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02/12/2019 | FRANCE | N°19BX02330

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 02 décembre 2019, 19BX02330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés des 27 mars 2019 et 29 mars 2019 par lesquels le préfet de la Charente-Maritime l'a assignée à résidence.

Par une ordonnance n° 1901150 du 14 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2019, Mme F... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :>
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler cette ordonna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés des 27 mars 2019 et 29 mars 2019 par lesquels le préfet de la Charente-Maritime l'a assignée à résidence.

Par une ordonnance n° 1901150 du 14 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2019, Mme F... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 14 mai 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 20 février 2019 portant transfert aux autorités espagnoles ;

4°) d'annuler les arrêtés des 27 mars 2019 et 29 mars 2019 du préfet de la Charente-Maritime portant assignation à résidence ;

5°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de mettre un terme à la procédure de transfert dont elle fait l'objet et de lui délivrer un dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Elle soutient que :

- le premier juge a regardé à tort sa requête comme tardive dès lors que la notification des arrêtés contestés ne faisait pas mention des modalités de saisine du tribunal administratif ;

- l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles a été pris par une autorité incompétente ;

- elle n'a pas bénéficié des informations auxquelles est en droit de prétendre tout demandeur d'asile, le préfet ne démontrant notamment pas que l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013 a eu lieu ;

- le préfet de la Charente-Maritime a commis une erreur d'appréciation en prononçant son transfert aux autorités espagnoles ;

- les arrêtés d'assignation à résidence ont été pris par une autorité incompétente ;

- ces arrêtés sont illégaux du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle est hébergée par son conjoint qui réside régulièrement sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2019, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante à l'encontre des décisions d'assignation à résidence sur lesquelles a statué l'ordonnance attaquée ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2019, la clôture d'instruction fixée au 30 septembre 2019 a été reportée au 28 octobre 2019 à 12 h 00.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... E... épouse B..., ressortissante guinéenne, est entrée irrégulièrement en France. Par un arrêté du 20 février 2019, le préfet de la Charente-Maritime a prononcé son transfert aux autorités espagnoles. Par deux arrêtés en date des 27 mars 2019 et 29 mars 2019, ledit préfet l'a assignée à résidence. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 14 mai 2019 par laquelle le magistrat désigné par le tribunal administratif de Poitiers a rejeté pour irrecevabilité manifeste sa demande d'annulation de ces deux derniers arrêtés.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 septembre 2019. Dès lors, les conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert :

3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 susvisé, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Et aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

4. Le délai de six mois prévu par les dispositions précitées, qui a commencé à courir à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, n'a été interrompu par l'introduction d'aucun recours contentieux devant le tribunal administratif. Il ressort des écritures du préfet que ce délai n'a pas été prolongé et que la décision de transfert n'a pas été exécutée. Ainsi, en application des termes du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de Mme B... et l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a prononcé le transfert de l'intéressée aux autorités espagnoles, contesté pour la première fois en appel, est devenu caduc. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés d'assignation à résidence :

5. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ". Aux termes de l'article L. 742-4 du même code : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de sept jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. (...) II. - Lorsqu'une (...) assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision (...) d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence (...) ".

6. Il est constant que l'arrêté du 20 février 2019 prononçant le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles a été notifié à cette dernière avec les arrêtés d'assignation à résidence. Il en résulte qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 742-4, Mme B... disposait d'un délai de quarante-huit heures à compter de la notification des décisions d'assignation à résidence pour contester celles-ci devant le tribunal administratif.

7. Pour rejeter comme entachée d'une irrecevabilité manifeste la requête de Mme B... dirigée contre les décisions des 27 mars 2019 et 29 mars 2019 ayant respectivement pour objet de modifier les modalités d'exécution de l'arrêté du 20 février 2019 et de renouveler l'assignation à résidence de l'intéressée pour une durée de 45 jours, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la circonstance que ladite requête a été présentée après l'expiration du délai de quarante-huit heures.

8. Il est constant que les décisions contestées, qui comportaient la mention des voies et délais de recours, ont été notifiées à Mme B... le 9 mai 2019 tandis que la requête tendant à leur annulation a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 13 mai 2019 soit après l'expiration du délai de quarante-huit heures prévu par les dispositions citées au point 5. Si Mme B... soutient que la mention des voies et délais de recours n'était pas assez précise relativement aux modalités de saisine du tribunal administratif, le préfet n'avait aucune obligation de préciser que la demande d'annulation devait être non pas adressée au tribunal dans le délai de quarante-huit heures mais réceptionnée par la juridiction dans ledit délai.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande au motif qu'elle était manifestement irrecevable.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par Mme B....

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2019 du préfet de la Charente-Maritime prononçant le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles et aux conclusions à fin d'injonction et d'astreinte y afférentes.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... épouse B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... A..., présidente assesseure,

M Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.

Le rapporteur,

Karine A...Le président,

Pierre Larroumec Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°19BX02330 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02330
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-02;19bx02330 ?
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