ambiguïté son refus de se soumettre aux règles applicables aux établissements médico-sociaux, qu'elle estime incompatibles avec sa conception de la prise en charge des enfants autistes. C'est ainsi sans commettre ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, que la directrice générale de l'ARS a pris la décision attaquée.

10. Il résulte de ce qui précède que l'association Vaincre l'Autisme n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 16 juillet 2015 par laquelle la directrice générale de l'ARS a refusé à la structure " Futuroschool " la qualification d'IME ou de SESSAD.

Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais exposés à l'occasion du litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Vaincre l'Autisme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vaincre l'Autisme et à la ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Occitanie.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.

La rapporteure,

Anne C...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX04098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX04098
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-03-01-02 Aide sociale. Institutions sociales et médico-sociales. Établissements - Questions communes. Établissements médico-éducatifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : ALCYACONSEIL ASSOCIATIONS STE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-03;17bx04098 ?
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